La Chronique Agora

Les Etats-Unis sont noyés dans les subprime et les prêts étudiants

▪ Peut-être assistons-nous à l’émergence d’un nouveau consensus psychologiquement confortable mais décorrélé de la réalité. Le secteur immobilier a touché le fond… la pierre retrouve des couleurs… l’embellie se dessine au coin de Wisteria Lane et les desperate homeowners (comprenez les propriétaires désespérés) peuvent retrouver foi dans l’avenir.

Les promesses de ventes de logements neufs retrouvent un peu de vigueur (2,4%) et les prix progressent enfin d’une année sur l’autre, alors qu’ils ne cessaient de baisser depuis l’automne 2007.

Cette embellie nous laisse sceptique. Il y a toujours des millions de biens invendus et autant de propriétaires ruinés qui vivent dans des mobil-homes… alors d’où provient cette hausse des prix salvatrice ?

▪ L’invendable ne se vend plus
La réponse est presque contenue dans la question. Le prix des biens effectivement négociés (habitables sans travaux, bien situés) augmente un peu. Mais en ce qui concerne les logements invendables, situés dans des rues ou des villes fantômes, insalubres ou vandalisés — et pour parler net, sans valeur marchande car sans acquéreurs potentiels — cela se passe comme en Espagne, il n’y a plus de transactions.

Vous conviendrez également qu’une maison mise aux enchères à 1 000 $ (la valeur d’une cabane à outil à construire au fond de son jardin) mais qui ne trouve pas preneur peut difficilement baisser davantage. Le propriétaire (et ce peut être également une banque) ne la vendra pas davantage à 100 $, ni à 50 $.

Et ce bien invendu continuera de peser comme un poids mort car il faut en théorie continuer d’acquitter diverses taxes foncières et autres impôts locaux.

Mais ruiné pour ruiné, certains omettent de rédiger le chèque destiné au fisc local. Le shérif, comme la loi l’y autorise, n’a qu’à saisir le bien incriminé au nom de la mairie ou du comté !

Donc, pour conclure notre démonstration, puisque l’invendable ne se vend plus, la valeur moyenne des transactions a cessé de baisser, mais cela ne traduit aucun renversement de tendance à la hausse.

▪ Un scénario à la japonaise ?
Il est peut être prématuré d’extrapoler un scénario à la japonaise — avec une décrue des prix se prolongeant sur deux décennies. Mais au pays du Soleil Levant, il n’y a jamais eu de surstocks, ni pléthore de logements vacants. Le mètre carré demeure rare mais encore trop cher pour que la classe moyenne se permette d’habiter moins à l’étroit à proximité des centres-villes.

Aux Etats Unis, les acheteurs ont été incités pendant des décennies à acheter — pas forcément trop cher — mais trop grand pour leur capacité d’emprunt.

En 2007, les logements sont devenus à la fois trop chers, trop grands et trop nombreux.

Cela fait beaucoup de handicaps à surmonter… et notamment deux de plus qu’au Japon !

Aux Etats-Unis, les grandes banques sont toujours collées avec des stocks de créances hypothécaires pourries (et qui vont le rester), et c’est ce dont la Fed devrait les débarrasser !

La Fed peut difficilement opter et justifier la mise en oeuvre d’un QE3. Mais elle pourrait néanmoins faire d’une pierre deux coups en chargeant son bilan de MBS (mortgage backed securities).

Une fois encore, cela pourrait passer pour un cadeau fait aux banques. Mais le Congrès ne devrait pas s’y opposer parce que la véritable finalité de l’opération, c’est d’amortir l’explosion de la bulle des prêts étudiants dont le taux de défaut atteint 20%.

▪ Le problème des prêts étudiants
Souvenons-nous que lorsque la crise des subprime a éclaté, le pourcentage de défaut venait juste de franchir la barre des 10%.

Avec la crise, les étudiants entreprennent des études plus longues, plus coûteuses, et à la sortie, il y a 30% de débouchés en moins qu’en 2007, même pour les plus diplômés. Ces derniers sont aussi les plus endettés — parfois sur 20 ans, presque jusqu’à l’âge de la retraite en caricaturant un peu.

Les banques ont accordé plus de 1 000 milliards de dollars de prêts aux étudiants, mais elles font déjà face à 200 milliards de dollars de créances douteuses.

Elles ne risquent a priori pas grand-chose, puisque l’Etat américain constitue le garant en dernier ressort. Il va accomplir son devoir, mais cela va lui coûter fort cher. Ces lourdes pertes devront être financées par voie de nouvelles émissions obligataires… Et les banques sont en fait les seules à pouvoir les absorber — car nous doutons que la Chine veuille en saturer ses réserves de change.

Les Américains continuent également de s’inquiéter du fiscal cliff, c’est-à-dire de l’arrêt des ristournes et autres exemptions héritées de l’administration Bush — qui ont profité en priorité aux riches et aux ultra-riches. Mais est-ce une raison pour ne pas prolonger ces avantages indéfiniment tandis que les classes moyennes payent les pots cassés de la crise ?

Le débat électoral va peut-être enfin retrouver un peu de consistance avec l’investiture du candidat républicain — son discours-programme est attendu aujourd’hui. Mais jusqu’à présent, il est bien difficile de tracer les contours d’une politique fiscale à l’horizon du mois de janvier 2013.

▪ Wall Street perdu dans un débat intérieur
Comme la Maison Blanche ne propose pas davantage de grand projet économique en cas de ré-élection de Barack Obama et que la Fed a beaucoup promis (implicitement) cet été sans dévoiler ses projets, Wall Street patauge psychologiquement dans une foule de questionnements.

Les indices américains stagnent pour la troisième séance consécutive et nous assistons à l’instauration d’une immobilité indicielle quasi totale depuis lundi !

La seule minuscule variante dans le scénario de mercredi, c’est la clôture dans le vert des trois principaux indices. Cependant, les écarts sont du même ordre que la veille (0,03% pour le Dow, 0,08% pour le S&P et de nouveau 0,13% pour le Nasdaq).

Le Composite affiche très exactement le même score que la veille et pratiquement le même que l’avant-veille.

On croirait les séances clonées par un robot algorithmique aux Etats-Unis — et l’emploi du conditionnel est probablement superflu !

Les indices sont maintenus en lévitation depuis maintenant près de trois semaines. Est-ce dans l’attente que les 80% d’opérateurs qui jugent le marché techniquement haussier passent à l’acte et regarnissent leurs portefeuilles ?

▪ On promet un avenir meilleur, mais les opérateurs restent planqués dans les tranchées
L’effondrement des volumes dès que les cours se sont envolés illustre une fois encore la schizophrénie des opérateurs. Ils s’y entendent pour célébrer l’imminence d’un avenir meilleur grâce aux futurs prodiges accomplis par les banques centrales ; mais ils s’empressent de mettre leur argent bien à l’abri dans le bunker des T-Bonds ou des ETF pétroliers ou aurifères

« Mais non, la crise de la dette espagnole ou des prêts étudiants ne va pas éclater »… affirment-ils en enfilant leur casque lourd et en plongeant derrière une muraille de sacs de sable !

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