▪ Nous l’avons déjà souligné : l’empire américain et la bulle du crédit prendront probablement fin en même temps.
Chacun dépend de l’autre. Si les Etats-Unis n’étaient pas si vastes et si puissants, ils ne pourraient pas imposer leur monnaie comme devise de réserve mondiale. Sans leur statut de réserve (des dollars au lieu de l’or), les Etats-Unis ne pourraient pas inonder le monde de leur propre cash. Sans les dollars, la bulle du crédit ne pourrait continuer à se développer. Et sans la croissance du crédit, il n’y aurait pas moyen de payer les frais qu’implique un empire planétaire.
Cela n’explique pas vraiment le miracle de la croissance sans l’épargne — mais ça nous donne un indice de ce qui arrivera quand les choses ne fonctionneront plus. Toutes les bulles… et tous les empires… finissent par exploser. Un empire dépendant d’une bulle de crédit est doublement explosif. Tout ce qu’il faut pour allumer la mèche, c’est un retournement du cycle du crédit.
De l’invasion des Philippines à la Guerre du Vietnam, l’empire américain était financé par le pouvoir riche et productif de l’économie US. Mais alors que la guerre du Vietnam touchait à sa fin, la source des finances impériales est passée de la production actuelle à la production à venir. Les Etats-Unis sont passés à un système de monnaie purement fiduciaire… et se sont tournés vers l’emprunt pour financer leurs aventures militaires. Les crétins d’aujourd’hui bombent le torse et se réjouissent de passer pour des gros bras. Ils laissent la facture aux contribuables de demain.
Les arguments pour de lourdes dépenses de sécurité se sont effondrés entre 1979 (lorsque la Chine a pris le chemin du capitalisme) et 1989 (quand la Russie a abandonné le communisme). Mais à ce moment-là, le "complexe militaro-industriel" dont parlait Eisenhower avait déjà fermement le contrôle de Washington. Les présidents — démocrates ou républicains — se sont succédés. Rien ni personne ne pouvait empêcher les ressources de s’écouler vers le secteur de la défense. Une aventure désastreuse ne faisait que mener à une autre. Chacune fournissait une source supplémentaire de financement… plus de statut… plus de pouvoir… plus de généraux… plus d’opérations clandestines… et plus de parasites prétendant protéger les Américains d’ennemis inconnus.
Toutes ces affaires étrangères ont probablement créé plus d’ennemis qu’on en neutralisait |
Le retour sur investissement de ces dépenses était probablement bien inférieur à zéro. C’est-à-dire que toutes ces affaires étrangères ont probablement créé plus d’ennemis qu’on en neutralisait. Peu importait. Le secteur industriel s’affaiblissait. Les salaires réels ont cessé d’augmenter. La croissance a ralenti.
▪ L’équilibre budgétaire, disparu depuis longtemps…
Pendant ce temps, les dépenses sociales s’alourdissaient ; et sans la croissance robuste des années 50 et 60, il n’était pas possible de les financer. L’empire a eu recours au crédit. Il n’a plus jamais enregistré de budget vraiment équilibré. Depuis la fin de l’administration Carter, les déficits ont augmenté année après année.
Lorsque l’équipe Reagan est arrivée au pouvoir au début des années 80, une féroce bataille a eu lieu au sujet des finances fédérales. Les conservateurs "à l’ancienne" — menés par David Stockman, le jeune directeur du Budget de Reagan — pensaient que le gouvernement était obligé d’équilibrer son budget. Les néo-conservateurs, eux, étaient plus au courant de l’humeur publique… et des miracles rendus possibles par l’augmentation du crédit. "Les déficits n’ont pas d’importance", déclara Dick Cheney. Les néos l’emportèrent. Stockman quitta l’administration pour rejoindre Wall Street. Les déficits se creusèrent à une vitesse vertigineuse. Et Stockman écrivit un bon livre, The Great Deformation ["La grande déformation", ndlr.], expliquant comment l’économie américaine avait été corrompue par ses principaux secteurs — le gouvernement, la sécurité et la finance.
Une fois arrivées les années 90, la combinaison entre un marché boursier en hausse, des taux d’intérêt en baisse, la fin de la Guerre froide et un certain découragement quant aux dépenses démocrates traditionnelles ont laissé au gouvernement Clinton des conditions très favorables — au point qu’ils ne pouvaient pas dépenser l’argent assez rapidement. Les revenus gouvernementaux étaient élevés. Les opportunités de dépenses étaient limitées. Il en résulta ce qu’on appelait un "budget équilibré" — si l’on ignorait le coût de la Sécurité sociale !
Mais c’est George W. Bush qui a vraiment ouvert les vannes de la machine à crédit. Plus de détails demain…