La Chronique Agora

Le fardeau de plus en plus lourd des propriétaires immobiliers (3/3)

Quels remèdes existe-t-il pour alléger la charge des propriétaires ?

Comme nous l’avons vu dans notre article publié hier, l’inflation réglementaire et normative ne s’est pas arrêtée ces dernières années.

La rénovation à marche forcée des logements en vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 va contraindre les propriétaires-bailleurs de passoires thermiques à y consacrer des sommes importantes. On parle de 85 000 à 90 000 euros pour faire passer un logement d’une étiquette E à A, quand cela est possible, avec une épée de Damoclès pour ceux qui n’agiraient pas : l’interdiction de louer les biens classés G à partir de 2025 (entre 70 000 et 100 000 logements), ceux classés F à partir de 2028 (environ 1,2 million de logements) et ceux classés E à partir de 2034.

Comme l’écrivait, en septembre 2023, le magazine Que Choisir : « Le marché du logement risque de se gripper d’autant plus qu’il subit d’une part la crise du neuf, en raison de la hausse des taux d’emprunt qui freine les acquéreurs, de la fin annoncée des aides fiscales à l’investissement locatif, de la loi sur le zéro artificialisation nette qui décourage la construction, et d’autre part les mesures d’interdiction de louer des passoires énergétiques. Ce cocktail ne peut que réduire le nombre de logements disponibles, alors que les besoins augmentent. »

On rationne les terrains (et les logements !)

Quant à la réglementation foncière dont il est fait allusion ci-dessus, avec le « zéro artificialisation nette », il est probable qu’elle soit la principale composante de l’envolée des prix de l’immobilier en France. Dans les années 1980, le terrain représentait moins de 20% de la valeur des constructions. Aujourd’hui, c’est entre 40% et 50%. L’offre est, en effet, « bloquée par les politiques de l’urbanisme et du territoire de nos gouvernements successifs », comme l’écrivent Jean-Philippe Delsol et Pierre Garello.

Depuis 1967 et la loi d’orientation foncière, les textes se sont multipliés.

Lois de protection de la nature de 1976 et 1995, lois d’orientation sur la ville de 1991, 1996 et 1998, loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire en 1999… Ou bien encore loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) de 2000 – dont l’une des dispositions vise à éviter l’étalement urbain –, lois de 2009 et 2010, dites « Grenelle 1 et 2 de l’environnement », qui limitent encore la « consommation d’espace » et imposent la planification de la « consommation d’espace future », ôtant tout rôle de détermination des besoins de logement (ou de bâtiments d’entreprise) au marché –, ou la loi Alur (accès au logement et urbanisme rénové) de 2014, qui prévoit que toute zone ouverte à l’urbanisation doit faire l’objet d’une justification examinée par les autorités préfectorales et empêche, en pratique, une urbanisation qui n’augmenterait pas les densités.

N’oublions pas la loi Climat et Résilience d’août 2021, qui force les communes à introduire, dans leurs plans locaux d’urbanisme, un pourcentage beaucoup plus élevé de territoires interdits d’urbanisation. Elle y ajoute l’objectif d’une division par deux de l’artificialisation des sols d’ici 2030 et d’une ZAN (Zéro Artificialisation Nette) à partir de 2050. Des objectifs à tenir peu importe l’évolution démographique du pays d’ici là.

Bref, tout est fait, depuis 50 ans, pour rationner les terrains et donc les logements.

Le logement social détruit le marché du logement

L’étude de l’IREF montre aussi que le logement social détruit le marché du logement.

La loi SRU de 2000 a imposé « aux communes de plus de 3 500 habitants, situées dans des zones où la population est dense, de disposer de 25% de logements sociaux parmi ses résidences principales d’ici 2025 ». Pourtant, notre pays compte déjà un quart des 21 millions de logements sociaux de l’Union européenne (UE). En moyenne, dans l’UE, les logements sociaux représentent 9% de la totalité des logements. En France, c’est 17% (en 1982, c’était 14,4%). En Allemagne, c’est 3% !

Comme l’écrivent Delsol et Garello, « les logements sociaux, surtout quand ils sont en surnombre comme en France, constituent une concurrence déloyale pour les bailleurs privés à double titre ». Ils expliquent : « Tout d’abord, les exonérations fiscales (TVA, taxe foncière, impôt sur les sociétés, droits d’enregistrement) et les aides publiques éventuelles sur les prix des terrains abaissent artificiellement leur prix. Ensuite, les loyaux sociaux réduits pèsent à la baisse sur les prix du secteur privé. Tout concourt ainsi à écarter les investisseurs privés du logement alors qu’on aurait besoin d’eux pour répondre à la demande du marché. »

Pour l’instant, le secteur locatif privé est plus important que le secteur public, mais il est menacé. En 2022, près de 58% des logements loués le sont par des bailleurs privés et 42% par des bailleurs publics. En 1982, la proportion était de 65% pour le privé et 35% pour le public.

Toutes ces réglementations « agissent exactement comme un impôt ». Pour les deux auteurs de l’IREF, il s’agit, ni plus ni moins, d’une « expropriation par la réglementation » (regulatory takings, disent les Anglais).

Quels remèdes ?

Pour l’IREF, point de salut possible pour le logement sans restauration des « mécanismes de marché », seuls à même de permettre les ajustements qui s’imposent. L’étude contient une dizaine de propositions qui vont dans ce sens. Voici quelques exemples.

Un politique aura-t-il l’audace de s’emparer de ces propositions ? Il aurait là de quoi se démarquer de ses concurrents. Et séduire une partie des quelque 9 millions de propriétaires-bailleurs que compte notre pays.

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