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S’expatrier pour la retraite : attention aux chausse-trappes (2/2)

retraite

S’expatrier pour la retraite n’est pas une sinécure. Mais il est possible de se préparer à l’avance pour faire face aux plus importants problèmes qui pourraient survenir.

Comme nous l’avons vu hier, s’expatrier pour la retraite est une idée qui peut paraître séduisante. Mais, avant de vous lancer dans cette démarche, il est utile d’avoir en tête les problèmes qui pourraient découler de ce départ à l’étranger, pour ne pas avoir de mauvaise surprise une fois le déménagement effectué.

Hier, nous avons évoqué quatre problèmes – la propriété, les ennuis de santé, le divorce, et enfin le décès et la succession – et nous avons traité le premier. Passons aujourd’hui aux trois suivants, avec leurs solutions associées.

2/ Les ennuis de santé

Aujourd’hui, quand on prend sa retraite vers 62 ans, on est encore en pleine forme. Dans sa tête, on a même l’impression d’avoir 10 ans de moins. Mais il arrive un moment où l’on a vraiment l’âge de ses artères, comme disait ma grand-mère. De fait, selon les statistiques, les ennuis de santé sérieux commencent à apparaître entre 70 ans et 75 ans. La question de la couverture maladie n’est donc pas à négliger.

Vous aurez des démarches à faire pour que le régime de sécurité sociale local vous prenne en charge pour le compte de la sécurité sociale française. Du moins, si vous choisissez de résider dans l’Union européenne ou dans un pays qui a signé une convention bilatérale avec la France. Dans les autres pays, il vous appartiendra de vérifier auprès des institutions compétentes dans quelle mesure vos soins peuvent être pris en charge par le régime local, ou d’adhérer volontairement à l’assurance maladie de la caisse des Français de l’étranger. Ou bien encore de souscrire une assurance auprès d’une compagnie privée.

N’oubliez pas non plus de vérifier comment seront pris en charge vos soins lors d’un séjour temporaire en France.

Sur tous ces points, le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (Cleiss) et le Centre national des retraités français à l’étranger (Cnarefe) sauront vous renseigner en fonction de votre situation.

Dans tous les cas, votre assurance santé complémentaire (« mutuelle ») ne pourra pas vous suivre à l’étranger. Il vous faudra donc prendre une nouvelle assurance complémentaire si vous voulez être correctement couverts. Il peut également être judicieux d’étudier l’offre de soins (généraliste, dentiste, hôpitaux, etc.) avant de partir, car il existe aussi des déserts médicaux à l’étranger. Et certains pays laissent à désirer quant à la qualité des soins. Le Maroc, par exemple, est classé à la 112ème place mondiale dans l’étude sur la qualité des soins (« Global Burden of Disease ») publiée en 2019.

L’union des Français de l’étranger (UFE) propose une assistance santé à ses adhérents, ce qui peut être fort utile en cas de pépin.

Enfin, il est nécessaire d’anticiper les graves accidents de santé. Que faire, par exemple, en cas d’AVC avec des séquelles plus ou moins importantes (difficultés à se déplacer, troubles de la parole, hémiplégie, etc.) ? Est-ce que je souhaite rester à l’étranger et m’adjoindre une aide à domicile ? Quel est son coût ? Sera-t-elle en partie déductible des impôts comme en France ? Quelles aides pourrais-je bénéficier des assurances maladie principale et complémentaires ? N’est-il pas plus pertinent de rentrer en France ? Etc.

Sachez aussi que l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) sont soumises à condition de résidence en France. Elles ne vous seront plus versées si vous vous établissez hors de France.

3/ Le divorce

Les divorces de retraités sont de plus en plus nombreux. La part des divorces des personnes de 60 ans ou plus dans le total des divorces est passée de 4% en 1996 à 10% en 2016. Même si vous n’avez pas l’intention de divorcer, mieux vaut envisager cette éventualité lorsque vous résidez à l’étranger, pour éviter bien des surprises.

L’événement peut être difficile à vivre sur les plans sentimental et psychologique. Il peut l’être sur le plan financier. Il le sera aussi sur le plan administratif, lorsque vous êtes expatrié.

A priori, la loi du pays dans lequel vous avez votre résidence habituelle prévaut en matière de divorce. Mais cela ne veut pas dire que vous ne pourrez pas vous séparer en appliquant la loi française si vous en faites la demande et si le pays d’accueil l’accepte. En effet, de très nombreuses règles nationales, communautaires et internationales encadrent la compétence des juridictions – dont la loi applicable en cas de divorce –, et il n’est pas facile de s’y retrouver.

Quoi qu’il en soit, il est préférable, avant de partir, de fixer son régime matrimonial, si le mariage a été célébré sans contrat, pour ne pas risquer de se voir appliquer automatiquement, au bout de dix ans dans le pays, le régime matrimonial légal de ce dernier. Si l’on dispose d’un contrat de mariage, il est prudent de vérifier que celui-ci est reconnu localement.

Le partage des biens acquis ensemble dans le pays d’accueil peut s’avérer problématique car, en cas de litige, ce sont les tribunaux du pays dans lequel est situé le bien immobilier qui sont compétents. Le versement d’une prestation compensatoire peut également devenir un parcours du combattant.

4/ Le décès et la succession

Les problèmes évoqués ci-dessus sont multipliés s’agissant du décès d’un des époux et de la succession, notamment parce que le chagrin rend encore plus compliquées les démarches, dans un pays où l’on ne maîtrise pas toutes les subtilités de la loi.

Qui contacter sur place ? Comment rapatrier le corps en France ? Quelles démarches effectuer ? Sur tous ces points, les services consulaires français du pays où vous vous trouvez pourront vous être d’une grande aide. Ceux-ci sont notamment habilités à transcrire l’acte de décès local dans le registre d’état civil français. Cette transcription n’est pas obligatoire, mais elle est fortement recommandée pour permettre ensuite un certain nombre de démarches liées à la succession, à la réversion de la pension de retraite, etc. Ce sont également les services consulaires qui délivreront une éventuelle autorisation de transport de corps ou de cendres vers la France.

Autre question d’importance : comment va se dérouler la succession ? Comme en matière de divorce, par défaut, la loi qui régira la succession est celle du pays de la dernière résidence habituelle du défunt. Par conséquent, avant de quitter la France pour s’installer à l’étranger, il convient de consulter un notaire ou un avocat spécialisé pour évaluer l’impact de votre départ sur votre régime matrimonial et votre succession, variable selon le pays d’accueil et votre situation. Et rédiger un testament notarié avant de partir, notamment pour préciser la loi successorale que vous souhaitez voir appliquer le moment venu. Malgré tout, certains pays ne respecteront pas le testament et voudront appliquer leur loi qui pourra être moins protectrice pour le conjoint survivant que la loi française.

Quoi qu’il en soit, s’agissant d’une succession internationale, attendez-vous à beaucoup de complexité.

En cette matière, comme dans toutes les autres abordées dans cet article, il est indispensable de s’entourer de professionnels du droit. Il est notamment judicieux de les consulter avant le départ pour prendre le maximum de mesures vous protégeant, vous, votre conjoint et vos héritiers. Il peut être également nécessaire de s’adjoindre les services de spécialistes de la mobilité internationale qui vous aideront à préparer et réussir votre expatriation.

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