La Chronique Agora

La Fed, responsable de la croissance lamentable aux Etats-Unis

"On fait la totale", cria Jorge.

La poussière s’élevait en tourbillons. Les bêtes gémissaient, barrissaient et trompetaient.

Nous tendîmes la main vers nos cisailles.

Les résultats de "la totale" étaient déjà répandus tout autour de nous. Du sang avait éclaboussé les murs de pierre et les barrières de bois. L’odeur du poil et du cuir grillé flottait dans l’air. Et sur le sol se trouvaient des morceaux triangulaires d’oreilles, des cornes sciées et des testicules de tailles variées. L’un des chiens avait avalé lesdites testicules aussi vite qu’elles étaient lancées en sa direction. Désormais repu, il les laissait dans la poussière.

Lorsque l’ordre claqua de mettre en place "la totale", toute l’équipe se mit en action. En tant que membre le moins compétent, notre tâche consistait à entailler les oreilles des vaches. Fait correctement, au bas de l’oreille, la bête semblait à peine le sentir.

Pendant ce temps, Jose apportait deux seringues, injectant une dose d’antibiotiques ainsi qu’un vermifuge. Suivait Javier avec le fer à marquer. Il l’appliquait fermement sur le flanc de la bête, jusqu’à ce que la fumée s’élève et que la marque soit clairement visible. Jorge était déjà au travail à ce stade. Il ouvrait le scrotum avec son canif, retirait les testicules elles-mêmes et les coupait, les jetant à sa droite — son chien Sintenella les avalant avant même qu’elles ne touchent le sol.

Toute la journée d’hier, le bétail est passé par la manga

Toute la journée d’hier, le bétail est passé par la manga.

"Ce sont des bêtes de montagnes", expliqua Jorge. "On voit la différence. Elles sont plus maigres. C’est une autre race, aussi : criollo, mélangée avec un peu de nos Bradford. Et elles ont des cornes. Nos propres bêtes, on les castre généralement plus tôt et on leur enlève les cornes quand elles sont jeunes. Ces animaux grandissent avant qu’on les amène ici".

Les bêtes sont un paiement en échange de les laisser brouter sur nos terres. Le système est si complexe, traditionnel et nuancé que même après huit ans, nous ne comprenons toujours pas comment il fonctionne. Il y a du bétail dans les montagnes — par milliers. Jorge semble savoir où sont les bêtes et à qui elles appartiennent, plus ou moins. Mais comment allons-nous nous en sortir une fois qu’il sera parti à la retraite ?

En tout cas, nous continuons d’essayer de comprendre ce qui se passe — si non sur la ferme, du moins dans l’économie.

A ce jour cette année, les valeurs russes ont grimpé de 39%

▪ Pourquoi les Etats-Unis sont en mauvaise forme
Tout d’abord, nous nous rappelons avec satisfaction que nous avons conseillé à nos lecteurs, à la fin de l’an dernier, qu’il serait sans doute judicieux de "vendre les US, acheter la Russie". Naturellement, quelques lecteurs s’en offusquèrent, trouvant qu’il y avait quelque chose d’anti-patriotique à investir en Russie. Mais le conseil — ou plutôt ‘l’idée" — s’est révélé profitable. A ce jour cette année, les valeurs russes ont grimpé de 39%. Les valeurs américaines stagnent plus ou moins.

Comment savions-nous que les valeurs russes grimperaient ? Bien entendu, nous n’en savions rien. Tout ce que nous savions, c’est qu’elles étaient ridiculement bon marché et que la plupart des investisseurs basaient leurs décisions sur une connaissance très limitée de la Russie. Les valorisations extrêmes — qu’elles soient hautes ou basses — sont généralement fausses. Et elles ont encore plus de chances d’être fausses quand elles sont mêlées à des absurdités politiques, aux sottises des médias et aux préjugés populaires.

Quant au marché américain, nous l’estimions ridiculement cher. Non qu’il ne puisse pas le devenir plus encore. Mais chaque jour apporte plus de preuves que 1) la reprise est plus factice que réelle, 2) les Etats-Unis traversent un ralentissement de long terme et 3) les actions se rapprochent d’un vilain marché baissier.

Jeffrey P. Snider nous dit qu’il est très inhabituel de voir les ventes finales baisser. C’est pourtant ce qui s’est produit entre le dernier trimestre de 2014 et le premier trimestre 2015. Et ce n’est pas le résultat d’un ajustement ou d’un autre. C’est la réalité, sans vernis, non diluée :

"Constater un taux de croissance nominal négatif dans les ventes finales est extrêmement inhabituel […] Dans la comptabilité jumelles des ventes finales [aux Etats-Unis], il n’y a eu que quatre occurrences d’un trimestre négatif depuis 1958. Trois d’entre elles ont eu lieu durant la Grande récession, et le premier trimestre 2015 vient de produire la quatrième !"

A qui devons-nous cette performance économique lamentable ? A la Fed !

A qui devons-nous cette performance économique lamentable ? A la Fed !

Elle a fait passer l’économie du dur labeur de l’épargne et de l’investissement aux raccourcis de la spéculation et des trafics financiers. David Stockman explique :

"De toute évidence, le fait que le bilan de la Fed ait quintuplé depuis décembre 2008, ce qui a provoqué 77 mois consécutifs de taux zéro sur les marchés monétaires, a massivement subventionné les spéculateurs en carry trade. Ces derniers ont utilisé cet argent gratuit à court terme pour financer leurs positions en actions, obligations et autres actifs, faisant ainsi grimper les cours de ces actifs à des niveaux de plus en plus élevés. Ils n’apportent donc pas de nouvelle épargne sur les marchés de l’investissement, augmentant ainsi la demande honnête d’actions, mais se contentent de faire grimper leurs positions grâce à du crédit ne coûtant rien et fabriqué à partir de rien."

C’est ce qui nous donne 1 000 milliards de dollars de rachats d’actions et approximativement zéro croissance économique réelle. Si les chiffres n’avaient pas inclus l’augmentation des stocks, le PIB US pour le premier trimestre aurait été négatif.

A présent, notre propre département de recherche est d’avis que les investisseurs boursiers sont menés dans la manga. "On fait la totale", crie une voix.

A suivre.

[NDLR : Si vous avez un peu de temps devant vous, cher lecteur… partez à l’aventure avec Bill ! Cliquez ici pour retrouver l’intégralité du récit de sa randonnée dans la puna — et comment l’équipée s’est terminée en fin de compte…]

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