▪ Lorsqu’on l’a menacé de coupes budgétaires, le secrétaire à la Défense US Leon Panetta n’a pas exactement fait preuve de réflexion et de sagesse ; il a plutôt réagi « à la grecque ». Il a appelé les réductions budgétaires « un mécanisme d’apocalypse ». Elles seraient « catastrophiques » et reviendraient à « se tirer une balle dans la tête », a-t-il continué.
Et on ne lui avait parlé que de dépenser autant que le reste du monde combiné !
Quant aux personnes qui proposent de freiner, elles sont comme les nazis à Bastogne, demandant à Patton de se rendre : « allez vous faire voir », aurait-il répondu.
Les réductions de dépenses sont intolérables… de même que les discussions sur un « déclin » ou un possible recul. Les zombies armés qui sont à la tête du secteur de la défense ne le permettront pas.
Ceci dit, le déclin impérial n’est pas forcément désagréable. Gideon Rachman l’expliquait dans le Financial Times :
« Le Royaume-Uni a découvert après 1945 qu’un déclin de la puissance nationale est parfaitement compatible avec une augmentation du niveau de vie pour les gens ordinaires, et avec le maintien de la sécurité nationale. Le déclin ne signifie pas la fin de la paix et de la prospérité. En revanche, cela implique de faire des choix et de forger des alliances. Dans une ère de déficits budgétaires massifs et d’augmentation de la puissance chinoise, les Etats-Unis devront réfléchir plus profondément à leurs priorités. La semaine dernière, Hillary Clinton a insisté sur le fait que les Etats-Unis resteront une puissance majeure en Asie — avec toutes les dépenses militaires que cela implique. Très bien. Mais qu’est-ce que cela signifie pour les dépenses nationales ? Peu de politiciens sont prêts à tenir ce débat. Au lieu de cela, particulièrement dans le camp républicain, ils ont recours à des slogans optimistes sur la ‘grandeur’ de l’Amérique ».
« Ceux qui refusent d’accepter toute discussion sur le déclin risquent en fait d’accélérer le processus. Accepter de reconnaître avec réalisme que la position des Etats-Unis dans le monde est en danger devrait stimuler une action déterminée, allant d’une réforme de l’éducation aux déficits budgétaires. Les pinaillages politiques sans fin à Washington reflètent une certaine complaisance — la conviction que la position des Etats-Unis à la tête du monde est si imprenable qu’ils peuvent se permettre des excès de laisser-aller comme celui de cet été, avec le quasi-défaut de paiement de la dette ».
« Une absence de débat sur le déclin relatif risque également de laisser l’opinion publique américaine mal préparée à une nouvelle ère. Résultat, confrontée à des difficultés à domicile ou à l’étranger, la réaction de la population a moins de chances d’être calme et déterminée ; elle sera plus probablement irrationnelle et irritée — nourrissant ce que l’historien Richard Hofstadter appelait ‘le style paranoïaque de la politique américaine' ».
« Ces derniers temps, les Britanniques ont appris à quasiment se vautrer dans l’échec. Ils achètent des livres intitulés ‘Le Livre des échecs héroïques’. On entend assez souvent les supporters d’une équipe de football en train de perdre chanter : ‘on est de la merde et on le sait’. Ce n’est pas une habitude que je vois s’implanter aux Etats-Unis. Quand il s’agit de gérer le déclin, l’auto-avilissement est optionnel ».
▪ Et voici un autre article du Financial Times, décrivant « l’éclipse » des Etats-Unis :
« … Dans cette nouvelle étude stimulante, Arvind Subramaniam, de l’Institut Peterson pour l’économie internationale, s’exprime sur le prochain transfert — celui des Etats-Unis vers la Chine. […] Alors que les Américains bavassaient sur ‘le moment unipolaire’, leurs fondations économiques s’effondraient. Si l’on mesure correctement les choses, affirme-t-il, la Chine est déjà l’égal économique des Etats-Unis. Elle sera bientôt beaucoup plus puissante en termes économiques, et, en fin de compte, militaires ».
La prédiction la plus frappante de ce livre, c’est que le renminbi va égaler, ou remplacer, le dollar en tant que devise de réserve d’ici au début des années 2020, bien plus tôt que ce que supposent la plupart des gens. C’est en grande partie parce que la Chine se révélera être de loin la plus grande puissance commerciale de la planète : la devise suit le commerce.