La Chronique Agora

La Fed a-t-elle favorisé la robotisation de la main-d’oeuvre ?

▪ D’un strict point de vue personnel, il est très amusant de souligner les défauts des autres… et de leur donner des conseils utiles. Imaginez que vous êtes au restaurant. Vous voyez un gros homme commander un fondant au chocolat pour le dessert. Allez le voir et offrez-lui de le manger à sa place. Ou bien imaginez que vous êtes à l’église. Vous avez entendu dire que M. Montagne fait des galipettes avec Mme Mordant. Il est quasiment de votre devoir de citoyen de leur dire quelque chose à tous les deux. Ou imaginez que votre épouse, distraite, a laissé brûler les brocolis. Indubitablement, il lui sera bénéfique de lui rappeler de faire attention quand elle cuisine le dîner.

Evidemment, cette sorte de commentaire utile n’est pas toujours appréciée à sa juste valeur.

Evidemment, cette sorte de commentaire utile n’est pas toujours appréciée à sa juste valeur.

Au niveau public, c’est beaucoup plus facile. Il y a quelques jours, rappelez-vous, David Brooks s’inquiétait de ce que les Américains ne déménagent pas assez souvent. Il avait aussi une solution : des bons de déménagement.

Tom Friedman est une excellente source d’idées tout aussi lumineuses. Dans l’un de ses éditoriaux, il avait décidé que les gens ne conduisaient pas assez de véhicules électriques. La solution ? Leur offrir le parking gratuit ! Dans un autre classique, il suggérait de mettre en place une "Commission nationale pour bien faire les choses". Nous ne nous rappelons pas les choses en particulier que le pays faisait mal à l’époque d’après lui… mais nous ne doutons pas que si l’administration Bush avait pris ses conseils plus au sérieux, les erreurs auraient été corrigées il y a des années de ça.

Mettez les robots en esclavage !
A présent, dans le Financial Times, Martin Wolf attire l’attention sur l’échec des classes ouvrières partout dans le monde : ils ne peuvent pas faire concurrence aux robots, dit-il.

"Réduisez les robots en esclavage et libérez les pauvres", propose-t-il.

Qu’a-t-il contre les robots ? Il doit les considérer comme des traîtres mécaniques. Ils ne font pas grève. Ils ne répondent pas. Ils font moins d’erreurs. Ils ne boivent pas pendant les heures de travail. Ils fonctionnent même les jours fériés. Et on peut les programmer pour qu’ils soient polis en plus d’être compétents.

Nous céderons volontiers notre place à toute machine qui se débrouille mieux que nous.

Ma foi, tout robot qui voudrait notre poste peut l’avoir. Inutile de le réduire en esclavage. Simplement, que ce soit fait équitablement : nous céderons volontiers notre place à toute machine qui se débrouille mieux que nous. Ce serait bien si on en trouvait un qui prenne aussi le poste de Wolf.

Mais là où nous voyons une opportunité, Wolf voit un problème. 47% des emplois sont menacés par l’automatisation, dit-il. Qu’arrivera-t-il alors aux salaires ?

Eh bien, inutile d’aller plus loin que l’esclavage lui-même pour le savoir. Les esclaves, qu’ils soient humains ou robots, sont considérés comme une forme de capital. Après les coûts d’entretien, les profits de leur travail vont à leurs propriétaires.

Les banques centrales, responsables de l’automatisation ?

Plus le coût du capital est bas, plus les robots prennent leur place dans la main-d’oeuvre…

Wolf n’en parle pas, mais les robots devraient rendre grâces aux banques centrales. En réduisant les taux d’intérêt, elles réduisent aussi le coût du capital. Avec un taux d’intérêt zéro, par exemple, le coût réel d’un robot est de zéro. Et si ce robot peut remplacer un employé marginalement compétent et qui a en plus une mauvaise attitude, l’employeur fait un profit de 42 000 $ (aux coûts américains)… sans compter l’assurance maladie et la place de parking. Plus le coût du capital est bas, plus les robots prennent leur place dans la main-d’oeuvre… et plus le coût de l’emploi chute.

Et maintenant, au lieu de passer ses journées à trimer dans une usine bruyante, l’ancien ouvrier pourrait être à la bibliothèque, à étudier l’araméen, ou dans sa cave, à travailler à un moteur à air non polluant.

Mais attendez. Il pourrait y avoir "un choc d’ajustement considérable à mesure que les ouvriers sont licenciés ; les salaires sur le marché des travailleurs non-qualifiés chuteront bien au dessous d’un minimum socialement acceptable ; et si l’on ajoute à cela d’autres nouvelles technologies, les robots pourraient rendre la distribution des revenus encore plus inégale qu’elle l’est actuellement".

Vite, un plan !
Le spectre des revenus inégaux est si alarmant que M. Wolf n’attend pas l’invasion des robots. Il veut que nous soyons prêts. Il nous donne cinq choses que nous devrions faire… ou auxquelles au moins penser.

Premièrement, nous devons "former" les bons nouveau robots… et gérer les mauvais, quoi que cela signifie.

Deuxièmement, l’éducation "n’est pas une baguette magique". Bien sûr, nous n’avons jamais pensé que c’était le cas… Et de toute façon, on peut probablement apprendre des choses à un robot plus rapidement et plus facilement qu’à un enfant de 10 ans.

Les gens n’ont pas besoin de la permission de M. Wolf pour s’amuser, activement ou paresseusement.

Troisièmement, il faut "laisser les gens s’amuser activement". A nouveau, nous n’avons pas la moindre idée de ce qu’il veut dire. Les gens n’ont pas besoin de la permission de M. Wolf pour s’amuser, activement ou paresseusement.

Quatrièmement… oh-oh… "il faudra redistribuer les revenus et la richesse". Là, il en vient au but. Il veut contrôler là où va l’argent. Peut-être que "l’Etat [devrait] obtenir une part automatique des profits générés par la propriété intellectuelle qu’il protège", dit-il.

Cinquièmement, n’oublions pas le besoin de "s’assurer que la demande se développe en tandem avec la hausse de production potentielle".

Vous vous rappelez toutes ces choses que vous avez apprises sur le fonctionnement d’une économie… comment l’offre et la demande se régulent elles-mêmes ? Vous vous rappelez ? Grâce aux prix. Quand l’offre est basse… les prix grimpent… et les producteurs s’activent. Quand les prix chutent, les producteurs lâchent du lest ; la baisse des prix signale un excès d’offre.

Eh bien oubliez tout ça. M. Wolf est d’avis que l’offre et la demande devraient être contrôlées, pour qu’elles grimpent toutes deux au même rythme. Peut-être qu’il nous expliquera comment ça fonctionne dans un futur article…

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