La Chronique Agora

Entre Fed, BCE et OPA, les marchés boursiers restent sereins

banques centrales

▪ Beaucoup de gérants sont questionnés, en cette période de départs en congés, sur leur stratégie estivale ; un discours dominant se mettait en place depuis des semaines. Il est maintenant bien rodé, repris en choeur par une majorité de professionnels : l’été va être ultra-calme, probablement profondément ennuyeux… mais tout le monde va pouvoir partir tranquille, rester investi à 95% (il faut bien de garder 5% pour profiter d’éventuelles opportunités à l’achat).

L’avis le plus largement répandu, c’est que les banques centrales vont orchestrer un maintien des indices boursiers en lévitation, même si certains "dissidents" au sein de la Fed voudraient préparer les marchés à un relèvement des taux plus tôt que trop tard.

En effet, du point de vue des brasseurs d’argent, envisager que les taux d’intérêts puissent correspondre aux anticipations de croissance et d’inflation, c’est de la "dissidence".

Les taux doivent rester à zéro le plus longtemps possible. Par ailleurs, il doit être clair pour tout le monde que si la reprise au deuxième trimestre n’affiche pas l’ampleur anticipée par les optimistes (après le coup de froid du premier trimestre), la Fed doit impérativement repousser l’horizon d’une hausse des taux au-delà de la limite d’investigation des plus grands télescopes terrestres.

Devenir trader sur le marché des devises ?
Difficile… long… coûteux…
… Sauf si vous pouvez répliquer à l’identique les trades d’un spécialiste qui vit du Forex depuis des années !

Comment ça ? Eh bien… tout est là. N’attendez plus !

 

Le grand meeting des banquiers centraux de la mi-août se résumera à de sympathiques parties de golf entre maîtres du monde

Une des certitudes les mieux ancrées, c’est qu’il n’y aura pas d’"effet Jackson Hole". Le grand meeting des banquiers centraux de la mi-août se résumera à de sympathiques parties de golf entre maîtres du monde, à des dégustations de grands crus… et pour ceux qui veulent se faire un nom, à la présentation de quelques travaux théoriques alambiqués susceptibles de leur valoir l’estime du comité Nobel d’économie.

Janet Yellen s’abstiendra de toute déclaration pouvant stresser les marchés — et si Mario Draghi prend la parole, ce sera pour rappeler que tous les outils monétaires restent sur la table.

Le marché se fiche bien qu’aucun des outils à la disposition de la BCE n’ait prouvé son efficacité entre les mains de la Fed ou de la Bank of Japan. Ce qui compte, c’est que la promesse de liquidités abondantes fasse oublier que la Fed réduira de 10 milliards de dollars ses injections début août et fermera le robinet fin octobre.

▪ Faire le vide ?
Si les marchés acceptent de s’installer confortablement sur la chaise longue des taux éternellement bas et se montrent capables de "faire le vide", d’oublier le passé, le présent et le futur, l’été devrait être de tout repos pour les stratèges.

Ils n’ont rien d’autre à faire que de laisser faire ceux qui orchestrent le formidable mouvement de fusions/acquisitions amorcé début 2014, de délocalisation des sièges sociaux vers des cieux fiscaux plus cléments (c’est ce que pourrait permettre le rachat des activités nutrition médicale de Danone par Hospira), de concentration dans le secteur de la distribution (Dollar Tree rachète Family Dollar pour 8,5 milliards de dollars).

Le secteur immobilier marque le pas au mois de juin (tiens, la reprise printanière est déjà terminée) ? Qu’à cela ne tienne, le site internet américain d’évaluation immobilière Zillow dévore son principal concurrent Trulia pour 3,5 milliards de dollars.

S’il n’y a pas de croissance — les initiateurs de tous ces rachats défensifs le savent mieux que personne — et pas de rendement pour la trésorerie, autant grossir, racheter des actifs tangibles puis réduire les coûts, encore et toujours.

La mode serait pourtant aux embauches, d’après les dernières statistiques du chômage hebdomadaire US

La mode serait pourtant aux embauches, d’après les dernières statistiques du chômage hebdomadaire US… Heureusement, il s’agit majoritairement de petits emplois mal rémunérés.

Un bémol cependant, quelques secteurs d’activité ont du mal à recruter du personnel compétent (dans les industries les plus pointues, pas dans l’automobile ou la chimie rassurez-vous !) et cela fait grimper les salaires… mais aucun risque que ce phénomène se généralise.

▪ La guerre sur le terrain… et sur les marchés
Wall Street va pouvoir se concentrer sur les trimestriels (encore une centaine de publications d’ici le 1er août) et oublier la situation en Syrie, la pression mise sur Poutine et son entourage (ils vont encaisser sans broncher, que peuvent-ils faire d’autre… ils sont tellement frustres et archaïques !), le conflit qui s’annonce long et sanglant entre Israël et le Hamas.

Comme dans toute guerre, il est bien difficile de démêler le vrai du faux. Un déferlement de propagande et de contre-propagande noie la vérité sous un océan de mensonges… alors les marchés attendent sagement qu’émerge un vainqueur.

L’histoire est écrite par les vainqueurs et les vaincus ont toujours tort

Cela évite même de se faire des noeuds à la tête pour savoir qui a versé le premier sang et le plus travesti la réalité : l’histoire est écrite par les vainqueurs et les vaincus ont toujours tort.

C’est un peu la même chose quand une entreprise se transforme en prédatrice. Tous les coups sont permis ; la proie a le droit de se défendre, de se chercher un chevalier blanc… mais une fois que la poussière se dissipe, celui qui reste à terre est déclaré vaincu et son avenir ne lui appartient plus.

Etre le plus fort, ce n’est pas forcément faire la preuve d’une vision pertinente… C’est simplement se montrer capable de garder la maîtrise de sa trajectoire et de la cadence de son pas, même si cela mène tout droit vers le précipice.

Il suffit pour s’en convaincre de faire l’inventaire des OPA qui ont réellement créé de la valeur pour l’actionnaire depuis le début du 21ème siècle.

Rappelez-vous les offensives géantes de Vivendi, de WorldCom dans les années 2000, le rachat d’Arcelor par Mittal (qui a vu sa capitalisation divisée par 5 entre juin 2008 et février 2009), la course à la taille critique de Lafarge qui a multiplié les acquisitions dans les pays émergents… les exemples sont légion.

Et les OPA comme les guerres (ces deux domaines emploient le même vocabulaire, à tel point que cela en devient incommodant) sont le plus souvent un aveu d’impuissance, le symptôme d’un espace vital qui se dégrade et/ou se rétrécit… et l’incapacité d’unir ses forces pour sortir par le haut de difficultés qui exigent des sacrifices de la part de toutes les parties en présence.

Les sacrifices, c’est nécessaire… mais c’est surtout pénible.

Alors si la pénibilité peut être assumée par une seule des parties (la plus vulnérable, la plus corvéable), à quoi bon s’imposer de tous souffrir ?

Wall Street et la Fed illustrent parfaitement cette réalité. La crise aurait pu affecter tout le monde mais elle n’a fort heureusement appauvri et précarisé que les 90% d’Américains les moins riches et transféré leur maigre pécule vers la poche des 10% les plus fortunés (enfin… surtout des 0,1% du bout du sommet de la pyramide).

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