▪ La journée boursière de mardi appartient à la catégorie de celles qui font mal à la tête et — de façon concomitante — au portefeuille.
C’est le genre de séance où personne ne comprend grand-chose à l’évolution des marchés… et où tout le monde prétend une chose et son contraire.
Pour tenter de sauvegarder un semblant de logique, les plus finauds expliquent que c’est précisément une série de facteurs — en l’occurrence négatifs — qui impliquent une nécessaire riposte ayant des effets symétriques positifs, en vertu de cette loi newtonienne bien connue qui postule qu’une action engendre une réaction de force égale et opposée.
A l’issue d’une séance comme celle vécue hier, il y a en effet toutes les raisons d’espérer le meilleur. En faisant un rapide inventaire, nous retrouvons un besoin de recapitalisation de 50 milliards d’euros pour les banques ibériques — le gouvernement espagnol prétend lever cette somme en émettant de la dette, ce qui abasourdit les créanciers potentiels.
Nous trouvons ensuite une dégradation de la notation de l’Espagne à junk bond par l’agence de rating Egan Jones : ce n’est pas Moody’s mais son avis compte quand même. Dans la foulée l’euro a enfoncé le plancher psychologique et technique des 1,25 $.
La monnaie unique a dérapé vers 17h45 mardi (le dollar s’est envolé vers 1,2460). Si cela s’était produit ne serait-ce qu’un quart d’heure plus tôt, la Bourse de Paris en aurait terminé bien en-deçà des 1% de gain, au lieu de +1,37% à 3 084 points, soit le même niveau de fixing que le 22 mai.
▪ L’euro contamine le reste des marchés
Si l’euro ne redresse pas rapidement sa course, le CAC 40 pourrait reperdre dès ce mercredi tout ou partie des gains accumulés ce mardi. En transactions hors séance, vers 19h, le future juin perdait 17 points à 3 060.
A Wall Street, après un début de séance reflétant un climat de quasi-euphorie, l’optimisme des opérateurs a été douché par l’accès de volatilité qui s’est emparé du marché des changes. Les indices américains, qui affichaient jusqu’à +1,25% en moyenne vers 17h, ne gagnaient plus que 0,55% en moyenne à la mi-séance — un score comparable à celui de l’Euro-Stoxx 50.
La dégringolade de l’euro n’a pas tardé à contaminer le secteur des matières premières. Le baril de pétrole, qui gagnait 1,5% à 92 $ à l’ouverture, est repassé dans le rouge vers 18h (-0,2% à 90,45 $). L’or, quant à lui, a dévissé en moins de 30 minutes de 1 580 $ vers 1 555 $ puis 1 550 $ une heure plus tard.
▪ Le dollar ne devrait pas grimper
La hausse du dollar nous apparaît d’autant plus alarmante que les statistiques publiées aux Etats-Unis mardi après-midi étaient clairement de nature à le faire consolider sous les 1,26. Le billet vert matérialise une accélération à la hausse après la publication d’un indice de confiance des ménages américains qui chute de 3,8 points — de 68,7 vers 64,9, son plus mauvais score depuis fin janvier. De son côté, le secteur immobilier ne valide pas l’anticipation d’un rebond du prix des logements sur le sol américain.
L’indice S&P/Case-Shiller du prix des maisons s’est simplement stabilisé dans les 20 plus grandes agglomérations des Etats-Unis, après une baisse de 0,8% en février. Les prix accusent ainsi un repli de 2,6% en rythme annuel.
Il n’en fallait pas davantage pour faire ressurgir des anticipations de mise en oeuvre d’un QE3 aux Etats-Unis, illustrant le principe « si les chiffres sont mauvais, c’est bon pour les marchés »… Mais dans ce cas, pourquoi le dollar franchirait-il la barre des 1,2500/euro ?
A Wall Street, les opérateurs invoquaient également l’imminence de l’annonce de mesures de relance en Chine (baisse des taux, stimulation du crédit). Toutefois, il n’est pas certain que la période de transition politique actuelle soit favorable à des prises d’initiatives très ambitieuses.
La thématique chinoise semble avoir fait passer au second plan l’effondrement de la Bourse de Madrid… Mais là encore, les gérants estiment qu’une remontée des taux en Espagne et la crainte d’aller droit dans le mur pourrait obliger les politiques à « faire le nécessaire ».
Sauf que « le nécessaire » est de nature bien hétérogène selon qu’on l’envisage depuis Berlin, Paris, Bruxelles… ou les rives de la Méditerranée.
Certains investisseurs misent sur un plan de sauvetage en bonne et due forme en faveur de Madrid (mais qui signerait un tel chèque ? Angela Merkel ?). D’autres reportent leurs espoirs sur la BCE : ils espèrent une baisse des taux directeurs (de 25 points de base, à 0,75%) dès le milieu de la semaine prochaine, et, pourquoi pas, un troisième LTRO.
Nous voyons mal Angela Merkel participer à la construction de « châteaux en Espagne »… Nous voyons mal Mario Draghi obtenir l’aval de la Bundesbank et du Bundestag pour racheter de la dette ibérique… Nous voyons mal la Chine se lancer dans un plan de relance dont Pékin connaît les dangers inflationnistes…
… Et partant de là, nous voyons mal comment les places financières européennes vont échapper à la contagion d’une Bourse de Madrid qui part en vrille, de taux italiens qui flirtent avec les 6% et d’une BCE faisant preuve d’une absence (des médias et des marchés) qui confine au renoncement.