La Chronique Agora

Le modèle de l’Etat-Providence est en train de craquer

▪ La semaine dernière dans le Wall Street Journal, nous avons eu le plaisir d’apprendre que nous vivrions plus longtemps qu’initialement prévu. De nouveaux chiffres démontrent qu’un homme atteignant l’âge de 65 ans vivra certainement encore jusqu’à 86,6 ans — soit deux ans de plus que les dernières estimations.

Deux ans de plus ! Qu’allons-nous en faire ? Nous présenter aux élections présidentielles ? Apprendre une langue étrangère ? Dévaliser un marchand de vin et passer 24 mois au violon ?

Attendez… il doit y avoir un revers à cette médaille. "Cette nouvelle estimation… pourrait augmenter le passif des retraites de 7% environ", déclare le WSJ.

Aux dernières nouvelles, les Etats-Unis sont déjà si profondément sous l’eau qu’ils peuvent parler aux sirènes. Selon la comptabilité GAAP, les autorités doivent environ 212 000 milliards de dollars à leurs systèmes de retraite et de santé — sachant qu’elles n’ont pas la majeure partie de cette somme. Si les gens vivent plus longtemps, ces frais doivent augmenter. Voyons… 7% de 202 000 milliards… Hmmm… Vous pouvez faire le calcul aussi bien que nous ; le nouveau total devrait atteindre les 16 000 milliards de dollars supplémentaires.

Si c’est bien le cas… qu’est-ce que ça signifie pour les systèmes de retraite et de santé du monde développé ?

Simplement que nous sommes tous en train de faire faillite. Et les Japonais — ces faiseurs de mode grisonnants — sont en tête. Oui, dans la course pour découvrir quel Etat-Providence moderne financé par la dette sera le premier sur la paille, le Japon est en tête.

"La Banque du Japon stupéfie les marchés avec un nouveau QE", disait le Financial Times ce week-end. "Le S&P termine à un sommet record après la décision surprise de la Banque du Japon".

Le public ne fait que voter pour les candidats qui lui ont jeté le plus de poudre aux yeux

▪ Quand Bismarck tient le volant…
Comme le savent déjà ceux qui nous lisent de longue date, l’essence du gouvernement, c’est le vol à main armée. Les électeurs peuvent croire autant qu’ils veulent que ce sont eux qui décident du cap du pays… mais c’est l’élite qui tient le volant. Telle est notre observation… et la conclusion de deux études universitaires récemment mentionnées dans ces colonnes. Le public ne fait que voter pour les candidats qui lui ont jeté le plus de poudre aux yeux. Les élites utilisent ensuite le pouvoir policier de l’Etat pour transférer la richesse et le pouvoir des électeurs vers elles-mêmes.

Autrefois, elles n’y allaient pas de main morte. Au 19ème siècle encore, l’armée de Napoléon piétinait l’Europe — avec la Liberté, l’Egalité et la Fraternité aux lèvres… et le Vol au coeur. Les soldats de la Grande armée ont dérobé tout ce qu’ils pouvaient mettre dans un chariot.

Le gouvernement moderne exige plus de fraude que de force. Le capitalisme dépend de relations de confiance complexes et d’investissements de long terme. Le vol pur et simple perturbe le processus. La production baisse. Les pays qui n’ont aucun respect pour les exigences du capitalisme ont des économies faibles. Et les économies faibles ne peuvent pas se permettre d’avoir beaucoup de puissance de feu. C’est ce qui a mené la Chine et la Russie à abandonner leurs crédos à la fin du 20ème siècle.

Après la Révolution française, tous les grands pays ou presque ont réalisé qu’ils devaient faire en sorte que le peuple sente qu’il avait le contrôle de l’Etat. Et après Bismarck, les partis politiques se sont rendu compte qu’ils devaient offrir aux électeurs une forme ou une autre d’avantages sociaux. Sans quoi ils se seraient retrouvés face à une "révolte des masses".

C’est ce qui a transformé les gouvernements actuels en gigantesques compagnies d’assurance kleptocrates, gérant des programmes de retraite et de santé particulièrement inefficaces, tandis que les élites s’arrogent une bonne partie du cash flow.

Ce modèle a fonctionné raisonnablement bien ces 150 dernières années. Les capitalistes ont ajouté de la viande au régime alimentaire de l’homme moyen… et des loisirs à son temps libre. La société étant plus riche, on a pu exiger… et entretenir… des programmes d’assurance de plus en plus ambitieux.

▪ … le menu du dîner est couru d’avance !
Le modèle de Bismarck a atteint son sommet lors de la deuxième moitié du 20ème siècle. En Europe et aux Etats-Unis, les plus grosses hausses de revenus ont pris fin dans les années 70. Ford, Rockefeller et les autres avaient disparu. Et les nouveaux capitalistes étaient si chargés de taxes et de réglementations qu’ils avaient du mal à avancer. La dette et la démographie, également, pesaient sur le taux de croissance. Pourtant, les gens continuaient de vouloir plus d’avantages. Ils se sont tournés vers le gouvernement et l’industrie du crédit pour les leur fournir. Le dollar a été séparé de l’or en 1968 — rendant possible de s’endetter plus que jamais.

Les politiciens se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient ni augmenter les impôts ni réduire les allocations

Plus les niveaux d’allocations grimpaient, plus ils avaient d’importance pour les gens qui en bénéficiaient… et plus ils devenaient coûteux pour les gouvernements. Les politiciens se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient ni augmenter les impôts ni réduire les allocations. Tout ce qu’ils pouvaient faire, c’était emprunter plus.

Comme le raconte très bien David Stockman dans son livre, dans la lutte pour les budgets équilibrés, au début des années 80, le parti républicain a fait le grand plongeon. Par la suite, il n’y a plus jamais eu d’opposition sérieuse aux déficits ; au début du 21ème siècle, plus de la moitié des électeurs américains recevaient de l’aide du gouvernement. Il y avait plus de loups que d’agneaux dans les isoloirs ; le menu du dîner était couru d’avance.

Aux Etats-Unis, les dépenses de l’Etat-Providence pourraient encore être financées en réduisant les dépenses militaires. Mais le secteur de la défense a lui aussi été transformé en partie gigantesque du complexe d’assurance — des millions de loups dépendant désormais d’emplois, de contrats, de mutuelles de santé et de pensions.

A présent, avec une population vieillissante, un taux de natalité en baisse, de lourdes dettes et une croissance lente, les demandes augmentent. Le modèle de la compagnie d’assurance est en train de craquer.

La bonne nouvelle, concernant les chiffres de l’espérance de vie donnés la semaine dernière, c’est que nous avons de grandes chances de vivre assez longtemps pour assister à l’événement.

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