La Chronique Agora

L’Espagne mal en point, la BCE au pied du mur

banques centrales

▪ Le suspense est insoutenable ! Le CAC 40 va-t-il grappiller ce vendredi les 0,25% qui lui manquent pour aligner une quatrième semaine de hausse consécutive ?

Cela ne devrait pas poser de graves difficultés : le Dow Jones était en hausse de 0,6% à 15 510 points jeudi soir (10ème séance de hausse sur 12) et le Nasdaq gagnait 0,56% (après -0,57% mercredi). Quant au Dow Transport, avec +0,9%, il pulvérise un nouveau record historique absolu à plus de 7 000 points ; sa performance de +40% sur les 12 derniers mois commence s’apparenter à celle des dot.com en 1999/2000.

En cas de débordement des 4 286 ce vendredi à Paris, les optimistes ne voient pas ce qui va empêcher le CAC 40 d’aller chercher l’objectif des 4 315 points — soit 50% de retracement de la baisse 4 168/2 465.

Ce fétichisme des 4 315 points est ridicule. Il traduit une méconnaissance singulière des principes de gestion appliqués par les investisseurs « global macro » : en effet, si nous considérons qu’ils calculent leur performance dividendes inclus (plus effet de change pour les anglo-saxons), la valeur du CAC 40 se situe au-delà des 5 140 points du 19 mai 2008, le dernier grand pic avant le krach systémique.

Il suffit de regarder le graphique du CAC 40 GR — ou global return — sur six ans pour s’en convaincre : il cote 9 500 points contre 9 250 en mai 2008, soit l’équivalent de 5 200 points de l’époque, un niveau plus revu depuis le 15 janvier 2008 (affaire Kerviel et liquidation des positions spéculatives de la Société Générale).

Et comme les records historiques du jour à Wall Street et à Francfort ne pouvaient être reliés à aucune « bonne nouvelle » provenant d’Europe ou des Etats-Unis ce jeudi, cela renforce le sentiment que rien ne fera reculer les indices boursiers d’ici l’entrée en fonction de Janet Yellen.

▪ Le CAC 40 à 4 500, le Dow Jones à 20 000
Plus l’Europe s’enfonce dans le chômage et les déficits, plus les stratèges revoient à la hausse leurs prévisions. Pour le CAC 40, les 4 500 points commencent à faire consensus. A Wall Street, un objectif de 20 000 points sur le Dow Jones et 2 000 points sur le S&P 500 pour 2014 n’émeut plus personne ; si la performance de 2013 est rééditée en 2014, rejoindre ces niveaux ne devrait constituer qu’une simple formalité.

Vu que Janet Yellen est perçue comme une enragée de la planche à billet, le marché se moque complètement de la médiocrité des résultats et des chiffres d’affaires l’an prochain. Caterpillar a déjà prévenu qu’un ralentissement du rythme de la croissance dans les émergents et sur le sol américain ne laissait guère d’espoir de hausse des profits en 2014.

Mais la grosse ficelle des trimestriels « moins pires que prévus » devrait continuer d’endormir les gogos… Et si cela ne suffit pas, on continuer de monter en épingle le bon chiffre du jour afin d’éclipser tous les autres.

C’est exactement ce qui a été pratiqué hier avec des indices PMI manufacturiers ou composites franchement négatifs en octobre en Europe ou aux Etats-Unis — mais pas en Chine. Cette dernière devrait en effet bénéficier d’un sursaut d’activité ces prochaines semaines, d’après les calculs d’HSBC qui crédite le pays d’un PMI en hausse de 0,7 à 50,9.

Paradoxalement, les entreprises occidentales implantées là-bas constatent un ralentissement de leur activité depuis plusieurs mois, et aucun redressement ces dernières semaines. La situation semble simplement stabilisée.

Elle se dégrade en revanche en Europe avec un flash PMI Composite à 51,5 contre 52,2 — le PMI des services chutant de 52,4 vers 50,9. Aux Etats-Unis, le PMI manufacturier est en recul de 52,8 vers 51,1, shutdown oblige.

▪ La BCE n’a pas le choix… l’Espagne non plus
Le repli du dollar, qui se poursuit sous 1,38/euro (et même en dessous à 1,3825), ne semble inquiéter personne… Les opérateurs espèrent que la BCE va riposter avec la mise en place d’un LTRO 3 et inonder le système bancaire européen de liquidités.

De toute façon, elle n’a pas vraiment le choix. L’Espagne ne fait guère illusion avec sa pseudo-sortie de récession au troisième trimestre : la croissance atteindrait… +0,1% mais resterait négative de 1,3% sur l’ensemble de l’année, d’où la persistance de déficits supérieurs aux prévisions.

L’Espagne n’est pas près de voir baisser le chômage, en dépit de l’effondrement des salaires à l’embauche pour les métiers à faible valeur ajoutée. Selon Moody’s, il n’y pas de perspective de redressement significatif avant 2016.

Selon les calculs officiels, le taux de chômage est retombé sous les 26% en septembre (des dizaines de milliers de demandeurs ont été rayés des listes, et hop, le tour est joué !)… mais il devrait stagner vers 25,9% d’ici la fin 2014, selon le gouvernement.

La Commission européenne se montre encore plus pessimiste avec une estimation à 26,4% l’année prochaine. Ce n’est toutefois pas autant que le FMI, qui anticipe 27%. Enfin, c’est l’OCDE qui place la barre le plus haut à 28%… un record historique pour un pays développé (c’est tout de même la quatrième économie de l’Europe).

Sans rebond de l’emploi, aucune reprise de la consommation à court ou moyen terme, donc pas de croissance et pas de rentrées fiscales — sauf à saigner à blanc la population. Sans oublier une persistance des déficits, générateurs de taux de refinancement élevés.

C’est là que la BCE est censée sortir le « bazooka » pour la troisième fois en trois ans. Cela stoppera opportunément l’ascension de l’euro qui se dirige tout droit vers les 1,45 $.

Sauf qu’un coup de bazooka dans des marchés monétaires totalement subvertis par la fausse monnaie déversée par trois des quatre plus grandes banques centrales de la planète… cela risque juste de déclencher un effondrement général de la confiance dans les monnaies papier.

C’est probablement là le genre de circonstances susceptible de faire de la Chine un des pôles de stabilité monétaire de la planète. En effet, elle peut compter sur ses réserves d’or et son quasi-monopole dans le domaine des terres rares, vitales pour les Etats-Unis et l’Europe.

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