La Chronique Agora

La Fed peut remercier la Banque du Japon…

▪ Le Dow a encore repris du terrain. Qu’en pensez-vous ? Est-ce parce que l’économie est en pleine forme ? Les investisseurs s’attendent-ils à des années de croissance et de profits ? Acheter des actions aux prix actuels est-il une stratégie d’investissement raisonnable ?

Ou bien est-il possible que ce soit dû au fait que le Japon vient de faire une chose d’une absurdité monumentale ?

Difficile de savoir quelle attitude prendre lorsqu’on parle des politiques financières japonaises. Moquerie ? Pitié ? Gratitude ?

Se moquer des Japonais est facile. Ils ont un ratio dette gouvernementale/PIB de 250% — le plus élevé au monde. Année après année… depuis un quart de siècle… ils "stimulent" leur économie avec de l’assouplissement quantitatif et des déficits. Qu’obtiennent-ils en l’échange ? Plus de dette. Les actions et les prix de l’immobilier ne sont plus qu’au tiers de ce qu’ils étaient il y a 25 ans. Les Japonais ont manqué le boom des dot.com à la fin des années 90. Ensuite, ils ont manqué le boom de l’immobilier et de la finance en 2005-2007. Parallèlement, leur célèbre excédent commercial est en train de disparaître. Leur population vieillit, prend sa retraite et meurt. Le Japon devient un gigantesque plan d’épargne-retraite en route vers la faillite.

Il est tout aussi facile de prendre les Japonais en pitié. Ils se sont peut-être infligés eux-mêmes la plupart de leurs blessures… mais ils vivent dans des maisons minuscules… avec un niveau de vie que le reste du monde développé tient en piètre estime. Ils ont subi deux décennies et demi de déflation par intermittences. Ils ont tout essayé pour sortir de ce marasme : les relances par le déficit, les taux zéro, l’assouplissement quantitatif… tout, sauf LA chose qui pourrait fonctionner ! Comme on pouvait s’y attendre, la situation a empiré. Rien qu’en septembre, le revenu réel des ménages a chuté de 6%. Entre 2013 et 2015, il devrait décliner de près de 10%.

A présent, les Japonais sont désespérés.

Le pays montre ce qui arrive à l’Etat-Providence de Bismarck quand on se retrouve à court de jeunes, de croissance et de crédit

▪ Merci pour la démonstration…
C’est là que la gratitude entre en jeu. Les Américains et les Européens devraient remercier le Japon de leur avoir montré ce qu’il ne faut pas faire… D’avoir prouvé, si c’était nécessaire, qu’on ne peut pas lutter contre une crise de la dette avec encore plus de dette. Plus important, le pays montre ce qui arrive à l’Etat-Providence de Bismarck quand on se retrouve à court de jeunes, de croissance et de crédit.

Aujourd’hui, le moment est venu de doubler cette gratitude. Parce qu’à présent, les Japonais nous montrent que même une économie de classe mondiale peut agir comme une république bananière. Déjà, pour chaque dollar que le gouvernement japonais collecte en revenus, il dépense 40 cents supplémentaires. La dette totale — gouvernementale et privée — est quasiment la plus élevée au monde, à six fois le PIB. Ils sont en train de se retrouver à court de temps… et d’argent. La Banque du Japon finance le gouvernement ; elle achète 70% des dettes émises par le gouvernement. La semaine dernière, elle a annoncé que ce chiffre passait à 85%.

En d’autres termes, le Japon va nous montrer qu’il est inutile d’être une kleptocratie du Tiers Monde — comme le Zimbabwe — pour mettre en place des politiques extraordinaires et désastreuses.

Merci, les Japonais ! Faisons brûler un cierge en leur honneur et apprenons de leur exemple !

Oui, à peine 48 heures après la fin du QE aux Etats-Unis, les autorités japonaises ont annoncé le plan d’assouplissement quantitatif le plus audacieux de l’histoire – 750 milliards de dollars de nouvelle impression monétaire par an. Si l’on ajuste ça à la taille relative de l’économie japonaise, cela représenterait environ 3 000 milliards de dollars de QE par an aux Etats-Unis. Anticipant cette inondation de cash, les actions ont grimpé partout dans le monde.

Coïncidence ? Timing idéal pour Yellen & co. ? On dirait presque que les banquiers centraux se sont réunis et ont planifié les choses ainsi. L’assouplissement quantitatif cesse aux Etats-Unis… tandis que le Japon fait passer le sien à la vitesse supérieure. Les actions grimpent un peu partout. Tout va bien.

Les investisseurs étrangers, qui ne sont pas idiots, se sont dit qu’il y avait de l’argent à gagner, avec cette remise au goût du jour du vieux carry trade japonais. Ils peuvent emprunter au Japon aussi — à des taux qui sont parmi les plus bas de la planète. Et ensuite, que faire avec cet argent ? Eh bien, pourquoi ne pas l’investir dans la seule économie qui se développe à un rythme décent — les Etats-Unis ?

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