Taux d’intérêts, iPhones et « biens fondateurs » : une démonstration que l’économie ne peut être contrôlée – simplement observée.
Selon G.K. Chesterton, un fou est une personne à qui il ne reste plus rien d’autre que le pouvoir de raisonner.
Les fous ont réponse à tout. Comme Mme Elizabeth Warren, ils ont « un plan pour ça ». Ce sont ces plans… et leur provenance… que nous examinons aujourd’hui.
Un grand bond en avant
Nous avons vu ces derniers jours qu’être en mesure de produire de vastes quantités d’acier et de pétrole n’a pas enrichi les Soviétiques. Nous avons également vu que pouvoir acheter de l’acier bon marché (ainsi que 49 autres « biens fondateurs ») ne rend pas l’Américain moyen plus riche.
Les économistes Gale Pooley et Marian Tupy affirment que les innovations et les inventions de ces 40 dernières années ont réduit le coût de 50 biens fondateurs – en termes d’heures de travail nécessaires pour les payer – de 64%. Ils saluent cela comme un grand bond en avant pour l’humanité.
Sauf qu’ils basent leurs calculs sur des moyennes « planétaires ». Les principaux gains se sont produits en Chine où, en 1980, l’économie était encore communiste, avec des salaires réels se montant à seulement quelques centaines de dollars par an. A présent, le Chinois moyen gagne environ 15 000 $ par an – la croissance économique la plus spectaculaire de l’histoire des bipèdes.
Aux Etats-Unis, les salaires stagnent. Comme nous l’avons vu hier, le travailleur américain est en fait en moins bonne position, par de nombreux aspects, que dans les années 70.
Richesse réelle et iPhones
Les actions représentent de la richesse réelle. En 1969, un Américain moyen pouvait travailler 225 heures et gagner assez pour acheter les actions des 30 entreprises du Dow. Aujourd’hui, il lui faut travailler 1 125 heures.
La seule richesse qui compte est relative, non absolue. Comparé à une bonne partie du reste du monde… et à ses propres élites… l’Américain moyen s’est appauvri.
Pooley et Tupy insistent néanmoins : selon eux, le prolétariat américain s’en tire mieux. Il a moins de capital. Il a moins de temps. Mais il a un iPhone ! Gale Pooley :
« Lorsqu’Apple a présenté la première version en 2007 à 500 $, la rémunération horaire d’un ouvrier était de 25,07 $. Cela met le prix/temps de l’iPhone à 19,94 heures, ou 1 196 minutes.
L’iPhone coûte 1 000 $ et est 120 fois plus puissant [selon mes calculs approximatifs de l’augmentation du nombre de transistors dans son unité centrale de traitement, George Gilder], ce qui signifie que le prix comparable est en fait de 8,33 $ (1 000 $ ÷ 12). Le salaire horaire ouvrier actuel est d’environ 32,06 $. Le prix/temps d’aujourd’hui est de 0,26 heures ou 16 minutes environ.
Le prix/temps a diminué de 98,%. Le temps exigé pour acheter un seul iPhone en 2007 vous permettrait d’en acheter près de 75 aujourd’hui. »
En 1980, les iPhones n’existaient pas. A présent, nous avons tous, directement sous la main, des appels téléphoniques, des banalités, des distractions et du porno – 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Chaque modèle est plus puissant que le précédent. Nous avons aussi Facebook… Tesla (qui perd de l’argent)… Uber (qui perd de l’argent)… WeWork (qui perd de l’argent)…
Ce ne sont pas les seules choses qui sont nouvelles et… à en juger par les préférences des consommateurs… meilleures. Au lieu de jeans pattes d’eph’, nous avons des jeans skinny. Au lieu d’écouter Sinatra, nous sommes passés à Justin Bieber.
Puits de ténèbres
Est-ce que nous nous en trouvons mieux ? Pooley, Tupy et le Bureau américain des statistiques de l’emploi pensent que oui. Et ici à la Chronique ? Non.
Non seulement ça, mais Pooley, Tupy & co. poursuivent leur raisonnement par une extraordinaire affirmation. Considérant ce pullulement de progrès, disent-ils, les épargnants devraient être ravis de prêter à des taux négatifs.
Lorsque nous avons vu cela pour la première fois, nous en avons eu le souffle coupé. Dans quel puits de ténèbres ces malheureux universitaires se sont-ils égarés, nous sommes-nous demandé. Voici ce qu’a dit M. Pooley :
« L’une des premières équations que l’on apprend en économie est la suivante :
Taux d’intérêt nominal = taux d’intérêt réel + inflation
Si nous supposons que le taux d’intérêt réel est de 3% et que nous avons une inflation de 3%, le taux nominal devrait alors être de 6%.
Mais si nous avons de l’inflation négative ou de la déflation ?
Si le taux réel est de 3% et que nous avons 3% de déflation, le taux nominal pourrait être de zéro.
Si le taux réel est de 3% et que nous avons 6% de déflation, le taux nominal serait de moins 3%.
Le problème, c’est que les gens mesurent mal l’inflation. Ils essaient d’utiliser l’argent pour mesurer l’argent. Ils devraient utiliser le prix/temps.
Depuis 1980, en moyenne, le prix/temps pour nos 50 biens fondateurs chute d’environ 3,4% par an. Si le taux réel est de 3,4%, alors le taux nominal devrait être de zéro.
Des taux d’intérêt nominaux négatifs pourraient être parfaitement rationnels. »
Oh là là… Pooley/Tupy affirment que leurs signaux de prix chutent de 3,4% par an depuis l’administration Reagan. Nous présumons – dans la mesure où les taux de croissance sont plus bas aujourd’hui que par le passé – que les prix de ces biens fondateurs chutaient encore plus rapidement autrefois… depuis le début de la Révolution industrielle.
On peut imaginer par exemple à quelle vitesse les prix du blé ont décliné lorsque les fermiers du Kansas ont remplacé les chevaux par des tracteurs et des moissonneuses-batteuses. On peut également imaginer que le prix de l’acier a dû considérablement dégringoler après qu’Andrew Carnegie a installé le premier convertisseur Bessemer sur les rives de la rivière Monongahela, en Pennsylvanie, dans les années 1880.
Mais pas une seule fois, sur toute cette période – plus de 150 ans – les prêteurs n’ont-ils prêté à taux négatifs.
Pourquoi pas ? La réponse est évidente : il n’y a pas de lien nécessaire entre les taux d’intérêt et les moyennes planétaires des prix de 50 biens fondateurs.
Les taux ne sont pas rationnels
Les taux d’intérêts signalent le point où les prêteurs et les emprunteurs se rejoignent. Ils ne sont jamais « rationnels ». Ils évoluent… ils sont découverts, non fabriqués. On ne peut pas plus « raisonner » jusqu’à atteindre le bon taux d’intérêt qu’on ne peut réfléchir à tomber amoureux… ou avoir une appendicite. Cela arrive, peu importe ce qu’on en pense.
Fut un temps où les économistes en étaient conscients. Ils passaient leur temps à observer l’économie – comme un naturaliste peut observer une ruche, juste pour voir comment elle fonctionne. Ensuite, l’attrait du pouvoir et de l’argent l’a emporté.
Ils ont donc commencé à imaginer qu’ils pouvaient non pas simplement observer – mais contrôler. Après tout, une économie est une chose rationnelle, ont-ils dit. Ils pouvaient utiliser l’hémisphère gauche de leur cerveau pour faire en sorte que l’économie fonctionne, eh bien, de manière plus rationnelle.
Les résultats à ce jour ? Toujours nocifs… parfois amusants… occasionnellement désastreux.