La Chronique Agora

Faux capital

Comment de l’argent fictif, prêté à de faux taux à de faux investisseurs, a produit de faux gains…

La liquidation du marché obligataire américain fait partie de l’un des événements les plus importants depuis le début du siècle pour le monde financier. C’est ce que rapporte MarketWatch :

« Un investissement en bons du Trésor américain à 10 ans a perdu un tiers de sa valeur en un peu plus de trois ans, en termes réels et corrigés de l’inflation. Les investissements en bons du Trésor à long terme ont perdu environ la moitié de leur valeur. Ils ont chuté autant que les actions américaines pendant la crise financière mondiale.

Les bons du Trésor à 10 ans ont représenté chaque année depuis 2018 un investissement moins fructueux que les lingots d’or. »

Et nous irons encore plus loin : les bons du Trésor américain à 10 ans ont en fait été moins performants que l’or au cours des 33 dernières années. Selon les données publiées par MarketWatch, si vous aviez investi 10 000 dollars dans des bons du Trésor à 10 ans en 1990, en tenant compte de l’inflation, vous auriez à peu près doublé votre capital. Détenir de l’or, en revanche, vous aurait permis de réaliser un bénéfice d’environ 15% de plus que si vous aviez simplement détenu des bons du Trésor.

Imprudence, quand tu nous tiens

L’or ne bénéficie pas de la foi et du soutien du gouvernement américain. Personne ne le met en avant. Aucun grand empire n’émet de l’or, ni ne garantit un paiement d’intérêts sur celui-ci. L’or ne publie pas de communiqués de presse, ne verse pas de dividendes et se fiche éperdument de ce que vous pensez. Et pourtant, cet investissement qui ne promet « rien » s’est avéré plus précieux que le crédit le plus solide que l’Occident ait eu à offrir.

Et le constat est le même pour les entreprises américaines cotées en Bourse. Les actions ont à peu près triplé au cours de ce siècle. L’indice le plus large, le Wilshire 5 000, est passé de 13 800 en 1999 à environ 45 191 aujourd’hui. L’or, quant à lui, est passé d’une moyenne d’environ 270 dollars l’once à 2 000 dollars l’once aujourd’hui, ce qui représente une multiplication par sept.

Le capitalisme américain s’est gravement déréglé. Ses meilleures actions et obligations ont déçu les investisseurs. Les spéculateurs ont investi des milliards de dollars dans les cryptomonnaies, les NFT et les actions zombies, ce qui a entraîné des pertes considérables. Les investisseurs prudents, quant à eux, ont essayé de protéger leur patrimoine avec des obligations du Trésor américain qui se voulaient être « sûres » et ils ont perdu un tiers de leur argent au cours des 38 derniers mois.

Au plus haut de la bulle obligataire, même les banquiers les plus intelligents, les trésoriers d’entreprise les plus expérimentés et les experts les plus brillants de Wall Street ne savaient plus où donner de la tête. Les analystes de JPMorgan, par exemple, estimaient que WeWork devait entrer en Bourse pour 100 millions de dollars. Il s’est avéré que l’entreprise valait moins que rien.

Multipliez ces erreurs de calcul et ces spéculations absurdes par des millions… tout au long de la structure du capital… et vous obtenez une économie mal fichue, fausse, dans laquelle les valeurs réelles sont falsifiées par de l’argent factice, prêté à des taux d’intérêt factices, pour financer de faux investissements par de faux entrepreneurs dans de fausses industries qui produisent de faux gains. Ce faux capitalisme n’a produit aucune véritable prospérité : il n’a servi qu’à enrichir l’élite.

Mais en juillet 2020, la tendance primaire des 40 années précédentes a pris fin. Une nouvelle tendance primaire, à la baisse, s’est amorcée… une tendance qui durera probablement des décennies.

Mais nous devons nous poser certaines questions : qu’est-ce qui a provoqué les autres grands mouvements sur le marché obligataire ? Quelle a été la cause de la chute des rendements obligataires (hausse des prix des obligations) de 1920 à 1945 ?

La réponse est simple : la Grande Dépression et la seconde guerre mondiale.

Quelle a été la cause de la hausse des rendements obligataires de 1945 à 1980 ?

Là aussi, il est simple de répondre : le boom d’Eisenhower, suivi de dépenses excessives notamment pour la guerre du Viêt Nam.

Qu’est-ce qui a provoqué la tendance primaire suivante – la chute spectaculaire des rendements obligataires (et la hausse des prix des obligations) de 1980 à 2020 ?

C’est simple : Paul Volcker a mis fin à l’inflation, ensuite, Bernanke a abaissé les taux réels sous zéro.

Mais en réalité, nous ne savons jamais vraiment ce qui est à l’origine d’événements ou tendances de cette ampleur. On peut affirmer avec certitude que Gavril Princip a abattu l’archiduc Ferdinand à Sarajevo en 1914. Mais pour ce qui est des causes de la première guerre mondiale, c’est une toute autre question, sans réponse certaine.

La nouvelle tendance

Nous posons donc la question suivante : quelle est la cause de la tendance primaire, qui a commencé à partir de 2020 ?

La réponse est évidente : trop de dépenses, trop de dettes, trop d’inflation… et le déclin de l’Occident. C’est ce dernier point qui nécessitera le plus d’attention. Le sujet est si vaste, si vague, qu’il est difficile de s’en emparer.

Pour résumer, en 1980, les institutions américaines étaient encore assez vigoureuses pour maîtriser l’inflation. Aujourd’hui, elles ont été tellement affaiblies et corrompues par les politiques d’argent facile que ni le Congrès, ni la Maison-Blanche, ni la Fed ne peuvent prendre les décisions difficiles et nécessaires. Les budgets ne seront pas équilibrés. Les guerres ne seront pas arrêtées. L’inflation ne sera pas maîtrisée.

L’Occident est en déclin.

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