▪ Les acheteurs sont venus ramasser un peu de papier en fin de séance vendredi mais il ne s’agit pas d’une vague de fond. Le CAC 40 a grappillé +0,47%, et les volumes atteignaient à peine 2,5 milliards d’euros à 17h30 (2,77 milliards à 17h35).
Beaucoup d’opérateurs n’ont pas osé prendre trop de risques alors que la BCE voit la France en récession à fin 2012 ; le CAC 40 menaçait même vers 14h15 d’enfoncer sa MM100 qui gravite vers 3 375 points.
Quant aux indices américains, ils ont cassé mercredi leurs supports moyen terme. A Wall Street, ils remontaient nettement à mi-séance dans l’attente du discours de Barack Obama, mais progressaient en ordre dispersé avec +0,9% sur le S&P 500, +1,1% sur le Nasdaq… mais moitié moins sur le Dow Jones (+0,55% à 12 880).
C’est Apple qui faisait clairement la différence avec une hausse de 3% à 555 $, après une chute de 23% depuis son zénith des 705 $ du 21 septembre. Mais Apple n’a pas tenu la distance, et Wall Street non plus.
A Paris, un déclic haussier s’était produit à 15h55 avec la publication d’un indice du moral des ménages américains en hausse de 2,3 points à 84,9, bien au-delà des estimations les plus optimistes.
Qu’il s’agisse d’un « effet élection » ou pas (l’avenir apparaît toujours plein de promesses aux Etats-Unis à la veille d’un scrutin), le baromètre de l’université du Michigan atteint un plus haut depuis l’automne 2007… ce qui, compte tenu du taux de croissance modeste et du taux de chômage réel deux fois plus élevé que les 7,9% officiels, démontre que les Etats-Unis préfèrent toujours voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide.
Malgré tout, la semaine reste négative de 2% à Paris, le SBF 120 étant plombé par les banques, les utilities et les valeurs automobiles avec Valéo (-5,4%) ou Peugeot (-7,8% hebdo). Cette dernière est toujours victime d’une entreprise de démolition de son cours de Bourse, sur fond de rumeurs malveillantes de faillite et de pseudo-analyses assassines qui prédisent une capitalisation de moins d’un milliard d’euros (l’équivalent d’une semaine de chiffre d’affaires, alors qu’elle en vaut à peine deux désormais).
Malgré le rebond de Wall Street, les autres places européennes restaient tout juste à l’équilibre ce vendredi. Francfort reculait de 0,58%, Bruxelles et Amsterdam perdait 0,15%, tandis que Madrid gagnait 0,4%.
▪ Des nuages qui s’accumulent
Un sursaut, même timide est bienvenu à la veille du week-end… Le problème, c’est que la « falaise fiscale » continue d’inquiéter les plus riches aux Etats-Unis, notamment au niveau de l’imposition des actions et des dividendes — d’où la tentation de prendre ses gains avant l’alourdissement des taxes.
L’autre souci, c’est la perpétuation des blocages politiques en Europe : la demande d’aide de l’Espagne est sans cesse repoussée, ce qui empêche la BCE d’intervenir sur les obligations espagnoles, et on parle d’un report possible à la fin du mois de la décision du versement de l’aide à la Grèce par la Troïka.
▪ La Grèce toujours au bord du chaos
Athènes, qui se dit à court de trésorerie, envisage de faire appel aux marchés mardi prochain. Une opération à haut risque même s’il s’agit d’emprunts d’Etat à échéances ultra-courtes, destinés à assurer le paiement des fonctionnaires jusqu’à début décembre.
Les Grecs ont continué de manifester dimanche devant le Parlement… mais sans conviction, car il n’y avait pratiquement aucun suspense, contrairement à mercredi. Les trois partis constituant la coalition gouvernementale ont annoncé qu’ils voteraient les mesures d’austérité dimanche soir.
Officiellement, il s’agit de ne pas compromettre l’avenir mais chacun comprend qu’il s’agit d’éviter le chaos. Ce n’est pas un vain mot — à tel point que le FMI, sans citer nommément la Grèce, s’inquiète du risque de révolte de peuples se sentant acculés à une austérité qui anéantit tout espoir de redressement dans un avenir prévisible.
▪ Falaise fiscale, pertes et déficits
La semaine qui débute apparaît pleine d’incertitudes. La clôture de Wall Street vendredi démontre la vulnérabilité des indices américains, incapables de préserver le bel avantage acquis à la mi-séance.
Ils ont tout reperdu en quelques minutes (entre 19h05 et 19h25), peu après que Barack Obama ait entamé son premier discours de président réélu. Il veut s’attaquer à la question de la « falaise fiscale » sans attendre et donne déjà une piste sur la stratégie poursuivie : il souhaite l’extension des exonérations de taxes dont bénéficient les classes moyenne, ce qui sous-entend que celles profitant aux plus riches devraient être rediscutées.
John Boehner, le porte-parole du parti républicain, a déjà fait savoir qu’il souhaitait la reconduction de toutes les ristournes fiscales accordées sous l’ère Bush. A charge pour l’Etat de faire des économies plutôt que de lever des impôts : c’est une posture idéologique dogmatique et inflexible qui a déjà conduit le pays à plusieurs reprises à un défaut de paiement des fonctionnaires.
Il semble faire partie de ceux qui ne prennent pas en considération le fait que les recettes fiscales sont trop faibles depuis trop longtemps et que sans les « dépenses » (sous-entendu inutiles) du gouvernement, le PIB américain serait mécaniquement inférieur d’un bon tiers, voire davantage.
L’autre difficulté récurrente concerne les fonds de retraite. Il y a plus d’allocataires avec le départ en retraite de la génération du baby-boom et moins de recettes avec des taux longs qui flirtent avec les 2% en moyenne en 2012, mais 1,62% seulement en cette mi-novembre.
Bien sûr, les stratèges nous expliquent que les actions rapportent davantage compte tenu des bénéfices engrangés… mais il faut se méfier de ce genre d’évidence algébrique car beaucoup d’entreprises ne distribuent pas de dividendes, ou alors d’un montant purement symbolique.
A commencer par la première d’entre elles, Apple ! Elle représente à elle seule 7% des profits affichés par les valeurs du S&P500 et 20% du Nasdaq 100… mais ne peut rapatrier sans subir une lourde ponction du fisc américain ses dizaines de milliards de dollars de profits stockés dans des paradis fiscaux.
En France en revanche certains groupes bancaires restent champions des pertes récurrentes : le Crédit Agricole vient d’annoncer 2,8 milliards d’euros de pertes supplémentaires au troisième trimestre pour solder l’aventure grecque.
Dexia va coûter 2,6 milliards d’euros aux contribuables au titre de l’année 2012 et la France va devoir signer un chèque de 4,5 milliards supplémentaires en 2014 pour apurer les comptes du CDR (consortium de réalisation ayant hérité de 20 milliards d’euros de créances pourries du Crédit Lyonnais).
Au total une facture de 7,1 milliards dont pas un euro n’a encore été provisionné dans le budget 2013… pas plus que la contribution de la France au MES en cas d’activation du plan de secours en faveur de l’Espagne.
S’il faut faire appel aux contribuables pour combler ce genre de passifs l’an prochain, dites adieu aux 0,4% de croissance dont nous crédite la Commission de Bruxelles ou le FMI !