La Fed soutient les marchés avec de nouvelles baisses de taux, masquant une montée préoccupante de l’endettement des ménages et une économie américaine en équilibre précaire.
Tout comme le 18 septembre 2007, la Fed a amorcé son cycle de réduction du loyer de l’argent par une réduction de 50 points de base (c’était une très bonne nouvelle, mais à peine 18 mois plus tard, mi-mars 2009, le S&P 500 avait perdu 54% par rapport à ses sommets).
Or il se trouve que le sommet historique du S&P, c’était ce mercredi 18 septembre, à 20h02 ; idem pour le Dow Jones qui a flirté avec les 42 000 points (à 10 points près, soit 0,0025%).
Mais d’autres sommets encore plus glorieux se dessinent déjà en cette veille des « Quatre sorcières ».
Jerome Powell s’est appliqué à demeurer le « meilleur ami des marchés » en ne prononçant pas une parole susceptible de contrarier Wall Street. Il fallait promettre de futures baisses de taux ; ce fut fait (-50 points supplémentaires d’ici fin 2024, -100 points en 2025) – c’est un menu « dégustation » en six plats digne du meilleur des chefs.
Le président de la Fed a souligné à plusieurs reprises la « résilience » de l’économie américaine, ce fut même l’élément de langage le plus martelé tout au long de sa conférence de presse (et qui a totalement séduit la Bourse de Tokyo qui s’est envolée de +2,1% quelques heures plus tard).
Et il n’a pas manqué d’expliquer sa stratégie : « Nous allons continuer de calibrer nos décisions meeting après meeting, en fonction des performances de l’économie, sans précipitation, d’ailleurs rien de tel ne le justifie. La patience demeure notre ligne de conduite : le rythme des créations d’emplois ralentit mais les licenciements n’accélèrent pas. »
Comble de bonheur, l’inflation continue sagement de se contracter et la moindre pression sur les prix peut expliquer la résilience de la consommation.
Nous serions plutôt d’avis que l’amorce de la décrue des taux depuis un an soulage un peu les emprunteurs, mais en réalité les ménages s’endettent bien plus vite que le coût du crédit ne recule.
Leur endettement a fait un bond de 109 Mds$ au deuxième trimestre 2024, l’encours des crédits pulvérisant un nouveau record de 17 800 Mds$, soit près de 70% du PIB.
Le troisième trimestre a démarré sur des bases encore plus « verticales ». La dette hypothécaire a flambé de 77 Mds$ et le crédit à la consommation total a bondi de 25,5 Mds$ en juillet. L’encours atteint un nouveau record historique de 5 100 Mds$ (x2 en 14 ans). Les +25,5 Mds$ constituent également la plus forte hausse depuis novembre 2022 et de la 11e augmentation mensuelle consécutive.
Il se décompense en crédit à la consommation classique (+10,6 Mds$) et en crédit « revolving » (le plus coûteux, c’est de l’argent facturé au-delà de 22%) qui a augmenté de +10,6 Mds$ : l’encours global a également atteint un nouveau record de 1 400 Mds$.
La fuite en avant dans l’endettement au « mois le mois » (assimilable à du découvert autorisé) est en train de virer à la catastrophe, avec un taux d’impayés de cartes de crédit qui s’envole à 9,1%, le niveau le plus élevé depuis 12 ans.
La « résilience » de la consommation, qui fait apparaître l’économie américaine si robuste aux dires de Jerome Powell, n’est plus qu’une gigantesque fantasia de « cavalerie financière » qui tente d’escalader une montagne de dettes sur le point de s’effondrer.
A ce stade, ce n’est plus le montant des intérêts (ils vont décroitre grâce à la Fed) qui pose problème, mais la masse du « principal » de la dette. Au moindre ralentissement de l’activité, Wall Street commencera à corriger et l’effet de richesse actuel se dissipera, privant beaucoup d’emprunteurs d’une « marge » (les gains virtuels) sur lesquels ils comptaient pour rembourser leurs excès de crédit.
Tous les mécanismes d’une spirale haussière sont totalement réversibles ; la Fed le sait et n’a d’autre choix que de feindre une confiance inébranlable dans un avenir radieux grâce à une politique monétaire « parfaitement calibrée » pour affronter la période des présidentielles (encore six semaines), afin de retarder de quelques semaines ou de quelques mois le compte à rebours qui nous sépare de l’heure de vérité.
Et la vérité, c’est tout ce que les marchés détestent.
La Banque de France revoit à la hausse la croissance française à +1,1%, alors que 90% des Français se disent déjà déterminés à moins consommer ces prochains mois, vu le coup de massue fiscal et le coup de rabot sur toutes les prestations sociales qui s’annonce.
Mais à 24h des « Quatre sorcières », la seule « vérité » qui compte, c’est que les Bourses doivent monter pour maximiser les gains trimestriels.