La Chronique Agora

Emprunter, imprimer, répéter

inflation, Congrès, guerre, Fed

Hier, nous avons examiné la déclaration de Gina Raimondo, secrétaire au Commerce, selon laquelle nous devrions accélérer l’économie américaine afin qu’elle ressemble à l’idée qu’elle s’en est faite. Il ne s’agit pas d’une économie qui donne aux gens plus de choses qu’ils veulent ; elle veut une économie qui produise plus de puces de silicium !  Et le moyen d’y parvenir est de renforcer la planification centrale.

Nous avons également examiné les moyens dont disposent les autorités pour faire en sorte que l’économie s’accélère – la carotte et le bâton – et la manière dont les deux partis politiques américains se sont unis pour obtenir davantage de ces moyens.

Mais les carottes s’épuisent. Les États-Unis ont ajouté 27 000 Mds$ à leur dette depuis le début du siècle, dont 1 000 Mds$ en seulement cinq semaines, après l’accord sur le plafond de la dette. C’est de l’argent qu’ils ont dépensé… mais qu’ils n’avaient pas.

La Fed est désormais prise au piège de « l’inflation ou la mort » ; elle doit continuer à soutenir l’inflation… ou son économie de bulle mourra.

Mais attendez… les gros titres nous disent que l’inflation est vaincue. CNN :

« La fièvre de l’inflation est enfin redescendue. Un atterrissage en douceur de la Fed est peut-être en vue.     

Si le président de la Fed, Jerome Powell, tenait moins à être présentable, il aurait tout à fait le droit de convoquer une conférence de presse, de s’avancer vers le pupitre en t-shirt et short, et de prononcer quatre mots – « atterrissage en douceur, imbéciles ! » – avant de lâcher le micro et de s’en aller.

Pour situer le contexte, il y a un an, l’IPC a culminé à 9,1%, soit la pire inflation depuis plus de 40 ans. [Aujourd’hui, il est deux fois moins élevé.]

C’est, pour être clair, absolument fantastique.

(Pour rappel, la Fed s’est fixé un objectif d’inflation de 2 %. Bien que l’IPC fasse davantage la une des journaux, les responsables de la banque centrale privilégient une autre mesure de l’inflation, l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle. L’indice PCE de base le plus récent était de 4,6 % en mai.) »

En d’autres termes, la situation n’est pas si fantastique que cela.

En avant, en avant, en avant…

L’inflation des prix à la consommation dépasse toujours de 130% l’objectif de la Fed. Les prix sont bien plus élevés qu’il y a deux ans… et ils continuent d’augmenter.

L’inflation est toujours et partout un phénomène politique. Et tant que les autorités américaines continueront à dépenser des milliers de milliards de dollars de plus que ce qu’elles reçoivent en impôts, elles devront trouver l’argent quelque part. Soit en l’empruntant, soit en l’« imprimant ».  Les emprunts font grimper les taux d’intérêt et freinent l’économie, ce qui entraîne une baisse des recettes fiscales et la nécessité d’emprunter encore plus. Il ne reste donc que deux possibilités : réduire les dépenses, ou faire gonfler la masse monétaire.

Mais les réductions budgétaires se heurtent au mur de briques de l’ancien système politique en déliquescence des Etats-Unis. Tout le monde veut plus. Personne ne veut moins. Les républicains ne s’opposent plus aux carottes. Les démocrates ne détestent plus les bâtons. Au contraire, l’élite des deux partis veut plus des deux.

L’inflation ne disparaîtra donc pas. Les autorités vont utiliser leur planche à billet. Et l’argent perdra de sa valeur presque aussi vite qu’il aura été créé. C’est la leçon que l’on peut tirer des innombrables expériences de dépenses excessives et d’impression de monnaie. Il n’y a aucune raison de s’attendre à un résultat différent cette fois-ci.

Le chemin de la ruine

Mais il n’y a pas que l’argent. Il existe deux moyens majeurs de détruire une grande nation : l’inflation et la guerre. C’est là que les bâtons deviennent mortels. La semaine dernière, les Etats-Unis ont débarqué à Vilnius avec une cargaison de bâtons, promouvant le type d’actions à l’étranger contre lesquels les fondateurs des Etats-Unis nous avaient mis en garde.

Autrefois, on pouvait compter sur les républicains pour favoriser l’augmentation des dépenses militaires… et sur les démocrates pour s’y opposer. Aujourd’hui, les budgets du Pentagone sont approuvés par les deux partis… et enrichis de programmes d’armement dont même les hauts gradés ne veulent pas vraiment.

Qui s’en plaint ? Les pacifistes ont été éliminés du parti démocrate… à leur place se trouvent les néoconservateurs bellicistes comme Hillary Clinton et Victoria Nuland.

Mais attendez. Que se passe-t-il ? Les Républicains seraient-ils en train de devenir le parti de la paix ? The Hill rapporte :

« Le GOP adopte des amendements qui menacent d’anéantir le projet de loi sur la défense.

L’adoption par la Chambre des représentants d’amendements conservateurs au projet de loi sur la défense a jeté le doute sur le sort de ce texte qui doit être adopté, suscitant une opposition généralisée de la part des démocrates et imposant un nouveau fardeau au président de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, qui doit rallier suffisamment de voix républicaines pour faire passer le projet de loi devant la chambre basse.     

La menace qui pèse sur la loi d’autorisation de la défense nationale (National Defense Authorization Act, NDAA) est inhabituelle pour un rituel législatif annuel qui fixe le budget des forces armées du pays et qui bénéficie habituellement d’un large soutien bipartisan.

Mais cette année, sous la pression des partisans de la ligne dure de son camp, M. McCarthy a présenté une série d’amendements conservateurs controversés. Cinq de ces mesures, portant sur des questions explosives telles que l’avortement et les droits des transsexuels, ont été approuvées jeudi soir lors de votes largement partisans.

Le plus important d’entre eux est un amendement qui annulerait la politique du Pentagone consistant à rembourser les frais de voyage des militaires qui se font avorter […]. »

Droits et préjudices

Les républicains n’étaient pas opposés à l’idée de dépenser l’argent ; ils voulaient simplement utiliser le projet de loi sur la défense pour enfourcher leurs chevaux de bataille préférés.

C’est la mascarade qu’est devenu le Congrès. Aucun débat sur la nécessité pour les Etats-Unis de dépenser autant d’argent pour des bâtons pointus. Aucun débat sur l’origine de l’argent. Pas d’inquiétude sur la faillite ou la planche à billets. Le Congrès ne débat ni de la guerre ni de l’inflation…

… mais seulement des droits des transsexuels !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile