La Chronique Agora

Fed : la maison fait crédit !

▪ La semaine dernière a été mauvaise pour le dollar US… mais bonne pour les actions. En quatre ans, le billet vert n’avait jamais vécu cinq séances aussi lamentables. Mais le Dow a grimpé vendredi. C’est arrivé après que Madame Janet Y., propriétaire de la Maison des Cours en Hausse, a déclaré qu’elle ne serait pas impatiente d’augmenter les taux. Elle ne sera pas patiente non plus, a-t-elle averti.

Les investisseurs en ont tiré une conclusion évidente : elle n’a pas la moindre idée de ce qu’elle fait. Tant qu’elle n’aura pas trouvé d’indice, tant que les événements ne la forceront pas à sortir de sa paralysie, les affaires continuent. Le joueur de piano restera courbé sur son clavier. Le barman continuera à faire couler l’alcool. Les tricheurs professionnels continueront à tirer des as de leur manche. Et à l’étage, les filles continueront à faire commerce de leurs charmes.

Ce n’est pas vraiment le genre de choses qu’on attendrait d’une banque centrale respectable

Non que nous ayons une quelconque objection. Simplement, ce n’est pas vraiment le genre de choses qu’on attendrait d’une banque centrale respectable. D’un autre côté, tant de choses ont changé lors du dernier demi-siècle…

Nous avons essayé de comprendre. C’est ce que nous faisons tous les jours. Il y a un nombre infini d’intrigues et de sous-intrigues, mais seules quelques-unes d’entre elles valent sans doute la peine d’être suivies.

Le monde d’aujourd’hui n’est pas le même que ce qu’il était il y a 50 ans. Nous avons une nouvelle sorte de monnaie. Nous avons une nouvelle économie. Nous avons un genre de gouvernement différent. La transformation a eu lieu ces 40 dernières années… de telle manière que peu de gens l’ont remarquée — et encore moins de gens l’ont comprise.

Notre travail consiste à appréhender cette histoire… non dans son intégralité, ce qui serait impossible — simplement dans son contour le plus tape-à-l’oeil et ses détails les plus sensationnels.

Nous avons déjà passé une bonne partie de notre temps — et du vôtre — à tenter de comprendre de quelle manière notre système monétaire a changé post-1971. Au cours des prochains jours, nous espérons examiner d’abord comment cette nouvelle monnaie a transformé l’économie en une chose complètement différente… puis comment elle a (avec d’autres facteurs) transformé également le gouvernement.

Le crédit a été multiplié par 50 en 50 ans environ.

▪ Aujourd’hui, contentons-nous de l’économie
Au risque de nous répéter, nous notons que la nouvelle monnaie, après 1971, était basée sur le crédit, non sur une matière première (l’or). L’or est limité. Pas le crédit. Plus important encore, la devise adossée à l’or est impossible à créer, pour un politicien. Pas le crédit. Dès que la nouvelle monnaie a appris à marcher, elle s’est mise à courir. Le crédit a été multiplié par 50 en 50 ans environ. Par ailleurs, il savait où aller. Tandis que l’augmentation des revenus entre 1930 et 1970 a été largement répartie au sein de la population américaine, le nouvel argent, lui, s’est frayé un chemin vers les gens qui le contrôlaient — la classe politique et ses petits amis.

Les consommateurs ont substitué le crédit aux revenus. Ils ont ainsi pu acheter de plus en plus de choses qu’ils ne pouvaient pas se permettre. Le commerce mondial a connu un boom. Les usines chinoises se sont remplies de campagnards. Tout, apparemment, allait bien.

Puis, en 2007, les consommateurs ont atteint ce qu’on pourrait appeler un pic de dette. Il est soudain devenu évident qu’ils ne pouvaient pas payer tout cet immobilier coûteux qu’ils avaient acheté. L’immobilier s’est effondré, ainsi que les instruments financiers adossé aux prêts hypothécaires.

Les banques centrales ont réagi en injectant plus de crédit. Mais les consommateurs américains n’ont pas pu se joindre à la fête. Le commerce mondial s’est montré paresseux et la Chine a ralenti (il se pourrait même qu’elle frôle actuellement une récession et/ou une crise du crédit).

Parallèlement, les taux d’intérêt sur les obligations gouvernementales ont chuté, le nouvel argent cherchant un abri sûr. En Europe, les investisseurs paient pour le privilège de voir les gouvernements gâcher leur argent.

Les gouvernements eux-mêmes empruntent pour récompenser leurs secteurs favoris, financer leurs éléphants blancs et acheter des votes afin de maintenir la paix sociale. Les entreprises empruntent quant à elles pour enrichir les dirigeants et/ou les actionnaires (plus ou moins dans cet ordre). Des mauvais investissements, des escroqueries, des usines à gaz et des distributions gratuites — exactement ce à quoi on pouvait s’attendre.

Ils l’ont dépensé comme ils l’ont volé, en d’autres termes : chez Madame Janet.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile