La Chronique Agora

C’est le grand jour pour la Fed : va-t-elle augmenter les taux… et comment ?

▪ Aujourd’hui, c’est le grand jour. Un jour historique, en fait. Jamais encore une chose de ce genre ne s’est produite.

Après sept ans de politique de taux zéro à la Fed, les taux courts devraient revenir à la "normale".

Hier, nous avons parlé de la manière dont les marchés fonctionnent. Rien de rusé ou de controversé là-dedans. Nous avons simplement observé qu’ils grimpent et baissent.

Nous avons noté autre chose : si les investisseurs savaient que la partie était truquée et que les marchés n’iraient que dans une direction, ça causerait des ravages.

Les investisseurs, les entrepreneurs, les consommateurs — ils prendraient tous des décisions qu’ils n’auraient pas prises autrement.

▪ Des marchés corrompus
Par exemple, ils pourraient décider d’investir dans un fonds de junk bonds

Normalement, le risque des junk bonds est plutôt évident. Les taux pourraient grimper, les prix obligataires pourraient chuter, et votre investissement pourrait disparaître. Ou les entreprises fragiles ayant émis l’obligation en question pourraient faire défaut et laisser leurs créditeurs le bec dans l’eau.

Mais quand on sait qu’on a la Fed derrière soi, ce n’est plus un pari si dangereux. On a un avantage. Et d’autres verront la même opportunité.

Rapidement, des junk bonds qui coteraient normalement 100 $, par exemple, se vendent 200 $. Il y a trop de monde sur la position — emprunter à taux bas, prêter à taux plus élevé. Cela devient dangereux.

Corrompre un marché, c’est un peu comme soudoyer un politicien : on ne peut pas compter sur lui pour rester corrompu

Corrompre un marché, c’est un peu comme soudoyer un politicien : on ne peut pas compter sur lui pour rester corrompu. Nous l’avons vu hier aussi. Les marchés font un pas de côté. Ils font le dos rond. Ils passent à la clandestinité. Ils développent des scolioses, des névroses et des épizooties. Ils oublient que la partie est truquée.

Mais ce qu’ils ne font jamais, c’est cesser de fonctionner…

Nous avons vu ce qui s’est passé en 2007. Le crédit bon marché a attiré les acheteurs marginaux… et les futurs acheteurs. Les prix ont grimpé. La maison moyenne est devenue bien plus chère que ce que pouvait se permettre un acheteur moyen. Les offres ont disparu. Les prix ont dégringolé.

Les prix de l’immobilier garantissaient un monstre : la masse des produits dérivés de la dette hypothécaire, auxquels les génies de la finance avaient attaché leurs carrières, leurs fortunes et la valeur nette de leurs institutions.

La chute des prix signifiait que tout ce bel échafaudage était en danger. Quelque mois plus tard — après que le chef de la Fed, Ben Bernanke, ait assuré que le problème était "contenu" –, il s’étendait à l’économie entière.

▪ Signal d’alarme
Aujourd’hui, huit ans plus tard, des fissures commencent à apparaître dans le marché de la dette d’entreprise subprime. Dans le Wall Street Journal : "les ventes de junk bonds s’intensifient".

CNBC pose une question cruciale : "les junk bonds sont-elles un signal d’alarme ?"

La réponse à cette question, bien entendu, est oui ! Mais il y a déjà beaucoup d’eau dans ce vase…

… Et tout à l’heure, la Fed va y rajouter une goutte.

Mais cette décision est censée sous-entendre que la Fed a l’intention de rajouter beaucoup plus de liquide

En soi, c’est insignifiant : la Fed augmentera probablement ses taux d’un simple quart de point de pourcentage. Mais cette décision est censée sous-entendre que la Fed a l’intention de rajouter beaucoup plus de liquide.

Cela devrait signaler la fin de cette étrange période de taux frôlant le zéro. D’ordinaire, les hausses de taux ne sont pas forcément mauvaises pour les actions — ni même les obligations. Mais nous ne vivons pas une époque ordinaire…

Après sept ans de taux ultra-bas de la part de la Fed, jamais encore autant de crédit bon marché n’avait été disponible pour les spéculateurs. Résultat, les obligations et actions US frôlent des sommets historiques.

Et lorsque les prix des actifs sont valorisés pour une situation parfaite, les choses tendent à mal tourner…

Cette fois-ci, même une hausse symbolique des taux pourrait marquer la fin du marché haussier nourri par la Fed, entamé en mars 2009 pour les actions. Ce pourrait même être la fin du marché haussier des obligations qui a commencé début des années 80.

Il n’y a plus de "normale"…
Evidemment, il y a un grand MAIS…

Dans un souci de "transparence" frauduleuse, Janet Yellen annoncera qu’elle surveillera le vase de très très près, 24 heures sur 24. Elle observera le moindre signe de débordement. Elle s’assurera que la surface du liquide reste parfaitement lisse.

Si le récipient menace de fuir, les charlatans agiront immédiatement !

En d’autres termes, la Fed indiquera deux choses contradictoires en même temps

En d’autres termes, la Fed indiquera deux choses contradictoires en même temps : qu’on est au début du processus de normalisation et qu’elle reste le soutien des investisseurs.

Elle ne peut pas faire les deux (en réalité, elle ne peut faire ni l’un ni l’autre… mais c’est un autre débat).

Une économie normale a des hauts et des bas. Une économie normale compte des récessions et des marchés baissiers. On ne peut les éviter — et ça, temporairement dans le meilleur des cas — qu’en trafiquant les signaux qui guident les investisseurs et les hommes d’affaires… et en augmentant artificiellement la contenance du vase.

Qu’est-ce que ce sera cette fois-ci, alors ?

Un retour à une monnaie saine et à des taux fixés naturellement par le marché… suivi d’inévitables récessions et marchés baissiers ? Ou une continuation de la monnaie factice… des taux bidon de la Fed… suivis de bulles, de krachs et de dépressions ?

Nous pensons le savoir.

En attendant, ce conseil du vétéran boursier Dennis Gartman : "sortez des actions !"

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