La Chronique Agora

Europe/Etats-Unis : le grand match de la dette

▪ Les investisseurs se concentrent en majeure partie sur la Zone euro. Les Européens se tordent les mains ou font la moue. Ils sont inquiets. Ils sont furieux. Et ils ne savent pas quoi penser de la situation.

Les banquiers français ont trouvé un plan — qui ressemble assez aux obligations Brady, rendues tristement célèbres par la dette latino-américaine. L’idée est de prolonger volontairement la dette grecque de 30 ans. C’est un défaut de paiement… qui permet de sauver la face. Les prêteurs sont perdants — ils ne récupèrent pas leur argent comme promis. Mais ils peuvent se tenir tête haute ; ils le recevront plus tard. Si tout va bien.

Le problème, c’est les choses n’iront probablement pas bien. Aucun taux de croissance plausible ne permettra aux Grecs de se libérer de cette dette par le développement. Tout ce qu’ils peuvent, c’est faire défaut d’une manière ou d’une autre.

Les Américains qui se donnent la peine de regarder de l’autre côté de l’Atlantique jubilent. Ils savaient que l’euro ne fonctionnerait jamais. A présent, même les Européens le disent.

Notre vieil ami John Mauldin, par exemple, raconte sa rencontre avec l’économiste français Charles Gave :

« Pour ceux qui n’ont jamais eu le grand plaisir de passer du temps avec Charles : c’est un Français aux cheveux blancs, de type patricien, très impressionnant — et l’un des meilleurs économistes que je connaisse. Un penseur très brillant, qui n’a pas peur d’exprimer ses idées avec vigueur, d’une voix digne de celle de Dieu, avec à peu près la même assurance.

« ‘La question n’a absolument aucun intérêt’ — [a dit Charles] en ponctuant ses paroles de gestes. ‘L’euro n’existera plus dans un an. Tout cela était dysfonctionnel dès le début ».

Gave a pour habitude de trouver des idées intelligentes et bien argumentées. Certaines sont même de bonnes idées. Mais nous ne nous empresserions pas de nous débarrasser de nos euros. La nature dysfonctionnelle de la planification centrale européenne est une bénédiction ; les Européens n’arrivent pas à la cheville des Américains, en termes de dévaluation de leur devise.

A la périphérie sud-ouest de l’Europe, les gens se demandent ce qui va se passer maintenant. Cette semaine, les Grecs doivent voter un plan d’austérité sur cinq ans. S’ils n’approuvent pas, les Français changeront peut-être d’avis. Mais les banques françaises ne sont pas les seules à détenir de la dette grecque. Elle est partout dans le monde financier. Tôt ou tard, elle devra être prise en compte.

Les Italiens se préparent eux aussi à voter. Ils ont des déficits, et sont eux aussi confrontés à la menace d’une faillite. Il suffirait de quelques minutes pour que des investisseurs craintifs fassent grimper le coût de l’emprunt jusqu’à ce qu’il soit hors d’atteinte. Les Italiens doivent rassurer les marchés en commençant à réduire les dépenses dès maintenant. Jeudi, le gouvernement de Berlusconi devrait approuver 40 milliards de dollars de coupes budgétaires.

En attendant, la lire a atteint le point le plus bas de son histoire par rapport au franc suisse, et le rendement des obligations italiennes à 10 ans est 220 points de base plus élevé que les bunds allemands.

En Espagne, au Portugal et en Irlande, « l’austérité », les réductions de dépenses et les menaces de banqueroute sont dans tous les journaux.

▪ Attendez une seconde. Pas besoin d’aller en Europe pour lire ce type de gros titres. Les Dodgers, l’équipe de base-ball de Los Angeles, s’est mise en faillite lundi.

Et qu’en est-il de la Floride ? De l’Illinois ? De New York ? S’il s’agissait de pays indépendants, leurs finances ne vaudraient pas mieux que celles des pays du sud de l’Europe. Ajoutez leur part de la dette fédérale et des programmes non-provisionnés de retraites et de santé à leur dette locale déjà bien grasse, et qu’est-ce que vous obtenez ? Eh oui, la Grèce !

En termes de ratio dette/PIB, bon nombre des Etats américains sont aussi lourdement chargés que les pays boiteux de l’Europe criblée de dette. La seule différence, c’est qu’aux Etats-Unis, le gouvernement central en endosse la majeure partie.

En Europe, quelques pays font faillite à la marge. Aux Etats-Unis, tout le bazar est en train de couler.

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