La Chronique Agora

L’exportation américaine la plus populaire (non, ce n’est pas le hamburger…)

▪ Sommes-nous un "élément criminel" ? Peut-être.

Il y a quelques jours, nous sommes allé à Sao Paulo, au Brésil. Là aussi, nous avons trouvé des chauffeurs de taxi qui en savaient bien plus long sur les crises monétaires que l’économiste américain moyen.

"Je me souviens. J’étais encore petit. Mais mon père appelait et nous disait de courir à l’épicerie. Il venait juste d’être payé. Nous filions le retrouver au magasin et nous achetions tout ce que nous pouvions. Nous dépensions jusqu’au moindre centime en quelques minutes".

Notre chauffeur se rappelait la fin des années 80 au Brésil. Le gouvernement avait causé de l’inflation… puis l’hyperinflation. Les prix grimpaient si vite qu’à peine les gens avaient-ils du liquide… qu’ils se ruaient à l’épicerie pour le dépenser.

Plus tard, même ça ne servait plus à rien. L’hyperinflation a atteint les 30 000% en 1990. Ce qui coûtait un real en 1980 en coûtait 1 000 milliards en 1997. L’inflation a mis la classe moyenne sur la paille… et vidé les rayons des magasins.

"Difficile de gérer une affaire quand on ne sait pas ce que va valoir son argent", a dit notre interlocuteur. "Les entreprises s’arrêtaient purement et simplement, en général".

En Argentine, une annonce a été faite cette semaine. Le gouvernement va geler le prix du carburant pendant six mois. Les contrôles de prix n’ont pas fonctionné pour les Romains. Ils n’ont pas fonctionné pour les Allemands. Ils n’ont pas fonctionné pour les Zimbabwéens… ou pour aucun des centaines de gouvernements qui les ont essayés. Mais qui sait ? Peut-être vont-ils fonctionner pour les Argentins…

… ou bien le carburant commencera à disparaître des stations-service.

Mais l’inflation ne fait que commencer, ici. Le taux est officiellement aux environs des 10%. Officieusement, il est à 30%. Officiellement, on peut échanger un dollar pour 5,4 pesos. Officieusement, ce serait idiot. Sur le marché noir, le taux est de huit pesos pour un dollar — voire plus.

Alors que faisons-nous ? Nous nous en tenons au roi du cash — le dollar.

▪ L’exportation américaine la plus populaire…
Cela explique la popularité du billet vert. Chaque fois que nous venons en Argentine, nous amenons le maximum — 10 000 $ par personne — en billets de 100 $. Et quand nous avons besoin d’acheter des choses, nous échangeons nos dollars au marché noir.

N’est-ce pas illégal ? Nous n’en savons rien. Nous sommes allé voir un changeur à Buenos Aires. D’abord, nous n’avons pas pu le trouver ; il n’y a pas de panneaux indicateurs… Nous avons donc demandé notre chemin à un policier. Il s’est avéré qu’il se tenait juste devant la boutique de change.

C’est peut-être illégal, mais c’est populaire, en tout cas… et toléré, apparemment. Si tout le monde était forcé d’utiliser des dollars et de les échanger au taux officiel, l’économie argentine s’effondrerait probablement demain.

Au lieu de ça, il y a toute une économie souterraine fonctionnant en dollars. Ce qui explique cet article dans la presse américaine, signé Bruce Bartlett :

"L’exportation la plus profitable des Etats-Unis, c’est le cash".

"Un nouveau rapport de la Réserve fédérale de San Francisco explique que non seulement le liquide s’est bien tenu par rapport à la concurrence, mais sa popularité continue de croître. Si on le mesure en termes de dollars, on trouve 42% de cash supplémentaire en circulation aujourd’hui par rapport à il y a cinq ans".

"De nombreux économistes pensent que l’augmentation du cash est fortement liée à la croissance de ‘l’économie souterraine’ — des activités comme le commerce de la drogue ainsi que l’évasion fiscale de la part de personnes travaillant au noir pour du liquide".

Criminel ? De quoi parle-t-il ? Ces gens essaient juste de faire des affaires dans un monde où on ne peut pas faire confiance à la devise fiduciaire locale ou aux gens qui la contrôlent.

Actuellement, de nombreuses personnes font plus confiance au dollar qu’à leurs propres devises. Les étrangers s’emparent donc des dollars créés par la Fed. Cela explique pourquoi il y a si peu d’inflation des prix à la consommation aux Etats-Unis — alors même que la Fed augmente largement la masse monétaire. Les autorités expédient leurs billets verts à l’étranger… en coupures de 100 $. Bartlett continue :

"[…] 84% de l’augmentation de cash depuis 1990 s’est faite sous la forme de billets de 100 $, qui ont grimpé à 77% de la valeur du cash en circulation en 2012, contre 52% en 1990".

"J’utilise rarement des billets de 100 $ pour quoi que ce soit, à part des cadeaux de Noël pour des nièces et des neveux — pas plus que je ne les vois utilisés dans les magasins. Je soupçonne que c’est pareil pour la plupart des gens. Pour les gros achats, la majorité des citoyens respectueux de la loi utilisent des chèques ou des cartes de crédit".

Pas en Argentine, en tout cas. Ils utilisent des piles de billets de 100 $. Même quand on achète une maison, on vient avec une valise pleine de billets de 100 $. Bartlett encore :

"L’une des conséquences de la part croissance de devise américaine détenue à l’étranger, c’est que cela peut fausser les analyses des relations entre la masse monétaire et l’activité économique. Au passage, les exportations de liquide apparaissent dans les ‘données sur les transactions internationales’ du département du Commerce US. Elles sont enregistrées comme une augmentation des actifs américains détenus par des étrangers, mais il serait plus juste de les considérer comme un moyen quasiment gratuit de financer une bonne partie de notre déficit courant. C’est comme emprunter à des étrangers de l’argent qui ne devra très probablement jamais être remboursé, avec 0% d’intérêt".

Nous sommes fier de faire partie de cette grande migration monétaire…

… Mais nous craignons le jour où elle reviendra à la maison !

 

 

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