La Chronique Agora

Lorsque la fausse richesse part en fumée

Les piliers garantissant le niveau de vie de la classe moyenne se fissurent et vacillent…

Emploi. Logement. Emploi et logement.  

Ce sont les deux piliers qui garantissent le niveau de vie de la classe moyenne américaine.  

L’emploi fournit les revenus. Les biens immobiliers sont des actifs qui peuvent être facilement vendus. Mais il semblerait que le pilier ‘logement’ soit en train de se fissurer.  

Voici ce que raconte The Street sur le sujet :  

Les Américains de plus en plus nombreux à annuler leurs projets d’achat immobilier. Voici pourquoi.  

Depuis deux ans, les vendeurs de biens immobiliers disposent de tous les leviers possibles. Cela est en train de changer puisque les Américains sont de plus en plus nombreux à annuler leurs projets d’achat immobilier.  

D’après les derniers chiffres fournis par Redfin, près de 60 000 ventes de logement sont tombées à l’eau en juin 2022. Cela représente environ 15% du nombre total de ventes immobilières sur le mois de juin, un record en termes d’annulation depuis avril 2020.  

Les consommateurs sont très sensibles aux mouvements des taux d’intérêt, à juste titre. La différence entre un taux de 3% et un taux de 5,8% sur l’achat d’un bien immobilier d’une valeur de 200 000$ représente quasiment 500$ par mois.  

C’est la raison pour laquelle les demandes de refinancement se sont effondrées de 80% l’an dernier.  

Fausse richesse

Nous rappelons à nos lecteurs que dans une économie saine, ce sont les prestations de services et la production de biens qui créent la richesse. Dans une économie factice telle que celle que nous connaissons depuis trente ans, le refinancement de la dette et les taux d’intérêt bas donnent aux gens l’impression qu’ils sont riches, à tort.  

Les prêteurs ne puisent pas dans l’épargne des clients ; ils créent de l’argent nouveau. Cet argent nouveau fait monter artificiellement les prix des actifs (actions, obligations, immobilier). Les gens ont l’impression d’être plus riches lorsque les actifs qu’ils possèdent prennent de la valeur. Mais c’est un mirage. Et lorsqu’il n’est plus possible de refinancer sa dette, la fausse richesse disparaît.  

Prenons du recul pour mieux comprendre.  

Cela fait plusieurs décennies que le gouvernement fédéral gonfle artificiellement la masse monétaire et le crédit. C’est la raison pour laquelle nous nous retrouvons dans cette économie grotesque. Au lieu d’encourager l’épargne et l’investissement, les taux d’intérêt ultra bas ont encouragé la spéculation, l’emprunt et le gaspillage. Le gouvernement et le secteur privé ont ainsi dilapidé des milliers de millions de dollars. Le gouvernement fédéral a recapitalisé les banques et a distribué à la pelle des aides financières, sans que cela ne rapporte le moindre sou. Les investisseurs privés ont financé des entreprises qui perdaient de l’argent année après année. Ou bien, ils ont acheté des cryptomonnaies qui ne produisaient pas la moindre richesse.  

Puis, durant la pandémie de Covid, le gouvernement fédéral est allé trop loin. L’arrêt de la production de biens et de l’offre de services (confinements) et la création artificielle d’argent (aides financières, prêts aux entreprises, dépenses budgétaires, planche à billets) allaient à coup sûr engendrer une poussée d’inflation. Même l’ancien secrétaire du Trésor Larry Summers l’avait vu venir. Et nous y sommes. D’après les derniers chiffres, le taux d’inflation serait désormais de 9,1%, un chiffre que l’on n’avait plus vu depuis 41 ans.  

D’un coup, mais sans surprise, le gouvernement fédéral se retrouve à la traîne. Les prix à la consommation augmentent. Mais le taux de prêt de la banque centrale américaine est inférieur de 700 points de base (7%) à ce qu’il devrait être. La Réserve fédérale a donc entrepris de resserrer sa politique monétaire et de taux, mais il s’agit d’un resserrement au rabais et trop tardif.  

Après 40 ans de hausse des marchés, place à la baisse

La hausse des prix à la consommation coïncide plus ou moins avec deux inversions de tendance majeures. Après plus de 40 ans de croissance, le crédit commence enfin à se contracter. Et le cycle haussier des marchés financiers a laissé place à un cycle baissier.  

Les marchés sont entrés dans un cycle baissier fin 2021, après 40 ans de hausse. Ils ont perdu près de 15% de leur valeur. Cette correction n’a rien d’exceptionnel. À une chose près. Les autres krachs (2000 et 2008) se sont produits alors que la Fed n’était pas trop à la traîne. Alors, la Fed pouvait abaisser ses taux directeurs et la fête pouvait reprendre.  

Cette fois, la Fed doit relever son taux de prêt pour combattre l’inflation. En d’autres termes, elle ne peut pas abaisser ses taux pour contenter les investisseurs, pas plus qu’elle ne peut offrir aux ménages la possibilité de refinancer leur dette à moindre coût. C’est la principale différence entre la correction actuelle et les autres corrections qui ont eu lieu depuis 1982. Cette fois, la correction devra se poursuivre. Dans l’immédiat, en tout cas.  

C’est la raison pour laquelle il sera vain d’acheter au plus bas. Et c’est la raison pour laquelle les ménages américains vont sûrement subir de plein fouet la correction.  

Les cours des obligations ont atteint un sommet il y a deux ans, lorsque le taux américain à 10 ans était de 0,59% seulement (lorsque les cours des obligations augmentent, les taux obligataires baissent et lorsque les cours des obligations baissent, les taux obligataires augmentent). Le taux des bons du Trésor à 10 ans est désormais de 3%, soit cinq fois plus haut qu’il y a deux ans. Tout comme le tibia est relié à la cheville, les taux immobiliers sont liés aux taux obligataires. En octobre 2021, les ménages pouvaient contracter un emprunt immobilier sur 30 ans à un taux inférieur à 3%. Ils doivent désormais payer un taux de 5,5%.  

La différence est énorme. Et les conséquences commencent à se faire sentir. Voici ce que dit le Washington Post :  

Le marché américain du logement entre dans une période de gel car l’envolée des taux d’emprunt et la flambée des prix des biens immobiliers frappent de plein fouet les acheteurs, explique Mark Zandi, de Moody’s.  

Les chiffres publiés mercredi dernier montrent que les ventes de logements bâtis se sont repliées à leur plus bas niveau depuis deux ans. La National Association of Realtors a déclaré qu’il y a eu 5,12 millions de ventes (chiffres ajustés en fonction des effets saisonniers) le mois dernier. Il s’agit d’un chiffre inférieur aux attentes (les analystes tablaient sur 5,38 millions de ventes) et un point bas depuis juin 2020.  

« C’est logique. La hausse des taux immobiliers et l’augmentation concomitante des prix de l’immobilier font que les ménages n’ont plus les moyens d’acheter. Les ménages qui souhaitent vendre leur bien pour en acheter un plus grand sont coincés car s’ils vendent et rachètent dans la foulée, ils se retrouvent avec un emprunt immobilier plus coûteux et leurs mensualités augmentent », a expliqué Mark Zandi sur le plateeau de Power Lunch sur CNBC, mercredi dernier.  

L’ère du refinancement à tout-va est révolue. Comme celle de la flambée des prix de l’immobilier.  

La suite au prochain épisode…  

Bill Bonner 

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