La Chronique Agora

Entre l’hyperinflation et la dépression, la Zone euro a du mal à choisir

▪ Les marchés sont déçus. Principalement par l’incapacité des Européens à faire disparaître leur dette. Les Européens avaient espéré qu’ils pourraient se contenter d’annoncer un plan pour s’en occuper… et que ça suffirait.

Puis les Grecs ont déclaré qu’ils voulaient un référendum sur le sujet… avant d’y renoncer. Tout le monde savait ce qui se produirait si on laissait les électeurs donner leur avis : le trucage serait vite détruqué. Les grands de ce monde se sont donc rassemblés pour forcer la main de Papandréou… qui n’a pas tardé à céder.

Ensuite les investisseurs ont commencé à se montrer curieux. Ils voulaient des détails. Ils voulaient savoir comment les Français et les Allemands pouvaient couvrir tant de pertes potentielles — en Espagne, au Portugal, en Irlande, en Grèce et en Italie.

La position de l’Italie est la plus difficile. Elle est à peine plus endettée que les Etats-Unis, mais a aussi un problème immédiat. Elle doit renouveler sa dette… elle doit emprunter simplement pour continuer à faire tourner le moteur. Il lui manque aussi l’avantage principal des Etats-Unis : elle n’a pas de planche à billets. Elle a abandonné ce privilège quand elle a rejoint l’Union européenne. Seule la Banque centrale européenne peut imprimer de l’argent… et elle est contrôlée par les Allemands !

__________________________

L’Etat-Providence a signé son propre arrêt de mort ! A présent, c’est chacun pour soi

Mais dans cette nouvelle donne, une poignée de Français pourrait être jusqu’à quatre fois plus riche d’ici deux ans.

Comment en faire partie ? Il suffit de suivre le guide

__________________________

Mais qu’est-ce qui ne va pas chez les Allemands ? Pourquoi est-ce qu’ils ne suivent pas les traces de la Fed ? Pourquoi ne veulent-ils pas imprimer de monnaie ? S’ils donnaient simplement le signal — « ne vous inquiétez pas, nous imprimerons de l’argent » — la crise serait terminée. En Europe comme aux Etats-Unis, les investisseurs obligataires seraient rassurés. Ils sauraient qu’ils vont récupérer leur argent. La BCE achèterait les obligations de l’Italie, et les obligations de la Grèce, et les obligations de l’Espagne… et pourquoi s’arrêter là ? Elle achèterait les obligations de tout le monde. Les investisseurs obligataires recevraient leur argent. Ils cesseraient de faire grimper les taux. L’Italie pourrait couvrir ses pertes.

Tout le monde s’en tirerait mieux, non ? Comme aux Etats-Unis. N’est-ce pas ?

▪ Tout ça semble si simple. Pourquoi est-ce que les Allemands ne comprennent rien ?

Alors que les décideurs américains, les économistes officiels et les empêcheurs de tourner en rond sont terrifiés par la perspective d’une nouvelle Grande Dépression, les officiels allemands ont peur de l’hyperinflation. Il reste bien peu d’Allemands qui s’en souviennent, mais l’hyperinflation de la République de Weimar, au début des années 20, est peinte dans l’inconscient collectif allemand comme un graffiti sur un monument national. Ils ne peuvent pas l’ignorer. Ils ne peuvent pas l’oublier. Il faudra des générations avant que ce souvenir s’efface. Suite à l’amère expérience de la Première Guerre mondiale, l’hyperinflation a effacé d’un coup le peu de confiance que les Allemands avaient encore dans leurs institutions. Travailler dur, épargner son argent, être un bon citoyen — rien de tout ça ne semblait payer. Les ex-soldats étaient profondément déçus. Ils avaient été abandonnés par la classe dirigeante, trahis par les banques. Les politiciens leur avaient planté un couteau dans le dos.

Même leur argent n’avait aucune valeur !

« Comment 2 000 ans de civilisation ont mené à cela… » c’est — à peu près — ce que dit le héros du célère A l’ouest, rien de nouveau, de Erich Maria Remarque. Sans bonne réponse à cette question, les Allemands se sont détournés de la civilisation pour lui préférer un zombie-isme armé et mécanisé.

Quelques années plus tard, les usines allemandes fonctionnaient à nouveau — pour produire des chars et des avions. C’était la solution au chômage et à la dépression post-Première Guerre mondiale. Malheureusement, la solution était pire que le problème. Les trains étaient à l’heure — mais ils roulaient vers le désastre.

Enfin, c’est une longue histoire.

▪ Les Etats-Unis, parallèlement, ont leur propre inconscient collectif. Il reste peu de gens vivants pour se souvenir de la Grande Correction. Mais elle hante encore le sommeil des économistes et trouble leurs vacances.

« Pas tant que je suis là », déclare — ou à peu près — Ben Bernanke.

Les Américains luttent donc contre la dépression. Les Européens combattent quant à eux l’hyperinflation.

Qu’obtiendront-ils ? La dépression ET l’hyperinflation !

Oui, cher lecteur, telle était notre prédiction il y a quelques années de ça. Nous nous y tiendrons. Le monde entre dans une dépression économique. La croissance a calé. Même les marchés émergents ralentissent… Ils subissent la chute de la consommation, exportée d’Europe et des Etats-Unis, et tentent de lutter contre l’inflation exportée, via le QE2, par les Etats-Unis.

Cette dépression ne va pas disparaître de sitôt. Il faudra des années pour éliminer, décoter, passer en pertes et profits la montagne de dettes des ménages, des entreprises et des Etats accumulée lors des 60 dernières années. Nous pensions d’abord qu’il faudrait entre sept et dix ans pour y parvenir. Nous en sommes déjà à la cinquième année… et au rythme actuel, on dirait qu’il va falloir encore 15 ans !

Mais les autorités ne vont pas affronter la dépression les bras croisés. Même les Allemands décideront probablement qu’un petit tour de planche à billets vaut mieux que les faillites et banqueroutes qui accompagnent une dépression. Ils « entre-garantiront » tous leurs crédits. Les banques garantissent les dettes de leurs gros clients. Les gouvernements garantissent les dettes de leurs grandes banques. Les banques centrales garantissent les dettes des gouvernements… et tous impriment de l’argent pour les couvrir. Quel merveilleux système.

Oui, telle est notre prédiction. La dépression mènera à l’impression monétaire… qui finira par mener à l’hyperinflation.

Mais bon ! Toute cette histoire mettra des années à se développer. Quand elle se concrétisera enfin, nous aurons probablement oublié cette prévision. Nous aurons de la chance si nous nous souvenons de notre propre nom.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile