La Chronique Agora

L’Europe peine à trouver une solution pour éponger la dette grecque

▪ La peur a changé de camp… Il s’agirait cette fois de la peur de « ne pas être dans le marché » !

En l’espace de 24 heures de rebond échevelé à Paris, le bilan trimestriel est passé de « désastreux » (-31%) à « sévère » (-24%), alors que la perte annuelle s’établit à 20,5%. Mais il reste encore trois séances pour adoucir la facture pour les institutionnels (banquiers et assureurs).

Les mêmes gérants et les mêmes stratèges qui affirmaient « ne pas acheter un bout de papier » il y a une semaine se prétendent aujourd’hui investis à 100%… leurs portefeuilles étant désormais gavés de valeurs financiaires.

Ils entonnent en choeur le couplet sur les « cours idiots »… les décotes de 50 à 60% par rapport à la valeur d’actif… sur les profits qui ne vont pas s’effondrer du jour au lendemain, comme si nos économies venaient de basculer en quelques semaines de turbulences politiques estivales d’une croissance molle vers une récession « dure ».

C’est pourtant bien un tel scénario qu’ils nous décrivaient vendredi dernier. Rappelez-vous : la Zone euro semblait avoir bien peu de chances d’échapper à une explosion, tandis que les banques seraient nationalisées en catastrophe (et à vil prix) pour permettre à nos économies de continuer à fonctionner… au ralenti. Avant l’inéluctable effondrement final !

De nombreuses voix se sont encore élevées ce mardi en Europe pour rappeler que l’on ne peut résoudre un problème de dette en rajoutant encore plus de dettes, ni en la monétisant comme le pratique massivement la Fed depuis trois ans.

▪ Les optimistes soulignent en revanche que le Japon tient bon depuis maintenant plus de 20 ans, avec une dette publique qui représente 230% du PIB. Ce taux représente deux fois le ratio affiché par l’Italie, deux fois et demi celui que revendiquent la France, l’Allemagne et les Etats-Unis. N’oublions pas non plus que l’Archipel bénéficie de plans de relance qui s’enchaînent inlassablement, à tel point qu’il devient presque impossible de tous les recenser.

Ah… comme nous faisons bien rire nos partenaires nippons avec notre « grand emprunt » de 26 milliards d’euros pour soutenir les grands travaux et l’innovation !

Une somme de 26 milliards d’euros, c’est juste un « complément d’enveloppe » d’un plan de relance japonais de taille moyenne ; cela ne ferait l’objet que d’un entrefilet en page 48 dans un quotidien économique de Tokyo ou Osaka.

Alors pensez à quel point un plan d’économies budgétaires de 54 milliards d’euros sur 10 ans en Italie est jugé crédible, alors qu’il faudrait, selon les normes japonaises ou chinoises, injecter une somme équivalente chaque année pour sortir ce pays du marasme qui le menace.

Allergiques aux cycles de contraction de l’activité, les Américains ont eu systématiquement recours à la planche à billets. Ils n’ont jamais hésité entre les deux maux (récession ou déficits) mais ils n’échapperont à aucun des deux, comme nous l’avons souvent rappelé.

L’Europe non plus : bien moins endettée que les Etats-Unis, elle n’est cependant pas parvenue à rendre crédible sa devise du fait du manque de gouvernance et de concordance des politiques fiscales sur le Vieux Continent. C’est la double peine pour les citoyens européens qui subissent le contrecoup d’une crise de dette qu’ils n’ont pas vu venir d’outre-Atlantique et qu’ils n’ont pas su gérer lorsque les Américains se sont mis à instrumentaliser nos divisions.

Les derniers coups de boutoir médiatiques contre la dette italienne et les banques françaises — renforcés par la puissance de feu des grands fonds spéculatifs anglo-saxons — n’ont que partiellement resserré les rangs des décideurs européens. Le salut est venu de la BCE qui vole au secours des émetteurs de dette souveraine des pays du Sud et des banques qui n’ont plus que son guichet pour se refinancer depuis le début de l’été.

La BCE a donc fait table rase de tous les interdits que lui imposaient les divers traités en matière de soutien aux économies ne respectant pas les critères de Maastricht et Lisbonne.

Pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas se doter des mêmes outils dont use et abuse la Fed… mais qui ont fait leurs preuves dans les « moments critiques » ?

Et qui pourrait nier que l’Europe en traverse un, et un sévère de surcroît ?

▪ Faut-il s’étonner qu’un vent d’euphorie se mette à souffler sur les places boursières ? Ces dernières se sont envolées de 5,5% en moyenne mardi. Pendant ce temps, les rumeurs sur de recours à des structures capables de faire écran entre la spéculation et les fonds propres des banques détenant des créances douteuses se multiplient.

Les marchés n’ont rien de concret à se mettre sous la dent pour l’instant… Mais ils exultent à la seule idée de la création d’une Banque européenne d’investissement pouvant lever des fonds pour faire l’acquisition de dettes souveraines — tout le monde pense à la dette grecque mais également espagnole et italienne — et qui se refinancerait directement auprès de la BCE.

Cet organisme (qui reste à inventer de toutes pièces) aurait certaines caractéristiques d’un TARP, une structure spéciale jouant le rôle d’une bad bank, mis en place aux Etats-Unis en octobre 2008 pour soulager les banques du fardeau des créances douteuses.

L’Allemagne refuse formellement d’approuver l’extension du FESF (voir les déclarations réitérées de Wolfgang Schäuble ces dernières 48 heures et de Jean-Claude Juncker mardi) ou d’autoriser la BCE à monétiser la dette comme le fait la Fed. Par conséquent, les solutions pour éponger les retombées néfastes de la crise grecque ne sont pas très nombreuses.

En imaginant que le principe d’une bad bank européenne soit effectivement en discussion (après les moult tractations que l’on imagine avec les pays germaniques), combien de temps faudrait-il pour que le projet soit adopté ?

▪ Barack Obama en a remis une couche lundi sur l’urgence de la situation, reprochant aux Européens la lenteur de la mise en oeuvre du plan de sauvetage en faveur de la Grèce. Espère-t-il précipiter une décision favorable concernant la création d’un Euro-TARP ?

La Troïka devrait être de retour à Athènes dès ce mercredi ou jeudi (plutôt que début octobre) afin d’évaluer si une nouvelle tranche d’aide pourrait être débloquée dans les prochains jours. Comptez encore une bonne semaine avant qu’il soit seulement question d’inscrire un « Euro-TARP » à l’ordre du jour !

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