▪ Cette séance de mardi figure parmi les rares de l’année où les marchés européens ont semblé évoluer de façon compréhensible, les paroles (des autorités de Bruxelles) s’accordant avec la musique (des indices boursiers).
Cette illusion s’est bien vite dissipée en fin d’après-midi, lorsque Wall Street s’est mis à diverger contre toute attente, comme nous le verrons en fin de Chronique.
La hausse s’était imposée de façon assez logique sur les places européennes, après une entame de séance hésitante. L’Eurogroupe a finalement réussi à mettre au point un plan d’aide à l’Espagne — enfin, plutôt ses banques menacées de faillite — en contrepartie de nouvelles mesures d’économies dont nous mesurerons bientôt le degré d’impopularité. Madrid se voit cependant accorder une année de plus pour atteindre l’objectif des 3% de déficit public.
De façon très concrète, les banques ibériques vont bénéficier d’un premier versement d’un montant de 30 milliards d’euros d’ici la fin du mois de juillet. Les modalités devraient être finalisées lors de la prochaine réunion de l’Eurogroupe, le 20 juillet prochain. Nous saurons alors quelles garanties ont été exigées et quels types de collatéraux sont jugés éligibles.
▪ Une Union européenne à plusieurs vitesses
Comme d’habitude, la Finlande a fait savoir qu’elle réclamait la signature d’un engagement formel à la rembourser de la part des emprunteurs — ce qui équivaut à s’arroger une forme de séniorité par rapport aux autres prêteurs européens.
Mais est-il concevable que certains soient « plus égaux que d’autres » ?
Il serait un peu léger de répondre par la négative car François Hollande lui-même évoquait hier depuis Londres un concept d’Europe à géométrie variable qui plait fort à son hôte David Cameron : » nous devons concevoir l’Europe à plusieurs vitesses, chacun venant à son rythme, prenant ce qu’il veut dans l’Union, dans le respect des autres pays ».
Sommes-nous en train d’assister à l’ébauche d’une vraie convergence entre Londres, Paris et Berlin ?
Il y a tout juste 15 jours, la chancelière allemande Angela Merkel déclarait qu’elle souhaitait travailler à une union politique en Europe, quitte à accepter l’idée d’une Europe à deux vitesses si certains pays bloquent le processus. « Nous avons besoin de plus d’Europe, d’une union budgétaire et nous avons besoin avant tout d’une union politique. Nous devons accepter de transférer de plus en plus de compétences à l’Europe ».
Une majorité de membres de l’Eurozone sont depuis bien d’accord sur l’adoption de ces beaux principes… mais de quel modèle s’inspirera cet euro-fédéralisme que chacun appelle de ses voeux ?
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à relire l’article très éclairant rédigé par Cécile Chevré mardi et intitulé « Pourquoi la Zone euro est condamnée à l’échec » — ceux qui sont abonnés à la Quotidienne d’Agora ont déjà eu le temps de méditer sur la question.
Nous savons tous — et Mario Draghi le premier — que si le choix du modèle n’a pas été résolu en 12 ans d’existence de l’euro, il faudrait plus qu’un miracle pour qu’une synthèse entre la vision nordique et méditerranéenne de l’architecture européenne voit le jour. Et si ce miracle pour avoir lieu avant que les marchés ne nous remettent la pression — c’est-à-dire d’ici très peu de temps –, ce serait formidable !
Dans ce cas, qui se dressera face aux vilains spéculateurs eurosceptiques qui veulent faire rendre gorge à la monnaie unique pour maximiser leurs gains sur les actifs allemands qu’ils accumulent depuis quatre ans ?
Super Mario bien sûr !
Si ce secret espoir ne s’inscrivait pas en filigrane depuis la mi-mars, le CAC 40 aurait depuis longtemps enfoncé les 3 000 puis les 2 900 points pour retracer les planchers de novembre 2011. Et encore, certains pessimistes — comme Olivier Delamarche, que nous saluons au passage — n’hésitent pas à prétendre qu’à 2 700 points, la Bourse de Paris s’en tire à bon compte.
▪ La confiance s’effrite partout
La crise de confiance s’est en effet aggravée ces neuf derniers mois si l’on en juge par le niveau des taux longs en Espagne et en Italie (7% et 6% respectivement)… et des taux courts en France et en Allemagne ; ces derniers sont désormais négatifs sur toutes échéances de un à six mois.
La récession s’est renforcée dans les pays du sud et le ralentissement contamine désormais les pays du nord. La Chine bidouille en vain ses statistiques pour afficher un PMI manufacturier supérieur à 50.
Cela ne trompe personne puisque Hong Kong et Shanghai plongent de 2% à 2,5% depuis le début de la semaine. Tous les supports graphiques volent en éclats moins de 72 heures après l’annonce d’une seconde baisse des taux en quatre semaines par Pékin.
La fébrilité s’empare des investisseurs sur le continent nord-américain alors que les profit warnings se multiplient. N’oublions pas le Canada, qui souffre du repli des valeurs minières et plus largement de toutes celles appartenant au secteur produits de base.
Wall Street qui avait effectué une entame de séance prometteuse — dans le sillage des places européennes — a finalement aligné une quatrième séance de baisse d’affilée, craignant que les indices américains aient abordé la saison des résultats trimestriels sur la base de valorisations déconnectées de la réalité.
▪ Wall Street vit dans le secret espoir d’un nouveau QE
Mais comme nous l’avons déjà expliqué, derrière les 14% de hausse du Nasdaq 100 transparaît l’espoir jamais éteint de voir la Fed voler au secours de Wall Street si jamais les actions faisaient mine de rebaisser. Cela ne saurait se concevoir à quatre mois des présidentielles américaines : un large consensus postule que tout sera fait pour que le scénario du second semestre 2008 ne se reproduise pas.
Wall Street qui avait effectué une entame de séance prometteuse — dans le sillage des places européennes alors en hausse de 1,5% — a finalement aligné une quatrième séance de baisse d’affilée. Les indices américains semblent avoir abordé la saison des résultats trimestriels sur la base de valorisations un peu trop optimistes.
Les indices américains n’ont cependant pas terminé la séance de mardi au plus bas du jour. Les pertes dépassaient largement les 1% en moyenne à une demi-heure de la clôture.
Le Dow Jones a cédé 0,65%, le S&P 0,81% et le Nasdaq 1,0% — il préserve in extremis le palier des 2 900 points.
Ce qui nous frappe, c’est la spectaculaire divergence de Wall Street par rapport aux places européennes… un scénario presque sans précédent depuis début janvier.
La remontée du dollar (vers 1,2240/euro) peut expliquer partiellement cette contre-performance ; mais l’ampleur des écarts apparus en seconde partie de séance suggère qu’il y a peut-être d’autres « mauvaises nouvelles » dans les tuyaux.
Il pourrait s’agir d’une déconvenue sur le marché immobilier américain… de nouvelles désillusions concernant les trimestriels… ou bien encore de causes qui nous échappent mais qui ont certainement un rapport avec les turpitudes de l’Eurozone.