La Chronique Agora

Pourquoi la Fed de Janet Yellen ne peut pas augmenter les taux d’intérêt

▪ Nous l’avions bien dit : la Fed de Janet Yellen n’augmentera pas les taux de sitôt — en tout cas pas de manière significative. Elle annoncera plutôt de nouveaux programmes d’assouplissement quantitatif.

Ces derniers temps, tout était dans le rouge — les actions américaines, les actions européennes, les actions asiatiques, les marchés émergents, le pétrole… La seule chose dans le vert était l’or.

Cela aurait pu être pire. Bloomberg rapportait que les actions américaines avaient récupéré une partie de leurs pertes le lendemain de l’annonce que la Fed ne prévoyait pas de hausses de taux tant que certaines conditions — non spécifiées — ne seront pas remplies :

"Les valeurs américaines ont paré à une chute déclenchée par une déroute sur les marchés émergents et un plongeon du pétrole, le compte-rendu de la Réserve fédérale montrant que les autorités considéraient que les conditions pour une hausse des taux approchent mais n’ont pas encore été remplies".

Devinez quoi ? Elles ne seront jamais remplies. Ce n’est pas ainsi que ça fonctionne. Cette économie ne se "remettra" jamais — pas tant qu’elle est sous l’autorité des dirigeants actuels. C’est comme un patient soigné par des charlatans.

L’économie actuelle dépend de vastes doses de crédit bon marché. Et comme avec la morphine, il faut augmenter les doses rien que pour faire du surplace. Enlevez les drogues et la douleur augmente.

Supprimez le crédit bon marché et les rachats sur Wall Street s’arrêtent

La douleur causée par la chute du cours des actions, par exemple. Supprimez le crédit bon marché et les rachats sur Wall Street s’arrêtent. Les profits par action chutent. Avec des ventes qui stagnent ou chutent et, parallèlement, des revenus qui ne grimpent pas pour les ménages, inévitablement, les cours prendront aussi le chemin de la baisse.

Nous avons déjà vu que les prix des actions actuels ne sont pas le résultat de réflexions raisonnables de la part des investisseurs. Ils ne s’assoient pas avec un bloc-notes et un crayon HB pour calculer les flux de revenus au cours des 10 prochaines années. Ils préfèrent compter sur les compères pour truquer les marchés. Ce qu’ils peuvent le faire en empruntant à taux ultra-bas et en utilisant l’argent pour racheter leurs propres valeurs. Les initiés obtiennent des bonus et des plus-values… en pillant le capital de l’entreprise elle-même et en le remplaçant par de la dette.

▪ Comment empêcher les actions de chuter ?
Le crédit bon marché est essentiel à ce processus de pillage. Supprimez-le, et tout l’édifice s’effondre — ainsi que les prix des actions.

Mais un krach boursier, c’est précisément ce que les autorités ne peuvent pas permettre. Toute l’illusion de la "reprise" est basée sur la hausse des actions. L’"effet richesse" est censé pousser les riches à dépenser comme des capitalistes ivres — lançant de nouvelles entreprises, embauchant de nouveaux travailleurs, achetant du pétrole et des matières premières… sans parler de s’offrir quelques petits plaisirs luxueux au passage. L’économie est censée connaître une croissance explosive… et semer au passage des piécettes sur les trottoirs pour que les pauvres les ramassent.

Les actions grimpent — mais l’économie réelle ne va nulle part

Bien entendu, ça n’arrive pas. Au lieu de ça, le crédit bon marché va aux compères, qui l’utilisent pour manipuler le marché. Les actions grimpent — mais l’économie réelle ne va nulle part.

Lors d’une conférence, le mois dernier, notre ami Steve Sjuggerud a tordu le cou à l’idée qu’un cycle de hausse des taux coïncide toujours avec une chute des cours boursiers. Il a souligné que les actions grimpent, en réalité, durant une période de hausse des taux. Ne vous inquiétez pas d’un resserrement de la part de la Fed, a-t-il dit à son auditoire. Cela ne signifie pas forcément une baisse des actions.

Nous ne doutons pas qu’il ait raison. Typiquement, lorsque l’économie accélère, les taux d’intérêt grimpent… et les actions aussi. Sauf que nous ne sommes pas dans une économie typique… ni dans un marché haussier typique. L’ensemble n’est qu’une contrefaçon. Les actions ont été truquées à la hausse par du crédit bon marché et des rachats. L’économie, quant à elle, n’est pas dans une phase de saine expansion, ce qui ferait grimper les prix des actions et les taux d’intérêt en même temps.

L’économie actuelle est aussi froide et inanimée qu’un cadavre. Les matières premières essentielles approchent de planchers record — y compris le cuivre, ce qui signale une détérioration de l’économie partout dans le monde. Les prix du fret montrent un ralentissement du commerce. Les marchés émergents subissent un élargissement des spreads de crédit et une hausse du dollar. La Chine lutte pour éviter une Grande dépression.

C’est pour cette raison que Mme Yellen hésite à laisser les taux revenir à des niveaux plus normaux. Elle sait que ce sera douloureux. Elle préfèrera administrer plus de morphine.

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