Récapitulons : au cours des deux dernières années, l’Etat a fait de grande avancées dans l’élévation de la population.
Grâce à lui, vous ne pouvez désormais plus ignorer comment vous laver les mains, ni comment vous inscrire à la salle de sport. Si vous êtes une femme, le fonctionnement de votre corps n’aura bientôt plus aucun secret pour vous grâce au secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.
Fort de ces connaissances de base que vous auriez été bien en peine d’acquérir par vous-même, vous voilà fin prêt pour affronter la vie et aller à la rencontre d’autrui pour – peut-être – fonder une de famille.
Que les moins téméraires se rassurent : telle la maman qui accompagne son petit à l’école en le tenant par la main, l’Etat sera là pour vous épauler tout au long du chemin !
Quand l’Etat s’intéresse à la drague
Admettons que vous avez réussi à obtenir un rendez-vous galant avec une personne qui vous plaît. Evidemment, vous avez obtenu ce résultat dans les règles de l’art, c’est-à-dire en respectant les termes de la loi contre le harcèlement de rue entrée en vigueur à l’été 2018.
Heureusement, le législateur ne s’est pas en l’espèce livré au quadrillage réglementaire que l’on pouvait craindre à l’annonce du projet de loi.
La population est d’ailleurs tellement coutumière des débordements bureaucratiques qu’il a fallu que les autorités mènent une nouvelle campagne de communication pour rassurer sur le caractère non-liberticide de cette loi…
Un an plus tard, cette dernière pose cependant de sérieux problèmes d’applicabilité, mais c’est une autre histoire…
Quand l’Etat s’intéresse à votre locomotion
Vous êtes en pleine forme et vous vous apprêtez à retrouver votre rencard d’ici quelques heures devant l’Hôtel de Ville.
Question : vous y rendez-vous à pied, en voiture ou à vélo ? (Pour des raisons évidentes, je n’évoque pas les transports en commun.)
D’un côté, vous avez la voiture, avec un gouvernement qui a limité la vitesse de circulation à 80 km/h sur 400 000 km de routes nationales et départementales, avant de faire machine arrière et de refiler la patate chaude aux conseils départementaux et aux maires.
De l’autre, vous avez la bicyclette, avec un gouvernement (encore lui) qui nous a pondu un « Plan vélo » visant à transformer les Français en cyclistes, lequel plan, après moult allers-retours entre le Sénat et l’Assemblée, approche de sa forme définitive.
Par là, il faut comprendre que ce projet, qui se voulait au départ clair et efficace, s’est transformé en une loi d’orientation des mobilités (LOM), véritable foire aux appellations bureaucratiques imbuvables – le plan initial s’étant par ailleurs doté d’une complexité dont on voit mal ce en quoi elle favorisera l’adoption du vélo.
Tout d’abord, le texte prévoit – prenez votre souffle – un « fonds de mobilité active-continuités cyclables », lequel « est destiné à l’amélioration de ces infrastructures et, spécialement, à la réduction de ces discontinuités du réseau ». Alléluia.
Voilà pour le versant du texte qui bénéficiera à tous les cyclistes. C’est ensuite que les choses se corsent.
La LOM vise également le déplacement entre le domicile et le lieu de travail. Comme nous vivons désormais à une époque où la moindre initiative législative doit être solidaire et durable, ce texte prévoit donc (à nouveau, prenez une grande inspiration) :
« Un nouveau ‘forfait mobilité durable’, proposé en remplacement de l’indemnité kilométrique vélo, [qui] permettra aux employeurs de défrayer jusqu’à hauteur de 400 € annuels (nets d’impôts comme de cotisations sociales) ceux de leurs salariés venant travailler à vélo ou par covoiturage. »
L’Equipe relève cependant deux écueils : « la mesure n’est pas obligatoire » et « le forfait n’est cumulable avec la prise en charge [par l’employeur] de 50% des frais de transports en commun que sous le plafond des 400 € ».
La perception de ce forfait se fera naturellement après réalisation de force formalités administratives – rappelons pour ceux qui auraient oublié que nous sommes en France.
Au cas où vous n’arriveriez pas à trancher, sachez que notre ministre de la Transition écologique et solidaire (ne me demandez pas ce que vient faire ce dernier qualificatif là-dedans) préférerait que vous évitiez de prendre la voiture.
Je ne sais pas si Elisabeth Borne fait référence à la RATP ou la SNCF qui font la grandeur de la France de par le monde ; quoi qu’il en soit, ses méthodes sont assez petit bras au vu de l’objectif affiché, comme l’a relevé Daniel Tourre.
Quand l’Etat rentre dans votre cuisine
Poursuivons. Au fait des dernières innovations législatives en matière de transport, vous parvenez à trancher entre la voiture et le vélo pour vous rendre à votre rencard : ce dernier se déroule parfaitement (il faut dire que vous aviez enfin les mains propres et que votre corps est désormais parfaitement entretenu grâce à votre abonnement à la salle de sport), c’est le coup de foudre, et vous décidez après quelques temps d’emménager avec votre chéri(e).
Rapidement va se poser cette question centrale : qui doit faire la vaisselle et qui doit passer l’aspirateur ?
J’aurais tendance à vous dire que vous pouvez vous organiser comme bon vous semble pour gérer vos tâches ménagères, et que cela ne regarde que vous. C’est d’ailleurs le constat que faisait il y a seulement deux ans le ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes Laurence Rossignol, même si cet état de fait avait l’air de l’ennuyer un peu.
Ce n’est désormais plus le cas avec notre secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. Marlène Schiappa déplore en effet que « les femmes [soient] considérées comme davantage responsables dans la sphère familiale. Elles auront moins de temps, moins de disponibilité et moins de regard et de soutien pour être les égales des hommes dans la sphère du pouvoir ».
Il y a plusieurs façons de répondre à cette considération. La première consiste à sortir sa calculatrice (l’instrument préféré de Marlène Schiappa) et à compter les tâches domestiques qui ne sont pas ménagères.
Mais quid d’un couple hétérosexuel vivant dans un appartement au sixième étage et n’ayant pas de voiture ? Eh bien, sans doute vaut-il mieux faire confiance au jugement de deux personnes qui ont choisi de vivre ensemble plutôt que de légiférer…
Au final, c’est encore Daniel Tourre qui résume le mieux la situation.
A samedi prochain pour une nouvelle étape dans ce panorama de l’Etat-mamma !