La Chronique Agora

Malgré la Fed et la dette, les ménages US sont moroses

▪ La révision des chiffres du PIB US pour le trimestre dernier a été publiée. Nous nous attendions à ce qu’elle révèle une faiblesse substantielle. Au lieu de ça, les chiffres démontrent ce qui ressemble à de la vigueur — l’économie américaine se développant à un taux de 4,2% sur les trois derniers mois.

L’économie américaine est peut-être en croissance. Les actions sont peut-être à des sommets record. Mais l’Américain moyen ne possède pas d’actions et ses propres perspectives sont déprimantes. Voici un article du New York Times :

"Depuis cinq ans, l’économie américaine se développe à un rythme constant, le marché boursier est en augmentation, les gros titres parlent de reprise. Pourtant, les sondages d’opinion montrent que la plupart des Américains pensent encore que l’économie est assez lamentable.

Pourquoi un tel paradoxe ? De nouvelles données provenant d’une société de recherche offrent une réponse simple et frustrante : le revenu des familles américaines de classe moyenne est plus bas aujourd’hui, ajusté à l’inflation, que lorsque la reprise a commencé, il y a une demi-décennie".

Voilà qui ne nous apprend rien de neuf. Nous suivons l’économie réelle — de notre mieux — depuis 15 ans. Vous savez déjà, cher lecteur, que les revenus, les salaires horaires et la richesse des ménages étaient tous en baisse — pour la plupart des Américains (et du reste du monde occidental). Les moyennes sont faussées par les chiffres du sommet de la pyramide, mais l’Américain moyen a subi une gigantesque chute en 2008-2009… et ne s’en est jamais remis. En fait, il va moins bien aujourd’hui qu’au fond du trou en 2009.

En juin de cette année, selon Sentier Research, la famille américaine médiane gagnait 55 589 $. Aujourd’hui, ce chiffre est de 53 891 $, ajusté à l’inflation. Cette famille "médiane" est pile au milieu de tous les ménages US. De sorte que la moitié des gens que l’on croise dans la rue ont subi des pertes de revenus plus lourdes encore.

Un peu de dette est une bonne chose. Ajoutez-en et la croissance déprime… Continuez et tout le système finit par voler en éclats

Mais ce n’était pas uniquement les dommages causés par la crise de 2008-2009 qui ont fait baisser les revenus. Le problème est plus vaste, plus profond ; c’est le défaut au coeur du modèle de croissance nourri par la dette. Un peu de dette est une bonne chose. Ajoutez-en et la croissance déprime… Continuez et tout le système finit par voler en éclats.

▪ Faites chauffer les rotors !
Les chiffres de Sentier Research montrent que la détérioration des revenus des ménages US a commencé il y a au moins 14 ans. Aujourd’hui, une famille ayant des revenus moyens gagne moins qu’au début du 21ème siècle — en dépit de la plus grande inondation de crédit bon marché que le monde ait jamais vu. En d’autres termes, les efforts des autorités pour augmenter la demande réelle ont lamentablement échoué.

Allez comprendre.

Nous avons cependant le sentiment que les autorités ne passeront pas beaucoup de temps à chercher pourquoi leur modèle de relance ne fonctionne pas. C’est la seule mélodie qu’elles connaissent : tandis qu’elle échoue, les autorités continueront simplement de chanter — mais plus fort.

Comment ? En court-circuitant les banques, elles mettront leur argent imprimé directement entre les mains des personnes dont elles ont besoin d’acheter les votes. Ce genre d’impression monétaire flagrante devient intellectuellement respectable, comme une sorte de solution finale au problème de la demande.

Martin Wolf, éditorialiste influent du Financial Times, l’a déjà suggéré publiquement. Et voilà qu’arrive un article dans le magazine Foreign Affairs : "Imprimer moins et transférer plus : pourquoi les banques centrales devraient donner l’argent directement aux gens".

Reconnaissant que le QE et les politiques à taux zéro n’enregistrent pas des performances éblouissantes, l’establishment se met à des mesures inflationnistes plus directes. L’article explique :

"Il est donc largement le temps, pour les décideurs américains — et pour leurs homologues dans d’autres pays développés — de réfléchir à une version du largage par hélicoptère proposé par Friedman… Une grande partie du secteur privé ne veut pas contracter d’autres prêts ; les gens pensent que leurs niveaux de dette sont déjà trop élevés. Ce sont des nouvelles particulièrement mauvaises pour les banquiers centraux : lorsque les ménages et les entreprises refusent d’augmenter rapidement leurs emprunts, la politique monétaire ne peut pas faire grand’chose pour accroître leurs dépenses… Les gouvernements doivent mieux faire. Au lieu d’essayer d’aiguillonner les dépenses du secteur public grâce à des rachats d’actifs ou des changements de taux, les banques centrales comme la Fed devraient distribuer des liquidités directement aux consommateurs"…

Vous détenez encore des obligations souveraines, cher lecteur ? Assurez-vous de vous en débarrasser avant que la musique ne s’arrête.

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