S’attaquer au capital comme on le fait aujourd’hui, c’est se préparer à des lendemains qui déchantent.
Comme nous l’avons vu dans un précédent article, le manque de capital en France (et plus largement en Europe) cause un certain nombre de problèmes. L’absence de fonds de pension, entre autres, empêche le développement de nombreux secteurs innovants du fait de l’absence de capital investi sur le long terme. D’où une perte de souveraineté, par exemple sur le numérique.
Intéressons-nous aujourd’hui à l’une des causes de ce manque de capital, mais que certains voudraient pourtant renforcer, comme nous l’avons vu précédemment.
Une fiscalité confiscatoire…
Contrairement au mythe véhiculé par la gauche et ses affidés (comme Oxfam ou Le Monde), le travail en France n’est pas plus taxé que le capital. Elsa Conesa explique dans l’édition du 25 février 2023 du journal du soir qu’un « un contribuable gagnant un million d’euros de salaire sera taxé facialement à plus de 54% – la tranche marginale de l’impôt sur le revenu s’élevant à 45 %, auxquels s’ajoutent 9,2% de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) –, tandis qu’un actionnaire percevant un million d’euros de dividendes le sera à 30% (12,8% d’impôt et 17,2% de CSG-CRDS, formant les 30% de la ‘flat tax’) ».
Comme l’a montré Jean-Philippe Delsol, le président de l’Institut de recherches économiques et fiscales (IREF), le calcul est faux. Tout simplement parce que l’impôt sur le revenu est progressif. Par conséquent, le salarié gagnant 1 M€ est réellement taxé à 50,4% (en prenant en compte la contribution sur les hauts revenus).
Quant à celui qui perçoit 1 M€ de revenus mobiliers, il a été taxé préalablement. En effet, la « société qui lui verse ces dividendes a déjà payé 25% d’impôt sur le bénéfice ». C’est le solde de 75% qui est distribué et taxé à 30%. La taxation est alors de 47,5 %, à majorer de la contribution sur les hauts revenus, soit 49%.
Mais la fiscalité ne s’arrête pas là : l’impôt sur les successions est à prendre en compte. Il intervient, en moyenne, tous les 30 ans et représente 1% du capital par an. En prenant en compte cet « impôt sur la mort », on peut calculer que « les dividendes supportent donc une imposition annuelle de l’ordre en moyenne de 69% ».
Et si le million d’euros est constitué de revenus immobiliers, le taux d’imposition annuelle grimpe à 77,5%, comme l’a démontré Jean-Philippe Delsol, puisqu’il ne bénéficie pas de la flat tax. « Et en sus [les propriétaires] payent des taxes foncières et des droits d’enregistrement à chaque transaction qui s’ajoutent aux 77,5% ci-dessus ! »
… qui a aussi des effets négatifs sur la production
Cette imposition confiscatoire du capital a aussi une influence sur la production, comme le montre le professeur François Facchini dans un article du Journal des Libertés consacré à « l’impôt sur l’héritage ». Sa démonstration vaut, nous semble-t-il, plus largement pour l’ensemble de la fiscalité du capital qui a trois effets principaux :
Premièrement, la réduction du volume d’actifs : le « capitaliste » – appelons-le ainsi par commodité – peut être amené, consciemment ou non, à réduire le montant de ses actifs pour éviter d’être trop taxé. Pour ce faire, il peut travailler moins, accumuler moins pour posséder moins. Il peut même décider de dépenser tout ce qu’il gagne et ne rien laisser derrière lui. L’impôt sur le capital, dans ces conditions, « réduit l’épargne et l’effort productif. Il a un effet négatif sur la croissance économique ».
Deuxièmement, la modification de la structure des actifs : pour échapper à l’impôt, le « capitaliste » peut chercher à accumuler d’autres types de capital – comme du capital humain ou du capital social. Par exemple, pour mettre ses enfants à l’abri du besoin, il peut leur financer des études coûteuses et les inciter à faire le même métier que lui. Dans ce cas, il n’accumule pas d’actifs matériels, mais des actifs immatériels. Le capital humain de ses enfants n’est pas taxé. Son réseau social n’est pas taxé. Par conséquent, l’impôt sur le capital stigmatise celui qui préfère accumuler du capital physique plutôt que du capital humain et social.
Et troisièmement, l’encouragement à l’expatriation : le « capitaliste » peut délocaliser ses actifs pour échapper à l’impôt. Il est prouvé qu’aux Etats-Unis, les testateurs « émigrent » vers les Etats qui n’imposent pas, ou faiblement, les successions. Plus largement, il est désormais acté que l’ISF a fait fuir de nombreuses fortunes françaises à l’étranger.
S’agissant des impôts sur l’héritage, Facchini indique qu’ils produisent aussi des effets sur les héritiers eux-mêmes. Ces derniers peuvent, par exemple, s’expatrier pour éviter, à leur tour, d’être spolié des biens qu’ils ont hérités. Ils peuvent aussi être découragés à prendre des risques. Il est en effet prouvé que détenir d’importants actifs favorise la prise de risque et finalement l’innovation. Imposer fortement les héritages limite, par conséquent, la prise de risques des héritiers au détriment de l’innovation.
Les difficultés économiques que connaît la France peuvent, en grande partie, s’expliquer par son aversion pour le capital, qu’il soit collectif (inexistence des fonds de pension) ou individuel (taxation).
Le capital, c’est proprement capital pour l’avenir
Le regretté Michel Letter, dans son maître livre Le Capital, donne du capital la définition suivante :
« Il est constitué par l’ensemble des valeurs antérieurement soustraites tant à la consommation improductive qu’à la production stérile et que le passé a léguées au présent. »
Cela peut sembler compliqué, mais tous les mots y ont été scrupuleusement pesés. En fait, Letter nous dit que, sans capital, l’homme n’a pas de projet. Pour lui, le capital s’oppose à la « consommation » (et à la société qui en découle), car l’épargne ne se forme que par un renoncement à la consommation immédiate.
Le capital se forme également par le rejet des « productions stériles », c’est-à-dire, pour faire vite, toutes celles qui sont encouragées, subventionnées et protégées par l’Etat. Enfin, le capital ne se forme et prospère que si « le passé peut léguer au présent », formule que Letter emprunte à Charles Coquelin, ce qui suppose la suppression de la confiscation successorale, et capitalistique, par laquelle l’Etat empêche aujourd’hui la transmission du capital entre les générations.
Toux ceux qui veulent taxer le capital pensent, comme le disait Michel Letter à la revue en ligne Actu-Philosophia, que « les richesses existent en soi et qu’elles peuvent être redistribuées, sans tarir leur source, en vertu de la croyance que la terre est à tous et donc ne doit appartenir à personne ». A l’inverse, il est permis de penser que « la richesse n’est pas une donnée en soi mais un fruit de la liberté humaine. La condition sine qua non de cette liberté est la propriété inaliénable et imprescriptible du capital ».
L’homme qui a du capital est un homme vertueux : il prépare l’avenir, il pense à sa descendance (les « générations futures »), il favorise l’innovation. S’attaquer au capital comme on le fait aujourd’hui, c’est donc se préparer à des lendemains qui déchantent.