▪ A l’instant où j’écris ces lignes, le sourire revient sur le visage des commentateurs des chaînes économiques qui retransmettent l’évolution des indices boursiers en direct : le Dow Jones repasse dans le vert… à 13 510 points.
L’indice phare aligne ainsi une cinquième séance de hausse consécutive, ce qui démontre que la tendance haussière est encore solidement ancrée au sein du compartiment actions.
Mais ce « cinq sur cinq » à la hausse et cette succession d’étroites oscillations — sans le moindre retour en arrière — depuis le 2 janvier, qu’ont-ils véritablement rapporté aux actionnaires ?
Tout simplement 100 points de hausse, soit 0,8% de gain sur le Dow Jones. Cela couvre tout juste les frais d’un seul aller-retour pour un investisseur particulier qui spécule sur les actions en intraday !
▪ Dell bientôt loin de la cote ?
Bien entendu, il faut avoir le nez creux et se contenter d’intervenir sur les bons coups. Même s’il fallait agir avec la rapidité de l’éclair, Dell a permis à quelques day traders de faire du 100% en moins de 24 heures avec un levier 7.
Dell a soudain bondi de 13% à la mi-séance, à 12,3 $ lundi soir puis de 3% supplémentaires mardi matin. Voilà le genre d’aubaine qui fait rêver mais qui en l’occurrence doit également nous faire réfléchir.
La direction de Dell réfléchit à un rachat de la totalité de ses actions (par un fonds d’investissement ?) en vue d’un retrait de la cote qui la mettrait à l’abri des pressions d’actionnaires qui ne raisonnent qu’au mois le mois et veulent des résultats immédiats — même si les solutions d’urgence ne résolvent aucun problème de fond.
Un exemple qui pourrait être suivi par nombre d’entreprises dont le cours a été malmené en Bourse ces derniers mois ou ces dernières années. Elles en ont assez de devoir rendre des comptes à des interlocuteurs dont le seul questionnement est : « qu’est-ce que votre entreprise délivre » ?
C’est une façon politiquement correcte d’exprimer une autre réalité. Jusqu’où peut-on ponctionner vos revenus et même vous contraindre à adopter des stratégies contraires à vos intérêts (rachats de titres, OPA à l’arrache, diversification hasardeuse liée à un effet de mode…).
▪ Dettes : quand il y en a beaucoup, il en faut encore !
Mais poser un bandage sur une jambe de bois n’est pas l’apanage d’actionnaires qui ne raisonnent qu’en termes de revenus distribuables à la fin du trimestre. Les banques centrales ne font qu’ajouter de la dette à la dette via la planche à billets.
Si cela ne marche pas, pas question de faire machine arrière — ce serait reconnaître que l’affaire est mal engagée. Au contraire, si la première phase d’injection monétaire n’a pas marché, c’est qu’on n’y est pas allé assez fort !
Si ça ne marche toujours pas, c’est parce qu’il faut y associer une thérapie d’appoint.
Mais chut ! Pas un mot : il faut ménager l’effet de surprise. Le traitement miracle ne sera dévoilé qu’en temps utile.
Dans sa dernière intervention retransmise lundi soir, Ben Bernanke n’a pas manqué de réaffirmer que la Fed dispose encore d’outils capables de soutenir la croissance mais qu’elle ne peut agir seule.
Helicopter Ben se montre très confiant dans le redressement du secteur immobilier, alors que des centaines de milliers de maisons sont saisies… invendables parce que mal situées… vandalisées… détenues par un créancier non identifié et qui ne veut pas payer les taxes locales ni la remise en état.
Il a raison au moins sur un point : le segment du haut de gamme connaît effectivement un regain d’activité avec des mises en chantier de maisons plus grandes et plus chères.
Le secteur de la location demeure très tendu. Cela pourrait inciter des investisseurs aisés — et soucieux de diversifier leur patrimoine alors que Wall Street est au zénith historique — à racheter des biens intermédiaires à bas prix en vue de les louer pour obtenir des rendements bien supérieurs à celui du marché obligataire… ou à celui des actions.
Ben Bernanke presse le Congrès US de relever le plafond de la dette d’ici la mi-février (personne ne doute qu’il en sera bien ainsi) en attendant de s’attaquer de front au problème des déficits d’ici début mars. La priorité du moment est d’éviter un shutdown, c’est-à-dire un défaut partiel — purement technique — sur une partie de la dette et qui se transforme en non-paiement de certaines catégories de fonctionnaires (pour une durée aléatoire).
Mais quoi que raconte le patron de la Fed, quels que soient les chiffres économiques — et ils étaient fort nombreux mardi –, les marché demeurent prisonniers de leur camisole algorithmique.
▪ Le PIB allemand devrait se contracter en 2013
Les premières données importantes depuis le 1er janvier ont été publiées vers 10h hier matin par l’institut Destatis. L’Allemagne aurait enregistré une contraction de 0,5% de son PIB au quatrième trimestre 2012. Destatis fait par ailleurs état d’une prévision de croissance de +0,4% en 2013 (contre +0,5% attendu) après +0,7% en 2012 (+0,8% anticipé) et +3% en 2011.
A moins d’avoir mal lu, le PIB allemand devrait donc se contracter en 2013. Nous voyons mal — mais le marché n’est pas de cet avis — comment le DAX pourrait prendre 3%, pulvériser les 8 000 et retracer ses sommets absolus, puis gagner 10% à 12% de plus, au nom de l’appétit pour le risque.
Plus d’un joueur de poker qui s’est habitué à remporter la mise avec une paire de 2 (au lieu d’une paire d’as) quelques années plus tôt y a un jour ou l’autre laissé sa chemise.
L’appétit pour le risque n’engendre qu’un comportement d’exubérance qui peut intimider certains joueurs plus timorés. Mais le bluff, cela ne fonctionne qu’un temps. Pour l’heure, toute le monde (et notamment les vendeurs potentiels) se couche dès que l’algotrading relance les indices à la hausse car la banque semble de mèche avec le principal enchérisseur.
Un jour ou l’autre, le détenteur d’un brelan d’as, peut-être parce qu’il n’a plus rien à perdre, ira jusqu’au bout des enchères — même si on essaye de lui faire croire qu’il y a un carré en face — et la paire de 2 cessera d’être considérée comme une main qui autorise toutes les audaces.