La Chronique Agora

L’Empire des dettes : le retour

dettes

Notre système financier est corrompu et malveillant. Il est peut-être utilisé par des industries et commerces honnêtes, mais il finance également un système politique devenu beaucoup plus vaste et agressif au cours de l’Ere de l’argent falsifié.

Dans quelle mesure le système financier n’est-il pas désormais otage du système politique qu’il a financé ?

Est-il encore possible, à l’heure actuelle, qu’une banque centrale puisse nous faire sortir de cette bulle en pilotant et gérant une déflation par la dette ? Sinon, que se passe-t-il ?

J’ai écrit un livre il y a plus de 10 ans, intitulé L’Empire des Dettes. Longtemps à l’avance, il montrait déjà que les Etats-Unis étaient le premier empire de l’histoire ayant réussi à perdre systématiquement de l’argent en se lançant dans des aventures militaires à l’étranger… et à se financer en empruntant à ses adversaires. La Chine, par exemple, détient 1 000 Mds$ en bons du Trésor américain dans ses coffres.

Mes réflexions ont évolué depuis et, je l’espère, se sont améliorées. Mais le point central de ce livre était tout à fait juste. Nous sommes face à un empire mondial financé avec de l’argent emprunté.

L’an dernier, l’empire a mené des opérations militaires dans 118 pays différents. Il a lâché 26 171 bombes. Sur qui… et pourquoi ? Si vous posez la question à 100 personnes prises au hasard, personne ne saura vraiment qui a été bombardé, ni pourquoi. Lorsque vous additionnez les coûts de toutes les opérations menées à l’étranger et liées à la sécurité, l’empire a dépensé environ 1 000 Mds$ sur une période de 12 mois. Voilà ce que coûte un empire.

Les Etats-Unis ne pourraient pas se le permettre sans ce financement bizarre venant du dollar falsifié, c’est-à-dire de l’argent créé par le crédit et non adossé à l’or.

Désormais, toutes les principales économies… principaux gouvernements… les secteurs financier, médical, de l’éducation et, bien sûr, de la sécurité… (sans parler de la réputation… du statut… et de la puissance qui vous sont conférés lorsque vous êtes capable de lâcher 26 000 bombes)… dépendent tous de l’argent bon marché. Tous se battent bec et ongle afin de préserver ce système de financement par la dette…

Rien qu’aux Etats-Unis… les gouvernements Bush et Obama ont fait exploser la dette publique, en la portant à 20 000 Mds$. A l’avenir, elle devrait augmenter de 1 000 Mds$ par an.

Les Etats-Unis dépensent environ 3,50 $ pour 1 $ de PIB supplémentaire. Depuis 2007, l’économie a produit 10 000 Mds$ de dettes et seulement 4 500 Mds$ de PIB. Cela ne peut que mener à un désastre. Pas forcément demain mais un jour sûrement.

Avant 1971, notre argent était adossé à des actifs, lié à un cours fixe de l’or. A présent, il est adossé à de la dette, et il est lié à une simple promesse de remboursement. Avec quoi ? Toujours plus de papier, bien sûr.

L’ancienne monnaie prenait de la valeur à mesure que la production progressait. La monnaie adossée à des actifs reliés à une économie réelle, faite de production et de richesse, aide les gens à créer de nouvelles richesses. Cette monnaie fournit des informations précises et essentielles aux acheteurs, aux vendeurs, aux investisseurs et aux consommateurs. En outre, elle permet de réaliser des transactions financières à travers le temps et l’espace, mais également d’accumuler et de transmettre de la richesse.

Je recommande fortement la lecture du livre de George Gilder, The Scandal of Money [NDLR : « Le scandale de l’argent »]. Gilder montre que l’argent n’est pas simplement… de l’argent. Il s’accompagne d’un sentiment de justice fondamental. Si vous travaillez toute votre vie et que vous parvenez à épargner 1 000 $, il est fondamentalement injuste qu’un génie de Wall Street gagne 1 000 $ sans rien faire, simplement parce qu’il a un accès privilégié au nouveau système monétaire.

C’est parce que les électeurs nourrissaient un sentiment d’injustice– et non à cause de l’argent – que Donald Trump a été élu.

L’argent bidon adossé à des dettes est fondamentalement injuste et peu fiable. Il déforme les prix, trompe les investisseurs, siphonne et dévalue l’épargne réelle, redistribue la richesse au lieu de l’augmenter et, globalement, aggrave le gaspillage et les mauvais choix d’investissement au sein de toute l’économie.

Comme l’a remarqué l’économiste franco-irlandais Richard Cantillon pendant la bulle du Mississipi, dans les années 1720 : les gens au plus près de ce nouvel argent adossé à des dettes sont ceux qui en profitent le plus.

Nous avons de nouveau constaté ce phénomène sous le mandat d’Alan Greenspan à la Fed.

La part que représente le secteur financier sur l’ensemble des profits réalisés par les sociétés cotées en bourse a augmenté : à la fin de son mandat, les gains des établissements financiers sont passés de 18% en 1986 à près de 33% : 1 $ de gain pour la finance sur 3 $ de profits réalisés.

Alan Greenspan fut un acteur central de ce que nous considérons désormais comme une refonte totale de l’économie américaine. Nous avons entendu différentes façons de décrire cette refonte. Certains la perçoivent comme la « financiarisation » de l’économie.

Mondialisation, dérégulation, inégalité ne sont que des symptômes — pas des causes

D’autres pensent que la « mondialisation » est la clé permettant de la comprendre. Alan Greenspan a été sévèrement critiqué car il a autorisé cette « déréglementation » que d’autres considèrent comme l’élément crucial. Puis il y a « l’inégalité », dont bon nombre de personnes estiment qu’elle représente la caractéristique la plus importante.

Mais selon notre point de vue, toutes ces choses ne sont que les symptômes – ou les conséquences – d’un changement plus fondamental. En partant d’une économie équitable, où les rendements revenaient à ceux qui créaient de nouvelles richesses (les gens qui fabriquaient des voitures ou des matelas ou des équipements de cuisine), le système américain s’est perverti, récompensant avant tout les gens qui y injectent toujours plus d’argent falsifié et de dettes.

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