La Chronique Agora

Le fardeau de plus en plus lourd des propriétaires immobiliers (2/3)

Il était prévu par le gouvernement en place de ne pas augmenter les impôts… Pourtant les impôts déguisés sont nombreux !

Dans notre article publié hier, nous avons vu que les propriétaires étaient assommés par les taxes.

Il est possible – et c’est heureux ! – de faire des plus-values sur certains biens immobiliers. Mais, ce n’est pas non plus certain. Il arrive qu’un propriétaire soit contraint de vendre un bien immobilier rapidement, au moment où le marché n’est pas porteur.

Notons aussi que le loyer de 5% que Delsol et Garello adopte, pour leurs simulations, peut être inférieur pour un bien à usage d’habitation. Si le loyer est de 3% de la valeur du bien et que les charges restent les mêmes, les résultats, on s’en doute, doivent être revus à la baisse :

  1. une perte de 3 650 € pour le premier investisseur ;
  2. un revenu net de 3 994 € pour le deuxième, soit un rendement annuel de 0,79% ;
  3. un revenu net de 8 831 € pour le troisième, soit un rendement annuel de 1,77%.

Dans ce nouvel exemple, « les droits d’acquisition (à 7%) ne seraient amortis qu’après 11 ans pour le deuxième bailleur, et 6 ans pour le troisième ».

Pas de quoi, à vrai dire, faire fortune ! Cette faible rentabilité de l’immobilier locatif explique, en grande partie, pourquoi les investisseurs délaissent ce secteur aujourd’hui.

Des perspectives d’évolution de la fiscalité inquiétantes

La situation fiscale du propriétaire immobilier, déjà peu reluisante, pourrait s’aggraver encore au cours des années à venir. Des « têtes pensantes » ont, en effet, imaginé que la fiscalité sur les successions devait être alourdie.

Jean-Philippe Delsol et Pierre Garello en citent quelques-unes sans, malheureusement, prétendre à l’exhaustivité. L’OCDE, dans une note de 2021, affirme, par exemple, que « les impôts sur les successions et les donations pourraient jouer un rôle plus important pour réduire les inégalités et améliorer les finances publiques ». La même année, une étude de la Commission européenne appelle à déplacer les impôts du travail vers des impôts moins préjudiciables à l’emploi et à la croissance, comme ceux sur les successions et les donations.

Dans un travail pour France Stratégie, toujours en 2021, les économistes Blanchard et Tirole préconisaient d’accroître la progressivité de l’impôt sur les successions et d’élargir son assiette, en particulier pour « améliorer l’égalité des chances entre enfants de différentes origines sociales ».

Des idées qui figuraient déjà dans une note de 2017 de France Stratégie, le think tank du gouvernement, dans laquelle les auteurs déploraient que le patrimoine des Français augmente plus vite que leurs revenus et soit de plus en plus détenu par « les générations âgées ». Pour l’organisme étatique, « les outils de redistribution que sont l’impôt sur le revenu et la fiscalité des transmissions parviennent mal à réduire l’inégalité entre héritiers et non-héritiers ». Par conséquent, il préconisait de « limiter la perpétuation des inégalités d’une génération à la suivante », en augmentant la fiscalité, bien sûr !

Pourtant les gouvernements, quels qu’ils soient, sont parfaitement conscients que la fiscalité sur l’immobilier est trop lourde. Sinon pourquoi s’ingénieraient-ils à proposer des lois pour l’alléger ? De Malraux (1962) à Denormandie (2019), en passant par Périssol (1996), Besson (1999), Demessine (1999), Girardin (2003 et 2018), Robien (2003 et 2006), Borloo (2006), Censi-Bouvard (2009), Scellier (2009), Duflot (2013), Pinel (2014) ou Cosse (2017), toutes les majorités y sont allées de leur dispositif d’allègement d’impôts. On pourrait aussi citer la loi Balladur de 1993 qui instaure le mécanisme du déficit foncier.

Mais, comme l’écrivent Delsol et Garello, « ces dispositifs demeurent limités et surtout ciblés sur les segments du marché que le gouvernement juge prioritaire (logements collectifs, neufs ou rénovés, etc.) et avec des conditions diverses (plafonnement du loyer par exemple) ». Dans le fond, « la volonté de taxer lourdement le propriétaire demeure bien ancrée dans le débat politique ».

Des propriétaires contraints par la réglementation

Ce tableau de la fiscalité actuelle – et future ? – n’est guère encourageant pour ceux qui veulent se constituer un patrimoine en vue de la retraite et avec l’espoir d’aider leurs héritiers le moment venu.

Malheureusement, le fardeau du propriétaire est encore alourdi par la réglementation. Et celle-ci, comme les impôts, est foisonnante.

Citons, en premier lieu, le blocage des loyers qui empêche les prix de s’ajuster en fonction de la demande et de l’offre et, ainsi, de véhiculer les informations sur l’état du marché. Des loyers en baisse signifient qu’il y a trop de logements à louer et des loyers en hausse qu’il y a pénurie de biens en location. Des loyers bloqués ne délivrent aucune information, l’offre et la demande ne peuvent pas s’ajuster.

Or, en France, le propriétaire bailleur ne peut pas augmenter le loyer de son locataire comme bon lui semble. L’augmentation annuelle du loyer n’est possible que si elle est prévue dans le contrat de bail et elle doit être basé sur l’indice de référence des loyers (IRL) publié chaque trimestre par l’Insee. Par ailleurs, le propriétaire a la possibilité d’augmenter le loyer au moment du renouvellement du bail, à la condition que le loyer soit sous-évalué par rapport aux prix du marché. Le bailleur doit alors apporter la preuve que le loyer est inférieur aux loyers constatés dans le voisinage pour des logements comparables.

Les gouvernements ont, ces dernières années, rendu encore plus contrainte l’augmentation des loyers dans les « zones tendues » avec deux dispositifs : l’encadrement des loyers et la fixation d’un loyer de référence. Par ailleurs, depuis 2022, le gouvernement a plafonné la hausse possible à 3,5%, pour lutter contre l’inflation. Et, depuis août 2022, « le loyer des logements classés F et G, que ce soit en cours de bail, lors d’un renouvellement du bail ou lors d’une remise en location » ne peut plus être augmenté.

Nous avons eu l’occasion de montrer, avec l’exemple suédois, combien cette politique ne marchait pas. Nous citions, à cette occasion, l’économiste socialiste suédois Assar Lindbeck qui affirmait que « le contrôle des loyers est le moyen le plus efficace de détruire une ville, avec le bombardement » !

Delsol et Garello insistent aussi sur le fait que « ces limitations et l’encadrement des loyers agissent en fait comme un impôt supplémentaire sur les bailleurs ; impôt dont le montant est égal à la différence entre le taux d’inflation et le taux de blocage ou d’encadrement ». « M. Macron, poursuivent-ils, avait annoncé que son programme était de ne pas augmenter les impôts. Il ne se prive pas pourtant d’établir des impôts déguisés ! »

Autre réglementation qui pèse sur les propriétaires : celle qui régit les relations avec les locataires. La loi de 1989, renforcée par la loi Alur de 2014, accorde notamment aux locataires un droit au maintien dans les lieux à l’expiration du bail et une protection contre l’expulsion, même en cas d’impayés, en particulier en période hivernale. Nous avons tous entendu parler de bailleurs qui ont eu toutes les difficultés du monde à se séparer de locataires indélicats, quand ce n’est pas de squatteurs qui saccagent le logement. Ces histoires, assurément, n’engagent pas à se lancer dans la location !

La réglementation qui pèse sur la construction entraîne aussi une hausse des coûts. La Fédération française du bâtiment (FFB) a estimé, dans une étude de 2013, qu’en 11 ans (entre 2000 et 2011), le surcoût réglementaire et normatif avait fait monter les prix entre 23% et 38%. Sept postes expliquaient, à eux seuls, ces 22 points de pourcentage : performance énergétique (RT2000, RT2005, BBC), accessibilité (2005), acoustique (NRA 2012), pollution des sols et mises en décharge (2005), loi sur l’eau (2005), sismique (2012), véhicules électriques et locaux à vélos (2012).

On peut également citer les clauses d’insertion imposées dans certaines opérations ou l’évolution continue des réglementations amiante et plomb qui pèsent sur les chantiers en cours, jusqu’à les faire arrêter, pour des problèmes parfois anodins (quelques fragments de tuyaux concernés ou joints de fenêtres).

Ces dernières années, l’inflation réglementaire et normative ne s’est pas arrêtée : renforcement de l’obligation d’ascenseur (2019), douche sans ressaut (2020), obligation d’un contrôle de réception du dispositif de ventilation (2021), augmentation de la surface de stationnement pour les vélos (2021), réglementation environnementale RE2020, collecte sélective (7 flux) des déchets de chantier (2021), obligation d’effectuer un repérage d’amiante naturel dans les terrains à bâtir (2022), obligation d’une étude sur le potentiel de réversibilité et d’évolution future des bâtiments (2023), règles constructives spécifiques dans les communes dotées d’un plan de prévention des risques (PPR), etc.

Nous analyserons dans notre prochain article l’impact de toutes ces réglementations – notamment celles visant à la neutralité carbone – sur les logements et les propriétaires.

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