La Chronique Agora

Comment la Fed a transformé l’immobilier US en monstre

▪ Michael Milken était dans le Wall Street Journal la semaine dernière. Nous avons parlé vendredi de sa contribution au marché des junk bonds. Il a contribué à le créer au début des années 80, puis il est allé en prison. Il avait "sous-estimé le risque", ont dit les journaux.

Trente ans plus tard, le marché des junk bonds est 10 à 20 fois plus gros… et les risques sont plus importants que jamais. Sauf qu’à présent, ils ne sont pas sous-estimés par Milken mais par les banques centrales. Les prix sont guidés par la Fed. Les spéculateurs, de leur côté, pensent qu’ils n’ont pas vraiment à s’inquiéter de perdre de l’argent — pas tant que la Fed fournit une ligne de crédit illimitée à un coût proche de zéro.

Mais Milken ne parlait absolument pas des junk bonds la semaine dernière. Il s’inquiétait d’une autre imbécillité perpétrée par les autorités.

Nous y réfléchissions lors de notre voyage de retour depuis la Caroline du Sud. Les vieilles maisons que nous avons vues sur notre chemin — en dehors des grandes demeures — étaient petites. Souvent charmantes. Certaines étaient même élégantes. Les maisons plus récentes — surtout celles construites ces 10 dernières années — étaient bien plus grandes. Mais la plupart avaient perdu toute grâce et tout charme. Elles semblaient difformes… gauches et boursouflées, comme affectées d’une maladie glandulaire.

La surface de la maison américaine typique a augmenté de 50% au cours des 30 dernières années.

La surface de la maison américaine typique a augmenté de 50% au cours des 30 dernières années, dit Milken. Au cours de cette même période, la taille de la famille moyenne a chuté de 25%. Moins de gens, plus d’espace.

Et beaucoup plus de frais. D’abord, les coûts de construction augmentent avec la surface. Ensuite, il coûte plus cher de meubler une telle maison. Et de la chauffer et de la climatiser. Et de l’entretenir.

▪ Plus d’espace est-il vraiment une bonne chose ?
Ce n’est pas à nous d’en décider. Mais Elizabeth avait son point de vue :

"Je ne voudrais pas errer dans une gigantesque maison vide", a-t-elle observé alors que nous longions un champ plein de demeures géantes récemment plantées.

"Ils ont dû construire durant le boom de l’immobilier. Ils doivent le regretter à présent — il faut chauffer tout ça. Et à qui vendre ces éléphants blancs ?"

Revenons à la question de savoir ce qui les a poussés à les acheter au départ. M. Milken a la réponse : le marché de l’immobilier a été victime des distorsions des autorités.

"… durant la décennie du boom de l’immobilier avant 2007, de nombreux acheteurs ont décidé que la plus grande maison possible (avec un prêt tout aussi grand) était une meilleure idée qu’un plan épargne retraite ou que l’éducation de leurs enfants", écrit-il.

Les maisons étaient des machines à cash. Plus la maison était grande, plus on pouvait ensuite l’hypothéquer. Les propriétaires "extrayaient" la valeur aussi vite qu’elle s’accumulait.

Comme la pluie de profits qui tombe actuellement sur les marchés boursiers, le marché immobilier pré-2007 était un monstre créé par les autorités.

▪ Le monstre est devenu zombie
Quelle était cette "valeur" ? D’où provenait-elle ? Comme la pluie de profits qui tombe actuellement sur les marchés boursiers, le marché immobilier pré-2007 était un monstre créé par les autorités :

"Les créditeurs hypothécaires américains profitent d’avantages fiscaux considérables, de prêts qui ne stipulent aucun recours contre les actifs non-résidentiels des emprunteurs s’ils font défaut et de prêts qui n’offrent aucune protection au prêteur si l’emprunteur refinance le prêt à un taux plus bas", dit Milken.

A présent, le monstre est devenu un zombie… artificiel, non désiré, maintenu en vie par les taux d’intérêt artificiels de la Fed. Norbert Michel, de la Heritage Foundation, ajoute :

"Les garanties gouvernementales établies sur le marché de l’immobilier US ont faussé les prix de l’immobilier, encouragé la dette, mis les contribuables sur la sellette pour des milliers de milliards de dollars et nourrissent des millions de saisies hypothécaires".

Les propriétaires américains sont désormais coincés avec des machines à cash qui ne fonctionnent plus. En dépit d’un solide rebond l’an dernier, il est peu probable que la hausse des prix de l’immobilier continuera à dépasser l’IPC. En d’autres termes, les maisons reprendront leur habitude : se traîner au rythme de l’économie en général.

Tant les paysages des Etats-Unis que leur économie ont été souillés et déformés. Les risques ont été sérieusement sous-estimés. Pour l’instant, aucun banquier central n’a été mis au banc des accusés. Mais nous attendons ça avec impatience.

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