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Energie : pourquoi une telle inflation ?

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L’augmentation des prix de l’énergie n’a pas commencé en 2022. Depuis l’an 2000, les prix de l’électricité ont grimpé, petit à petit, de 71%. C’est 90% pour le gasoil. Et les raisons ne sont pas à chercher que du côté des crises mondiales…

Nous l’avons vu hier, l’inflation est le sujet de cette fin d’année. Cependant, les médias mainstream désignent principalement comme coupables certaines entreprises, ou bien les dernières conséquences du Covid et la situation géopolitique. En parallèle, le gouvernement est considéré comme un bienfaiteur qui sauve la situation à coups de dizaine de milliards d’euros distribués à tout va.

En pratique, la situation est bien différente, et une étude de l’IREF nous montre que c’est plutôt vers l’Etat qu’il faut se tourner, si l’on cherche un responsable derrière l’inflation. La politique de l’argent magique, la fiscalité et les réglementations ont toutes joué un rôle pour accentuer l’inflation que nous connaissons aujourd’hui. Et toutes sont de la responsabilité du gouvernement.

Prenons toutefois un peu de recul. Plutôt que de nous concentrer sur l’actualité brûlante, regardons l’impact que l’action de l’Etat a eu, ces 20 dernières années, sur les prix qui importent vraiment. D’un côté, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 33%, dans l’intervalle. Mais, de l’autre, certains biens et services essentiels ont bien plus affecté le « ressenti d’inflation » du Français moyen.

Électricité : 71% de hausse en 20 ans

Plusieurs raisons expliquent la hausse actuelle du prix de l’électricité. Il y a déjà la loi Nome (Nouvelle organisation du marché de l’électricité), entrée en application le 1er juillet 2011, mais aussi la réglementation de l’Union européenne de 2015, qui ont complètement désorganisé le marché. Il y aussi l’abandon progressif du nucléaire sous la pression de l’idéologie écologiste.

Bref, alors que l’électricité française, encore à 70% d’origine nucléaire, pourrait continuer à être l’une des moins chères d’Europe, le consommateur subit aujourd’hui de plein fouet les crises mondiales.

Cependant, la hausse de prix de l’électricité en France s’explique aussi par l’augmentation des taxes. Il existe quatre taxes différentes.

Tout d’abord, la CSPE (Contribution au service public d’électricité), payée par tous les titulaires d’un contrat, particuliers et professionnels. Elle est censée contribuer au financement de la transition énergétique et à l’installation de nouveaux moyens de production d’énergies renouvelables. Elle est d’un montant fixe par MWh consommé… mais elle a augmenté de 760% en 20 ans, avant l’application du bouclier tarifaire !

Il existe ensuite une taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE), composée d’une part communale (TCCFE) et d’une part départementale (TDCFE). Elle est payée par tous les consommateurs d’électricité, particuliers et professionnels, en fonction de la puissance souscrite au compteur et de leur consommation effective. Remplaçant, depuis 2011, la taxe locale sur l’électricité (TLE), la TCFE peut varier selon la commune et le département de résidence. En effet, chaque commune et chaque département vote un coefficient multiplicateur – compris entre 0 et 8,5 pour les communes, et entre 2 et 4,25 pour les départements – qui viendra moduler le tarif de référence fixé par l’Etat.

Entre 2011 et 2021, le coefficient multiplicateur maximal est passé de 8 à 8,5 pour les communes, et de 4 à 4,25 pour les départements. Quant au tarif de référence, il est passé de 0,75 €/MWh en 2011 à 0,78 €/MWh en 2021.

Depuis sa création en 2011, la TCFE, quand le coefficient multiplicateur le plus élevé est appliqué, a donc augmenté de 10,5%. Elle peut, bien évidemment, avoir progressé beaucoup plus fortement pour les personnes qui résident dans une commune et un département qui ont augmenté leurs coefficients multiplicateurs entre 2011 et 2022.

En 2022, la TDCFE a été intégrée à la CSPE. Ce sera le tour de la TCCFE en 2023. La TCFE devrait donc disparaître l’année prochaine.

Des taxes sur des taxes, et d’autres cachées

Troisième taxe : la contribution tarifaire d’acheminement (CTA). Mise en place en 2005, elle est versée à la CNIEG (Caisse nationale des industries électriques et gazières) et permet de financer les retraites avantageuses des salariés (droits acquis avant le 31 décembre 2004) de l’ex-ensemble EDF-GDF, et des ELD (entreprises locales de distribution). La CTA sur l’électricité correspond à un pourcentage du tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE) hors taxes payé par l’abonné. Son montant varie en fonction de la puissance souscrite au compteur, de la tarification choisie et également, dans une moindre mesure, du nombre de kWh consommés par l’abonné.

En 2005, la CTA était de 20,4%. Elle a été augmentée en deux temps par la suite : d’abord en 2006 pour « arrondir » à 21%, puis en 2013 pour atteindre les 27,04%… soit une augmentation de 32,5% en 8 ans.

Fait notable tout de même : en 2021, elle a baissé pour tenir compte de l’augmentation du TURPE (tarif d’utilisation du réseau public d’électricité) et ainsi ne pas trop alourdir la facture de l’abonné.

Enfin, la TVA au taux de 20% s’applique sur la consommation d’électricité, ainsi que sur la CSPE et la TCFE. Un taux réduit de 5,5% est appliqué sur l’abonnement et sur la CTA. Les taxes sur l’électricité sont donc elles-mêmes taxées !

De plus, à côté de ces taxes visibles existent des taxes cachées, c’est-à-dire des taxes dont le consommateur n’a pas connaissance, qui, elles aussi augmentent le prix de l’électricité.

On pense à l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER), instaurée en 2010 au profit des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, et qui touche les éoliennes et hydroliennes, les installations de production d’électricité d’origine nucléaire ou thermique à flamme, les centrales de production d’électricité d’origine photovoltaïque ou hydraulique, les transformateurs électriques, les installations de production d’électricité d’origine géothermique.

Il existe également une imposition forfaitaire sur les pylônes supportant des lignes électriques dont la tension est au moins égale à 200 kilovolts dont les bénéficiaires sont les communes et les intercommunalités.

Et pour finir, n’oublions pas la taxe sur les éoliennes maritimes, ni la redevance proportionnelle sur l’énergie hydraulique…

En consultant mes propres factures d’électricité, j’ai constaté que le prix du kWh a augmenté de près de 60% entre 2010 et 2021, celui de l’abonnement de 52,14% et les taxes ont progressé de 15,42%.

En fait, la structure de notre facture a été complètement transformée en une dizaine d’années. En 2010, la consommation représentait 61,39% de la facture, l’abonnement 10,89% et les taxes 27,72%. En 2021, la consommation d’électricité ne compte plus que pour 49,43% de la facture, l’abonnement représente 17,24% et les taxes 33,32%.

La consommation d’électricité représente désormais moins de la moitié de la facture !

Si l’on considère la période 2000-2021, l’Insee nous dit que le prix de l’électricité a augmenté de 71%, plus de deux fois que l’indice des prix à la consommation sur la même période.

Source : Insee

Gasoil : 90% de hausse en 20 ans

Le gasoil – qui était le carburant de 60% des véhicules français en 2020 – a pour sa part vu son prix croître de 112,3% entre janvier 2000 et février 2022, puisqu’il est passé de 0,81 € le litre à 1,72 €. Au moment d’écrire ces lignes, il frôle les 2 €, soit une hausse de 147% par rapport à janvier 2000.

Bien sûr, comme nous l’avons indiqué hier, la crise énergétique et l’envolée du dollar expliquent en partie les prix élevés d’aujourd’hui. Prix qui seraient encore plus hauts s’il n’y avait l’« aide exceptionnelle à l’acquisition de carburant » mise en œuvre par le gouvernement – la fameuse « remise carburant » de 18 puis 30 centimes par litre.

Mais la hausse du gasoil est aussi en grande partie due à celle des taxes. La TIPP (taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers), devenue TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) en 2011, a crû de 56% entre 2002 et 2022, passant de 38,9 à de 60,75 centimes d’euro par litre, et allant même jusqu’à 62,64 centimes d’euro en Ile-de-France. Pour la région-capitale, la hausse de la TICPE depuis 2002 est donc de 61%.

Le consommateur français a, pour l’instant, échappé au pire – grâce au mouvement des Gilets jaunes, puis aux crises successives –, puisqu’il était prévu que les taxes s’appliquant au diesel augmentent fortement afin de rejoindre, puis de dépasser, celles qui s’appliquent à l’essence. Son montant devait atteindre 64,76 centimes d’euro par litre en 2019, puis 70,12 en 2020, 75,47 en 2021 et 78,23 en 2022. L’augmentation entre 2002 et 2022 aurait alors été de 101%, c’est-à-dire qu’elle aurait plus que doublé.

N’oublions pas que la TVA – qui est passée de 19,6% à 20 % en 2014 – s’applique sur le prix du gasoil hors taxes, mais également sur le montant de la TICPE. C’est ainsi que les taxes sur le gasoil sont en France parmi les plus élevées d’Europe comme le montre le graphique ci-dessous.

 

Source : Conseil national routier (CNR)

Fin mars 2022, la France se classait ainsi au quatrième rang des pays européens avec 93,84 centimes d’euros de taxes (droits d’accises et TVA) sur un litre de gasoil. Elle était précédée de l’Italie, première du classement, avec plus d’un euro de taxes, de la Belgique (95,65 centimes) et de la Finlande (93,92 centimes).

Les hausses des prix de l’électricité et du gasoil ne sont cependant pas les pires, comme nous le verrons dans un prochain article avec deux autres exemples.

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