Elon Musk s’est fait connaître avec Paypal, SpaceX (les fusées qui reviennent atterrir sur leur base), puis Tesla (la construction de voitures électriques efficaces) et enfin Hyperloop (pour relier New York à Shanghai en 39 minutes).
Qui est cet entrepreneur iconoclaste de 47 ans qui ose créer des entreprises privées dans des domaines où personne ne s’était risqué auparavant – la conquête spatiale ou les énergies alternatives – ou face à des concurrents géants dans le cas de l’automobile. Un mégalomane ou un visionnaire ? Certains louent son esprit d’entreprise et le voient comme un héros randien, alors que d’autres anticipent sa déchéance et s’en réjouissent.
L’un des messages de la romancière Ayn Rand est celui-ci : « soyez fiers de votre réussite ». Ses héros ne sont pas motivés par l’argent seul. Ils ont une vision. Hank Rearden met dix ans à développer un nouvel alliage d’acier ultra-résistant. Dagny Taggart quitte un poste sécurisé à Taggart Transcontinental et travaille sans relâche pour développer une nouvelle ligne de chemin de fer, la ligne John Galt (La Grève, traduit de l’anglais par Sophie Bastide-Foltz, aux Belles lettres). Dans Source vive, l’architecte Howard Roark frise l’épuisement mortel mais refuse les compromissions de son milieu et entend imposer son style. L’argent pour ces personnages n’est pas une fin en soi, mais seulement un moyen.
Le héros randien est un visionnaire, un créatif mais aussi un rebelle, qui persévère dans la réalisation de ses valeurs, même si son indépendance entraîne un conflit avec la société dans laquelle il vit.
« En quittant PayPal, j’ai pensé : Quels sont les autres problèmes susceptibles d’affecter le plus l’avenir de l’humanité ? Et pas : Quelle est la meilleure façon de gagner de l’argent ? », résume Elon Musk à propose de ses propres choix de carrière. Ce qui fascine chez lui, c’est son projet humaniste : apporter à tout le monde des solutions de développement et de survie face aux défis posés par la pollution et l’épuisement des ressources fossiles. C’est également sa capacité géniale à réduire drastiquement les coûts de production. Par exemple, il divise par 100 le coût des lancements de fusée pour les mises en orbite, grâce à la récupération du premier étage de la fusée. Il reconnaît travailler 120 heures par semaine. En août 2017, sa fortune était estimée à 20 Mds$ par le magazine Forbes. On le qualifie parfois de « véritable Iron Man » et c’est sans aucun doute l’un des plus grands capitaines d’industrie du moment.
Mais depuis quelques mois, tout va mal. Dans une interview accordée cet été au New York Times, il est apparu pour la première fois fragilisé, fatigué, à la limite du « burn out ». Dans cet entretien au quotidien américain, il confesse : « L’année écoulée a été la plus difficile et la plus douloureuse de ma carrière […] C’était atroce ». Des fusées SpaceX ont explosé et, en mai dernier, un conducteur a été tué dans une Tesla à conduite automatique. Il est par ailleurs soupçonné de fraude par la SEC et l’action Tesla s’est effondré à Wall Street. Alors en fait-il trop ? A-t-il surestimé ses capacités ? Est-ce la fin du rêve ?
À gauche on le qualifie de valet du capitalisme et de milliardaire arrogant. Bon nombre de libéraux diraient qu’il incarne un mauvais capitalisme de copinage apanage de la droite. En effet, ses entreprises seraient en faillite sans sa capacité à capter habilement les subventions vertes, les prêts bon marché et les contrats gouvernementaux (la NASA).
Les choses sont moins simples qu’il n’y parait. La volonté de Musk a toujours été claire : introduire une concurrence et une innovation saines sur le marché du transport, face à un monopole inefficace, soutenu par le gouvernement. Mais le vol spatial est coûteux et la rentabilité à court terme d’une telle entreprise est trop faible pour attirer des capitaux importants et suffisants. Comme dans le cas de Tesla et de Tesla Energy, rivaliser efficacement avec de gros concurrents installés suppose également la capacité et la volonté de tirer parti des subventions gouvernementales. Selon Musk, le seul moyen d’accélérer ses projets éventuels de colonisation de Mars est de s’engager dans un partenariat public-privé avec la NASA et, à terme, de supprimer le monopole de cette dernière.
Bien entendu, ces subventions publiques ne sont pas acceptables sur un marché libre, qui fonctionne avec des prix naturels, censés refléter l’offre et la demande. Pour éviter toute confusion quant à ma position, je ne soutiens pas l’octroi de subventions à des entreprises privées. Mais nous ne vivons pas dans un marché libre. On peut le déplorer mais on sait que des milliards de dollars de subventions sont versées chaque année aux entreprises.
Or le dénominateur commun des entreprises de Musk, que ce soit dans la production et le stockage d’électricité, les transports et la colonisation de l’espace, c’est de concurrencer des industries déjà monopolisées par le gouvernement et de mettre fin à ces monopoles.
Les subventions sont un effet pervers de l’ampleur et de la lourdeur du gouvernement. Mais si le seul moyen de perturber les monopoles en place dans ces types d’industries, les ouvrant ainsi à une concurrence accrue, est de profiter des crédits d’impôt et des subventions qui, pour être clair, existent déjà, n’est-ce pas un moindre mal ? L’idéal serait une course à l’espace fondée sur la libre entreprise ou une vraie concurrence sur le marché des énergies alternatives. Elon Musk n’a jamais prétendu être un héros randien luttant contre l’interventionnisme de l’État. C’est un homme d’affaires pragmatique et avisé qui ouvre des perspectives pour l’avenir.
Si Musk peut contribuer à introduire une concurrence dans des industries approuvées et monopolisées par le gouvernement, avec ou sans subventions, n’est-ce pas déjà une amélioration par rapport au statu quo ?