La Chronique Agora

Etats-Unis et Grèce : une austérité qui ne veut pas dire son nom

▪ La Grèce va continuer de tenir le monde en haleine jusqu’à jeudi… mais le monde, de son côté, a décidé qu’il lui fallait continuer de tourner rond, quel que soit le résultat du vote des mesures d’austérité (pour la période 2012/2015) par le Parlement d’Athènes. Ce dernier est littéralement assiégé par les manifestants depuis hier soir, tandis qu’une grève générale de 48 heures paralyse le pays.

Des rumeurs de défection de certains députés appartenant à la majorité qui soutient le Premier ministre Papandréou ont vaguement inquiété les marchés mardi midi. Mais la nouvelle qui a fait le plus de dégâts, c’est la déclaration du président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy, affirmant qu’il n’y a pas de plan B au cas où la Grèce rejetterait les sacrifices exigés par ses partenaires.

La Bourse d’Athènes ne croit pas à cette hypothèse. Elle a rebondi de 2,6% dans le sillage des valeurs bancaires ; ce même compartiment a dopé les indices européens en fin de séance.

▪ La psychologie a joué un rôle déterminant dans le changement d’humeur des marchés hier. La hausse repose principalement sur l’espoir que la Grèce (tout du moins son Parlement) fera ce qu’on attend d’elle. Wall Street pariait ouvertement sur une issue favorable à la mi-séance,  avec des indices américains proches des plus hauts du jour : 1,2% pour le Nasdaq et 1% pour le S&P et le Dow.

L’indice du stress, le VIX, rechutait de 5% et repassait sous la barre symbolique des 20 (à 19,5). Il lui reste encore à confirmer cette décrue en refluant sous 18,5 pour confirmer une plus grande sérénité des investisseurs.

▪ La sérénité n’était pas d’actualité en première partie de séance ce mardi. Le CAC 40 s’est de nouveau montré hésitant jusque vers 14h15. L’Euro-Stoxx 50 a oscillé de part et d’autre du point d’équilibre depuis la fin de la matinée avant de grimper de 1% jusque vers 2 750 points.

Les cambistes ont montré la voie en poursuivant leurs rachats d’euro, poussant la monnaie unique au-delà des 1,4350 et jusque vers 1,4380 $.

▪ Ils font le pari que le projet de roll over à la française (qui a de fortes chances d’être approuvé par les banques allemandes) n’est pas susceptible d’être interprété par les agences de notation comme un incident de crédit de la part de la Grèce.

Si jamais les agences décidaient de se montrer intraitables à ce sujet, il n’y aurait plus qu’à reprogrammer de nouveaux stress tests — puisqu’ils ont été conçus en excluant l’hypothèse d’un défaut de la Grèce.

Même sans envisager le pire, des rumeurs indiquent qu’un bon quart des 91 banques qui ont été soumises à cet exercice ont échoué de façon plus ou moins alarmante. Cela impliquerait des banques grecques, espagnoles, portugaises mais également allemandes.

Il va y avoir de la recapitalisation dans l’air et les dernières tentatives de levées de fonds de Santander et de banques italiennes ont reçu un très mauvais accueil. Elles n’ont été souscrites qu’à 50%… avant le résultat des votes grecs, on n’est jamais trop prudent !

De toute façon, l’Europe se borne à gagner du temps. La Grèce est en faillite, tout le monde le sait, les Athéniens les premiers. Les hausses de TVA et d’impôts puis les réductions d’effectifs dans la fonction publique ne vont réussir qu’à enferrer le pays dans la récession.

▪ Les Etats-Unis filent eux aussi tout droit vers une austérité qui ne veut pas encore dire son nom. La croissance (hors dépenses fédérales et ristournes fiscales) serait déjà inférieure à zéro alors que s’achève le premier semestre dans 48 heures.

Les chiffres américains du jour ont soufflé le chaud et le froid. La confiance du consommateur américain a chuté de trois points au mois de juin (de 61,7 vers 58,5), notamment en raison du pessimisme grandissant concernant le marché du travail, selon l’enquête du Conference Board.

En revanche, les prix des maisons ont rebondi de 0,8% au mois d’avril dans les 10 plus grandes agglomérations américaines, selon l’indice S&P Case-Schiller ; il s’agit d’une bonne surprise après neuf mois de repli consécutif.

▪ Wall Street affecte de se raccrocher à ce mince espoir d’embellie… mais les stocks de logements saisis par les divers organismes de crédit mettront au moins quatre ou cinq ans à se résorber, interdisant tout redressement véritable des prix de l’immobilier d’ici-là.

L’autre espoir qui entretient un semblant de confiance de la part des investisseurs, c’est la conclusion d’un accord de dernière minute sur l’extension du plafond de la dette des Etats-Unis. Barack Obama entend placer le Congrès devant ses responsabilités et lui rappelle que les Etats-Unis ne peuvent se payer le luxe d’un défaut partiel.

Comme pour la Grèce, ce sera donc tout ou rien… et le rien n’existe pas dans le vocabulaire financier. Sauf dans l’expression « face à la crise de la dette, il n’y a RIEN à faire, sinon repousser l’échéance de la faillite ».

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile