▪ Avec quelques jours de retard, nous reprenons notre analyse des relations américano-russes telles que vues par Dimitri Rogozine, vice-Premier ministre de la Russie.
Rogozine n’hésite pas à donner des noms. « Pas besoin d’être politologue », dit-il avec ironie, « pour comprendre qu’ils [les Etats-Unis] veulent tout simplement nous écraser — Obama a promis qu’il nous écraserait comme un vulgaire insecte. Mais à présent, ils ne peuvent plus le faire ».
Puis il ajoute : « les Etats-Unis et le président Obama en personne — parlons franc : chaque mal est perpétré par quelqu’un qui a un nom et un prénom –, utilisent les événements en Ukraine » pour porter atteinte à la Russie et à ses intérêts.
« Nous ne voulons pas que les événements tragiques que nous voyons, tous les jours, en Ukraine, se répètent ici [en Russie] », a-t-il ajouté. Par conséquent, la Russie « se développe de façon indépendante et joue un rôle indépendant dans le monde ».
Rogozine fait ici référence au coup d’Etat de l’année dernière en Ukraine soutenu par les Etats-Unis et l’OTAN ; coup d’Etat suivi d’une guerre civile sanglante et destructrice qui a encore cours. Tout cela se passe aux portes de la Russie dans des circonstances qui violent les assurances que les leaders occidentaux ont données aux leaders soviétiques en 1991, lors de la fin pacifique de l’Union soviétique.
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Le complexe militaro-industriel de la Russie sera le moteur de toutes les industries, sciences et technologies à la pointe du progrès |
A l’avenir, selon Rogozine, « le complexe militaro-industriel de la Russie sera le moteur de toutes les industries, sciences et technologies à la pointe du progrès qui feront de la Russie la première nation du 21ème siècle ». En gros, l’idée de Rogozine est de profiter du considérable effort militaro-industriel de la Russie pour construire par la même occasion un secteur de consommation civile.
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Par exemple, dans le domaine de l’aviation civile, « nous [la Russie] interdirons les concurrents sur nos marchés intérieurs et placerons nos avions sur toutes les destinations, que ce soit des courts ou des longs courriers ». C’est de mauvais augure pour les futures ventes de Boeing et Airbus aux compagnies aériennes russes.
« Nous avons l’opportunité de rétablir la base de production [de la Russie] que nous avons perdue dans les années 1990 », ajoute Rogozine, faisant allusion à l’époque post-soviétique immédiate lorsque, aux yeux de la plupart des Russes, oligarques et profiteurs étrangers ont pillé le pays.
▪ La défense, un secteur clé de l’économie russe
Rogozine montre un grand sérieux dans ses propos. « Aujourd’hui, la défense et le secteur de consommation qui est créé par la défense représentent notre investissement dans le futur de notre pays. Mais c’est même plus que de cela dont il s’agit : il s’agit véritablement de notre propre survie ».
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Rogozine considère que son pays est attaqué par l’Occident, à la tête duquel se trouvent les Etats-Unis |
En effet, Rogozine considère que son pays est attaqué par l’Occident, à la tête duquel se trouvent les Etats-Unis. « La crise dans laquelle nous nous trouvons, luttant pour la survie de notre pays », entraînera une importante « transformation », a-t-il observé. « Notre pays sortira de la crise plus fort qu’avant ».
Selon Rogozine, « les Américains scient la branche sur laquelle ils sont assis. Ils disent qu’ils ne veulent plus acheter nos propulseurs… Mais ils ont compris aujourd’hui qu’il n’y a pas de concurrence possible ».
Ce que dit Rogozine ici est que, malgré les futurs contrats à GenCorp pour de nouveaux propulseurs, « les Américains ne peuvent tout simplement rien fabriquer de comparable » au « vénérable » propulseur russe RD-180.
Rogozine fait montre d’une réelle amertume envers la politique américaine. « Ils [les Américains] nous étranglent avec leurs sanctions. Nous ne pouvons pas acheter ce qui est essentiel pour nous… Nous ne pouvons même pas percevoir l’argent de nos ventes. Notre argent est gelé à cause de sanctions à l’encontre de nos banques ».
La Russie prévoit de grandes célébrations le 9 mai 2015 pour marquer le 70ème anniversaire de la fin de la guerre avec l’Allemagne nazie en 1945. « Nous montrerons nos tout derniers équipements », a-t-il déclaré dans un sourire. « Le 9 mai est la date de notre calendrier qui établit une ligne de démarcation entre nos alliés et nos adversaires ».
Après avoir vu Rogozine et l’avoir écouté attentivement, je pense que les Américains — et l’Occident dans son ensemble — ont trois mois pour conclure un accord avec la Russie et développer un modus vivendi en Europe et à travers le monde.