La Chronique Agora

Faut-il se fier au PIB ?

Le PIB américain indique que l’économie US fonctionne bien, mais peut-on faire confiance à ces chiffres ?

Notre principale question pour cette semaine est la suivante : comment se fait-il que « l’Occident », avec un avantage de 30 contre 1 sur les Russes, n’arrive pas à gagner la guerre ?

Et comment se fait-il que l’économie la plus riche, la plus dynamique, la plus vertueuse et la plus honorable que le monde ait jamais connue – oui, nous parlons bien des Etats-Unis – n’arrive toujours pas à payer ses factures ? Comment se fait-il qu’elle les transmette continuellement à ses enfants et à ses petits-enfants, alors qu’elles s’élèvent à 35 000 milliards de dollars ?

Et comment se fait-il que l’économie – la plus performante de tous les temps, c’est du moins ce que tout le monde dit – ait le « plein emploi », alors qu’elle n’accorde pas d’augmentation aux travailleurs depuis un demi-siècle ? Comment se fait-il que l’achat d’une maison ou d’une voiture leur coûte plus cher aujourd’hui qu’il y a 50 ans, en termes d’heures de travail ?

Les maisons et les voitures sont les « actifs » de base de la classe moyenne américaine. La plupart des gens les obtiennent en échange de leur temps (salaire). Logiquement, comme il faut de plus en plus de temps pour les acheter, les gens ont de moins en moins de temps à leur disposition. Ils s’appauvrissent de l’actif qui compte le plus : le temps.

Bien sûr, les maisons et les voitures sont censées être de meilleure qualité que dans les années 1970. Certains économistes estiment que ces améliorations « hédoniques » justifient la hausse des prix.

Mais si elles sont mieux, c’est grâce aux progrès technologiques. Une voiture, par exemple, contient plus de composants électroniques qu’auparavant. On dit qu’elle est plus sûre, plus rapide et plus économique.

Pourquoi les choses sont-elles plus chères ?

Bien sûr, les usines se sont également perfectionnées.  La concurrence pousse toujours les producteurs à améliorer les choses et à les rendre moins chères. Les pièces sont mieux fabriquées et plus faciles à assembler. De nombreuses fonctions qui nécessitaient un travail manuel sont aujourd’hui réalisées par des robots.

Par conséquent, la technologie qui a permis d’améliorer les automobiles aurait dû les rendre moins chères aussi, et non pas plus chères.

De même, on nous dit que les maisons sont plus grandes et plus qualitatives que jamais. Elles sont plus chères, soi-disant, parce qu’elles valent plus cher.

Or c’est tout le contraire qui est vrai. Les maisons neuves sont souvent construites en matériaux composites fragiles, faciles à travailler, mais qui n’ont pas la beauté et la solidité du bois de chêne ou du pin véritable. En outre, même les maisons construites en 1970 ou avant sont chères, et souvent plus chères que les maisons plus récentes.

Alors comment se fait-il que l’individu moyen doive travailler deux fois plus longtemps pour avoir un toit et une voiture ? Est-ce parce que le système a été corrompu ? Il offre désormais des politiques publiques qui rendent service à des groupes spécifiques de personnes – normalement, ceux qui disposent d’une bonne équipe de lobbying à Washington et de beaucoup d’argent à distribuer au Capitole – aux dépens du public.

Dans nos articles précédents, nous avons vu que le PIB n’a parfois pas grand-chose à voir avec la richesse réelle. L’Allemagne nazie et l’Union soviétique en sont les illustrations les plus claires. Dans cette dernière, les travailleurs ordinaires se sont appauvris, à dessein. L’économie était organisée et contrôlée par l’élite. Les industries étaient chargées de déterminer ce qu’elles devaient produire et le prix qu’elles pouvaient demander.

Le système soviétique produisait beaucoup de choses, mais peu d’entre elles faisaient partie de ce que les gens voulaient vraiment. Pourtant, dans les années 1980, certains économistes occidentaux étaient encore impressionnés par les chiffres.

Paul Samuelson, par exemple, a écrit un livre sur l’économie qui a été largement utilisé comme manuel d’études aux Etats-Unis. Son ouvrage Economics: An Introductory Analysis expliquait aux étudiants que l’Union soviétique avait connu une « croissance rapide » et une industrialisation grâce à sa planification centrale. Il n’avait pas tout à fait tort.

Les chiffres du PIB montraient que l’Union soviétique débordait de « croissance ». Mais compter le nombre de luthériens au sein de la Gestapo ou les savonnettes dans un camp de prisonniers de guerre ne vous disait probablement pas grand-chose.

En Union soviétique, le savon laissait une telle odeur nauséabonde que tout le monde l’empestait. Mais comme les planificateurs centraux méprisaient la concurrence et le choix des consommateurs, tout le monde devait l’utiliser. Les visiteurs ont rapporté qu’après la chute du mur de Berlin, l’odeur avait disparu en l’espace de quelques jours.

Les chiffres du PIB ont induit les économistes en erreur.

Les avions de chasse ne se mangent pas

L’économie nazie était, comme celle des Etats-Unis, une économie « capitaliste » avec une influence gouvernementale omniprésente. Et ce vers quoi les nazis orientaient l’économie, c’était la guerre. Au début, les chiffres semblaient bons. Les commandes de chars, d’avions et d’uniformes occupaient les usines. Le PIB augmentait.

Les observateurs étrangers ont déclaré que sous Hitler, « les trains partaient à l’heure », et qu’ils n’avaient jamais vu autant d’énergie. A un moment donné, le taux de chômage est descendu en dessous de zéro (si cela est possible). Mais avec tant d’hommes en uniforme, l’Allemagne manquait de travailleurs. Les planificateurs centraux nazis ont donc fait venir des esclaves des pays conquis.

Une fois de plus, les chiffres du PIB n’étaient qu’un conte de fées. Les gens ne pouvaient pas manger d’avions de chasse Messerschmitt. Et avec tant de travail et de capital investis dans l’industrie de la puissance de feu, il ne restait plus grand-chose pour les choses qui comptaient vraiment. La nourriture, par exemple.

L’économie s’est emballée, les gens se sont appauvris.

Que se passe-t-il donc aux Etats-Unis ? Les chiffres du PIB indiquent que l’économie fonctionne bien. Le chômage est proche de son niveau le plus bas. Et le marché boursier atteint des sommets inégalés.

Mais il y a une odeur nauséabonde… Que se passe-t-il vraiment ? Si une économie n’améliore pas la situation des gens ordinaires, à quoi sert-elle ?

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