La Chronique Agora

L’Eurozone prépare un nouveau sommet pour parler de la dette grecque

▪ Les marchés se sont manifestement fait des films. Contrairement à un épisode de La Petite maison dans la prairie comportant quelques insoutenables moments de tension (nous plaisantons) entre les fermiers et les villageois, il n’y aura pas de happy end à l’issue de la réunion du Conseil européen des 27 ce dimanche.

Le scénario d’un week-end de délivrance par rapport aux incertitudes de la crise avait fait bondir les marchés la semaine passée. A présent, voici qu’ils prennent conscience en moins de 24 heures que les Européens — et surtout le couple franco-allemand — ne sont à peu près d’accord sur rien.

Ni sur la façon d’amplifier la force de frappe du FESF (Fonds européen de stabilité financière), ni sur le degré d’implication de la BCE. Angela Merkel et J.-C. Trichet veulent éviter que la Banque centrale soit amenée à monétiser, directement ou indirectement, certaines dettes souveraines.

La France est beaucoup plus proche de la vision des choses de la City et de Wall Street… sauf sur l’épineuse question de la recapitalisation de nos banques, qui induit un risque sur la notation de notre dette nationale.

Même si Nicolas Sarkozy — implicitement soutenu par les agences de rating qui dégradent à tout-va depuis début octobre — parvenait à convaincre la Chancelière d’approuver un FESF agissant comme un rehausseur de crédit (vous savez, ce genre d’institutions qui ont massivement fait faillite aux Etats Unis à l’automne 2008), les problèmes juridiques qui se posent semblent quasiment insurmontables.

Sans compter la quasi-impossibilité de parvenir à l’unanimité sur tel ou tel point de détail, déjà à 17 et plus encore à 27.

▪ Face à la déception affichée par les marchés ce jeudi, les leaders de l’Eurozone annonçaient en début de soirée la tenue d’un second sommet mercredi prochain.

Et hop, voilà trois jours de gagnés… ce qui entérine au passage l’inutilité de la réunion du week-end dont il ne ressortira sans doute rien de concret comme nous l’affirmions en préambule.

Les Européens vont juste se retrouver pour fixer l’ordre du jour de la prochaine réunion : ils ont l’habitude, cela fait trois mois que cela dure !

Mais qu’est-ce-que ce sommet bis pourrait bien résoudre s’agissant du dossier grec, au coeur des difficultés actuelles ?

Pas plus le FMI que la Commission européenne, pas plus Bercy que la Bundesbank n’ont de vision commune sur la restructuration de la dette hellène. Cela tant au niveau de l’ampleur du haircut (50, 55, 60% ?) que de la nature des efforts à consentir.

Quelle part doit revenir aux Etats ? Quelle part aux créancier privés (c’est-à-dire les banques et les assureurs qui se retrouvent véritablement en première ligne) ? Et comment éviter que ne soient activés les CDS qui constituent une véritable bombe à retardement susceptible de faire voler en éclats le système financier, de la même façon que la faillite Lehman en 2008 ?

Cela pose également la question de l’interdiction des CDS nus souscrits par ceux — les purs spéculateurs — qui misent sur la faillite de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne ou de l’Italie (où les taux à 10 ans recommencent à flirter dangereusement avec les 6%).

▪ Preuve patente de la nervosité des opérateurs, l’euro, qui culminait vers 1,383 $ jeudi matin, rechutait hier soir de 0,5% vers 1,3690 $. Le baril de pétrole perdait quant à lui 2%, vers 84,5 $ sur le NYMEX.

Le stress se lisait également dans l’indice VIX qui faisait un bond de 8% vers 37 avant de fléchir vers 35 à deux heures de la clôture.

Une heure auparavant, le S&P perdait 0,9% (il a fait une incursion sous 1 200 vers 18h30) et le Nasdaq affichait -1,5% à 2 565 points — après avoir ricoché par quatre fois consécutivement sous les 2 660 points, son niveau du 31 décembre 2010).

Le Dow Jones a également affiché jusqu’à 110 points de repli et testé le seuil des 10 400 points avant d’effacer ses pertes… sitôt annoncée la réunion extraordinaire de mercredi prochain.

Wall Street s’en tire plutôt bien par rapport à des places européennes qui ont dévissé de 2,5% en moyenne, à l’image Francfort ou de Paris. Mais des scores bien plus lourds ont été observés sur les Bourses du sud de l’Europe : -2,75% à Madrid, -3,8% à Milan.

▪ Le recul initial des indices américains aurait pu être plus prononcé si les chiffres publiés jeudi après-midi n’avaient pas été conformes aux anticipations.

Les indicateurs avancés sont ressortis comme prévu en hausse de 0,2% à 116,4. Les chiffres de l’emploi US avaient légèrement déçu puisque le cumul hebdomadaire n’a pas reflué sous les 400 000 (avec un total de 403 000).

Enfin, les reventes de logements (-3%) n’ont pas suscité de réaction car un repli était attendu après le sursaut du mois dernier. Cela jette tout de même une ombre sur le rebond de 15% des mises en chantier en septembre… mais ces chiffres étaient prévus, compte tenu du ralentissement saisonnier survenu au mois d’août et correspondant à la trêve estivale.

Les marchés ne trouveront pas davantage de réconfort dans la publication des trimestriels. La proportion de (fausses) bonnes surprises ne concerne que 60% des résultats déjà connus contre 75 à 80% lors des dernières éditions.

Les indices boursiers devraient donc — sauf sursaut opportuniste ou miraculeux de dernière minute — terminer la semaine sur un repli global de 3 à 3,5%. Ils mettront ainsi un terme (provisoire ?) à trois semaines de rebond parfois qualifié d’exubérant.

En terminant à l’équilibre jeudi, Wall Street limite sa consolidation hebdomadaire à -2% mais les scores de clôture des indices US jeudi ne veulent pas dire grand chose.

N’importe quelle rumeur témoignant de l’incapacité des Européens à résoudre les difficultés si complexes qu’ils affrontent peut ramener les indices américains à proximité d’une zone de grande vulnérabilité. Tout comme pour le CAC 40 ou l’Euro-Stoxx 50, elle se situe 3% en-deçà des niveaux de jeudi… Juste de quoi encaisser un ou deux faux pas sur le chemin du consensus — mais pas plus.

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