La Chronique Agora

La Fed et les banques centrales ont-elles toujours raison ?

▪ Vous partez en pique-nique sur les pentes du Vésuve. Vous étalez votre nappe, vous ouvrez votre panier. Vous vous préparez à un après-midi de détente sous le tiède soleil d’octobre.

Et puis quelqu’un arrive en courant, dévalant la pente, criant que le volcan est sur le point d’entrer en éruption. Vous remballez votre jambon et rebouchez votre bouteille de vin… avant de vous précipiter vers votre voiture et de partir en trombe. Mieux vaut prévenir que guérir.

Et ensuite ?

Rien.

La plupart du temps, on peut ignorer les Cassandre et les oiseaux de mauvais augure en toute sécurité. (Selon la légende, c’est Apollon qui a offert à Cassandra le don de prophétie… mais lorsqu’elle se refusa à lui, il lui cracha dans la bouche pour qu’elle ne soit jamais crue…)

Parfois, cependant, les inquiets ont raison.

Nous écrivons ces chroniques depuis près de 16 ans. Nous avons vu venir l’effondrement de la bulle des dot.com en 99 et avons prévenu nos lecteurs. La plupart ne voulaient pas en entendre parler ; ils faisaient de beaux gains sur les marchés boursiers — c’était une "nouvelle ère", rappelez-vous — et ne voulaient pas que ça se termine. Pourtant, le NASDAQ s’est effondré en 2000 et ne s’est pas remis avant 15 ans.

Nous avons toujours sous-estimé la puissance des remèdes des autorités.

Nous avons alors pensé que l’économie suivrait les traces du Japon dans un long et lent ralentissement. Nous avons écrit un livre sur le sujet avec Addison Wiggin : L’Inéluctable faillite de l’économie américaine. Nous avions tort à l’époque… et nous nous sommes régulièrement trompé depuis. Nous avons toujours sous-estimé la puissance des remèdes des autorités.

▪ La Fed, un ennemi infaillible ?…
"Ne luttez pas contre la Fed", disent les vétérans de Wall Street. Nous comprenons le principe. On ne lutte pas contre la Fed parce qu’elle a bien plus de munitions que vous. Et tant que la Fed intervenait de façon modeste, généralement dans la direction que le marché prenait de toute façon, il aurait été suicidaire de s’y opposer.

Mais nous n’aurions jamais imaginé que la Fed pourrait créer toute une économie fantasmée, basée sur des signaux complètement contre nature et des manipulations grotesques. Telle est l’économie du 21ème siècle. C’est une économie où les anciennes règles de l’offre et de la demande… du prix et de la valeur… de la hausse et de la baisse… doivent être vues à la lumière faussée des interventions des banques centrales. Lorsque le prix du nouvel argent — tel que fixé par la Fed pour ses meilleurs clients — atteint quasiment le zéro, qui sait ce que valent les autres choses ?

Qui voudrait payer un prix élevé pour un actif dont la valeur dépend entièrement des manipulations des banques centrales ?

Nous nous attendions à ce que les investisseurs soient aussi consternés que nous. Nous pensions qu’ils verraient clair dans les distorsions de la Fed… dans ces interventions et ces politiques… qu’ils les refuseraient tout de go et fermeraient leurs comptes. Après tout, qui voudrait payer un prix élevé pour un actif dont la valeur dépend entièrement des manipulations des banques centrales ?

Tout le monde, apparemment ! Au lieu de fermer leurs comptes, les investisseurs et les spéculateurs sont entrés sur les marchés comme des parieurs dans un casino corrompu. Tous savent que les jeux sont truqués. Et tous s’attendent à sortir gagnant.

En réaction à la vague de ventes de 2000 et la mini-récession de 2001, Alan Greenspan a réduit les taux… et provoqué un nouveau boom — cette fois-ci dans l’immobilier et la finance immobilière. Ce boom a été amplifié par l’industrie financière, qui a gagné des centaines de milliards de dollars grâce à cette escroquerie. La bulle est devenue si énorme que tout Wall Street était sur-investi, sous-capitalisé et hors de tout contrôle.

C’est à ce moment-là que nous avons à nouveau averti nos lecteurs. Nous leurs avons suggéré de vendre leur maison coûteuse en Californie pour acheter une maison bon marché dans l’Arkansas. Le conseil était un peu fantaisiste, mais l’idée était claire : "ça va sauter !"

Il s’est trouvé que le Vésuve de la dette hypothécaire a explosé en 2008. Près de la moitié de la richesse boursière américaine a disparu en six mois. Des millions de maisons se sont retrouvées "sous l’eau". Et toutes les grandes institutions de Wall Street auraient été détruites — ou auraient dû l’être.

▪ … C’est à voir
Mais à nouveau, nous avons sous-estimé le pouvoir de la chicanerie, de la traîtrise et de la fraude. A présent, Ben Bernanke était sur le coup… réduisant les taux jusqu’à zéro ou presque et affirmant que le monde tel que nous le connaissions allait disparaître si le Congrès ne donnait pas 700 milliards de dollars aux compères.

Il avait raison, bien entendu. Le monde insensé que les autorités avaient créé — financé par la dette bon marché — obtenait ce qu’il méritait. La bulle avait éclaté. Et nous pensions qu’il serait impossible de la réparer.

Nous avions tort. Les autorités ont dégainé le taux zéro et l’assouplissement quantitatif… et la bulle s’est élevée plus haut que jamais. Les annonces de la semaine dernière en provenance de la BCE et de la banque centrale chinoise — de nouvelles vagues d’assouplissement quantitatif sont en route — l’ont fait grimper plus encore.

Les investisseurs sont conscients que le marché est manipulé. Cela ne semble pas les inquiéter

Les investisseurs sont conscients que le marché est manipulé. Cela ne semble pas les inquiéter. Ils ne luttent pas contre la Fed : ils s’asseyent à table avec elle ; ils jouent le jeu.

Jusqu’à présent, ils s’en sortent bien.

A présent… voici un titre du Wall Street Journal : "la Fed cherche à donner un signal clair sur les taux d’intérêt".

C’est la dernière fraude en date — et d’une certaine manière la plus bête — des banques centrales. A présent, la Fed est sous la direction de Janet Yellen. Mme Yellen croit à la forward guidance. Elle pense pouvoir décider en avance de la politique que la Fed devra suivre à l’avenir, et la faire connaître aux investisseurs dès maintenant. Ainsi, ils peuvent se préparer intelligemment.

Elle signalera que, bientôt, la banque centrale commencera son long retour à "la normale". N’y croyez pas. Le système entier dépend de l’anormalité — c’est-à-dire qu’il dépend de sottises croissantes de la part des banques centrales : les taux zéro, le QE et, comme déjà pratiqué en Suisse, les taux négatifs.

Et une fois encore, nous entendons le grondement du volcan… et nous voyons la fumée s’élever…

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