La Chronique Agora

Engrais : les fonds sont à l'affût, les fondamentaux haussiers

▪ Entre 1906 et 1910, deux chimistes allemands, Haber et Bosch, vont révolutionner le secteur en mettant au point le procédé de synthèse de l’ammoniac (NH3) à partir du diazote (N2) contenu dans l’air que nous respirons. Le procédé est assez complexe — il y a des conditions de pression et de température à respecter –, mais peu coûteux. Or à partir de là, on peut produire tous les nitrates de synthèse et tout l’acide nitrique que l’on souhaite — bref, des engrais et des bombes à foison : le XXe siècle est en marche…

▪ 180 millions de tonnes d’engrais consommés dans le monde en 2007
Les plantes ont besoin, pour se développer en abondance, de puiser dans le sol trois types de macroéléments : l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K). D’ailleurs, la proportion "NPK" est le critère de base qui définit la plupart des fertilisants.

Mes anciens lecteurs se souviendront que nous avons abordé le phosphore et ses composés minéraux — les phosphates — dans le numéro 11 de Matières à Profits. Nous allons ici parler de l’azote et des nitrates (NO3-), qui sont de loin le plus important composant en volume : 60% des quelque 180 millions de tonnes d’engrais consommés dans le monde en 2007.

▪ Les nitrates ont changé le visage de l’agriculture
Les nitrates sont produits pour l’essentiel par synthèse grâce au procédé Haber. Ils ont poursuivi leur ascension — et formé le socle de la révolution verte qui, dans l’après-guerre, a changé le visage de l’agriculture mondiale. Sans eux, pas d’agriculture intensive possible.

Selon certains auteurs, l’homme fixerait chaque année un volume d’azote égal à 50% de l’azote fixé par l’ensemble des bactéries de la planète, à la seule fin de doper son agriculture !

Nous connaissons la puissance du système, mais aussi ses limites : le lessivage des sols par les eaux de pluie, la pollution des nappes phréatiques, la prolifération des algues vertes — par exemple sur les côtes de ma Bretagne natale.

▪ Pendant ce temps, à Amman en Jordanie…
De telles questions ne sont pas, bien sûr, au centre des préoccupations de l’IFA, l’Association internationale des industries des fertilisants — principal lobby du secteur.

Voici quelques semaines, l’IFA tenait son 35ème congrès à Amman, en Jordanie : il s’agissait, entre autres, de réfléchir aux perspectives du secteur mondial à court/moyen terme. Ses conclusions ne manquent pas d’intérêt.

Si vous avez suivi avec moi le cours des céréales ces derniers mois, vous ne serez pas surpris d’apprendre que le secteur des engrais a durement souffert de la crise.

▪ Effondrement de la consommation d’engrais
La consommation globale — tous engrais confondus — en 2008/2009 s’est contractée de 6,7%.

La demande en potasse a dévissé de près de 20% et celle en phosphore, de plus de 10%. Il faut dire que les cours — notamment, de la potasse — avaient largement suivi la flambée spéculative sur les céréales.

Les fermiers ont donc jeté l’éponge et significativement réduit leurs taux de fertilisation. La demande en potasse s’est effondrée dans le monde — en premier lieu, en Chine.

La région canadienne de Saskatchewan, grande productrice de potasse, estimait en novembre dernier son manque à gagner à 1,8 milliard de dollars !

▪ Et pourtant, les récoltes sont abondantes
Cela n’a pas empêché les exploitants d’obtenir des récoltes abondantes de blé (en France) ou de maïs (aux Etats-Unis). Aux yeux de l’industrie, les exploitants ont tout bonnement puisé dans les réserves accumulées dans leurs sols : tôt ou tard, il faudra bien qu’ils les reconstituent.

Combien de temps faudra-t-il ? "Plus d’une saison sans doute", répond l’IFA…

▪ Le marché est excédentaire
Pour la deuxième année de suite, la production d’engrais a excédé la demande, et le déstockage demandera du temps. Cela pourrait vouloir dire que le rebond est attendu pour 2010 — vers la fin de l’année, peut-être.

Selon les projections — certes spéculatives — de l’association, les compartiments les plus malmenés aujourd’hui seraient à l’honneur : la demande pourrait rebondir de 13,5% pour la potasse dès l’année prochaine, tandis qu’une reprise modeste prendrait place pour l’azote et le phosphore.

▪ Les fonds spécialisés n’en demandaient pas davantage !
Il semble qu’ils soient déjà en train de revenir sur le secteur. Du coup, et sur la foi d’un pronostic positif pour la potasse, le Canadien Potash Corp. fait partie des valeurs très travaillées — avec 25% de hausse en l’espace d’un mois…

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