La Chronique Agora

Les ingrédients nécessaires du fantasme politique

richesse

▪ Les actions ont atteint de nouveaux sommets la semaine dernière. L’or est revenu au-dessus du seuil des 1 200 $.

Et M. Jonathan Gruber s’est dangereusement rapproché de la vérité.

Dans l’Egypte ancienne, on pensait que Pharaon était divin. On disait de lui que c’était un dieu. Cela lui donnait le droit de dire aux gens quoi faire.

(Cette croyance persistait dans la Rome antique. César était parfois appelé ‘le fils de Dieu". Caligula s’était auto-proclamé dieu : ses gardes pensèrent qu’il avait perdu l’esprit et le tuèrent).

Plus tard, au Moyen-Age et jusqu’à la Révolution française, les gens pensaient que le roi venait de Dieu. Il n’était pas lui-même un dieu, mais Dieu lui avait donné le droit divin de dire aux autres quoi faire.

Aujourd’hui, les gens pensent que Dieu n’a rien à voir à l’affaire. Les électeurs élisent leurs dirigeants, qui font ce que le peuple veut qu’ils fassent.

Toutes ces descriptions de gouvernements sont des mythes populaires.

Nous, lecteurs et auteurs de ces Chroniques, avons reconnu une goutte d’eau fraîche dans la flaque boueuse du fantasme politique avec les remarques de M. Jonathan Gruber, qui a aidé à faire passer le programme Obamacare :

"Le manque de transparence est un avantage politique gigantesque ; à la base, vous savez, on peut appeler ça la stupidité de l’électeur américain ou que sais-je, mais au final, cela a été vraiment, vraiment essentiel pour faire passer les choses.

Une loi déclarant explicitement que les gens en bonne santé paient et que les gens malades reçoivent de l’argent, cela n’aurait jamais passé".

Le pauvre M. Gruber n’a guère obtenu de soutien ou d’appréciation. Au lieu d’être remercié pour nous avoir aidé à comprendre comment le système fonctionne vraiment, on l’attaque de droite et de gauche. Pour la droite, c’est un manipulateur rusé qui trompe le public pour obtenir ce qu’il veut. Pour la gauche, c’est un idiot et un traître, qui a un peu trop levé le voile sur les ingrédients louches qui composent les lasagnes de démocrates US.

▪ La Chronique à la rescousse
Que pouvons-nous faire, sinon prendre la défense de M. Gruber, comme nous le faisons pour tous les perdants, les marginaux et les benêts ?

M. Gruber se trompe sur la stupidité du peuple américain. L’électeur moyen n’est pas plus bête que le candidat moyen pour lequel il vote. Simplement, il à mieux à faire qu’étudier les sottises omniprésentes du processus législatif. Ce serait une perte de temps, de toute façon, car il ne peut rien y faire.

De plus, il fait seulement ce qu’il doit faire… et joue sont rôle dans le fantasme.

Louis XIV était censé croire que son poste lui avait été attribué par Dieu. Il était censé régner. Le reste de la population française était censé le croire aussi… et se soumettre. Chacun avait son rôle à jouer.

De même, dans les sociétés occidentales actuelles, l’élite qui contrôle les véritables rouages du gouvernement est censée faire semblant qu’elle agit pour le bien des électeurs, qui sont censés le croire. Les électeurs pourraient parfaitement comprendre ce qui se passe vraiment s’ils investissaient le temps et l’énergie nécessaire pour l’observer de près. Mais à quoi est-ce que ça servirait ? Le système dépend de la coopération des politiciens rusés… et des gogos "idiots". Tous doivent travailler ensemble à un monde plus corrompu.

Le journal Etats-Unis Today a permis d’élucider les mécanismes du fantasme dans un article paru la semaine dernière, consacré à la face sombre du lobbying. Les grosses sociétés pharmaceutiques mettent en place des "groupes de défense" qui prétendent agir véritablement dans l’intérêt du public, mais dont le véritable dessein est de refourguer des médicaments. Le secteur du nucléaire a une "Coalition pour une énergie propre et sûre". Cela ressemble à un groupe de pression citoyen ; en réalité, c’est une extension des efforts de lobbying du secteur. Et le Centre américain pour la liberté du consommateur est en réalité une façade de l’industrie de la junk food, selon le journal.

Etats-Unis Today ne semble guère apprécier ces arrangements. Il souhaite que les élites fassent quelque chose pour y mettre fin. Pourquoi ? Comme un réveil à cinq heures du matin, cela ne ferait que perturber le rêve.

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