La Chronique Agora

L’économie nippone plonge dans un trou noir, la hausse du Nikkei devient Interstellar

▪ Alors qu’Alibaba surfe sur un concept consumériste qui fait fureur en Chine — la journée des cyber-soldes du 11/11 (le 1 étant le chiffre qui symbolise les célibataires, de plus en plus nombreux pour cause de manque de femmes dans le pays) –, Tokyo pourrait instituer la journée du "zéro conso", sorte de journée de recueillement consacrée à se remémorer la belle époque (de plus en plus lointaine) où les Japonais avaient les moyens de dépenser de l’argent.

Au besoin, et au fur et à mesure de la paupérisation de la population nippone (des seniors en particulier), cette journée de salutaire abstinence pourrait être rendue trimestrielle. Et si la crise continuait de s’aggraver grâce aux Abenomics, le Japon pourrait passer à un rythme mensuel.

Ce serait vraiment apaisant pour une majorité de retraités qui, une fois par mois, se sentiraient pleinement égaux durant 24 heures… Egaux par rapport à ceux qui ont un travail et un portefeuille boursier et sont les seuls à s’en sortir financièrement.

Le pouvoir d’achat des Japonais dégringole bien à un rythme très nettement supérieur à 2% par an depuis deux ans

Car même si les statistiques officielles déplorent que l’inflation échoue obstinément à rejoindre l’objectif des 2%, le pouvoir d’achat des Japonais dégringole bien à un rythme très nettement supérieur à 2% par an depuis deux ans (on fêtera en fin de mois le second anniversaire du coup d’envoi officiel des "Abenomics").

La désintégration du pouvoir d’achat serait à rapprocher de la chute moyenne de la consommation au cours des trois derniers mois (-5% en moyenne) — puisque par souci de ne pas biaiser la démonstration, j’exclurai les chiffres catastrophique d’avril/mai/juin dernier.

Vous souvenez-vous de la charmante jeune femme assise à côté de vous ce matin ?

En effet, alors qu'elle semblait concentrée sur son téléphone, elle vous a dérobé de l'argent… sans même plonger la main dans votre poche ! Votre portefeuille est toujours à sa place et votre carte bancaire n'a pas bougé… mais votre argent lui, a bel et bien disparu…

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C’est là que je me suis entendu objecter sur BFM que j’oubliais de tenir compte de l’enrichissement des épargnants nippons depuis que Shinzo Abe et Akira Kuroda (le gouverneur de la Banque du Japon) ont commencé à orchestrer l’envolée artificielle de la bourse de Tokyo et des émissions du Trésor à coup de kilotonnes de billets de MonopolYen (la devise nippone a chuté de 13% contre le dollar en six mois).

Et comme je ne devrais pas l’ignorer, les Japonais sont de véritables fourmis, des épargnants compulsifs… C’est à tel point que la planète (financière) entière sait qu’ils sont en mesure d’absorber tout le papier émis par le gouvernement — pour peu que la banque centrale continue de leur donner un petit coup de main, ce qu’elle a bien l’intention de continuer à faire, dusse-t-elle rajouter 20 milliards de dollars par mois.

▪ Pas si "petit", le coup de main…

Comme vous le pressentiez sans doute, j’ai une petite divergence d’appréciation sur la taille du "petit coup de main" et cela ne date pas d’hier. La pyramide des âges qui trahit un vieillissement accéléré de la population nippone a commencé à déséquilibrer le régime des retraites il y a près d’une décennie.

Avec le vieillissement se rajoute un autre phénomène qui aggrave le processus déflationniste : même si les "anciens" touchaient une retraite dorée (c’est loin d’être le cas, une majorité de seniors touchent des pensions de misère), ils auraient de toute façon une tendance naturelle à moins dépenser et mener une existence plus frugale.

En l’occurrence, ils y sont contraints par la force des choses… et cela contamine les comportements des générations plus jeunes. Voyant ce qui arrive à leurs ainés, les "quadras" des classes moyennes réfrènent leurs appétits de grosses dépenses (immobilier, automobile, voyages) au lieu de profiter du sommet de leur carrière pour se lâcher un peu.

Avec la chute de la consommation, les recettes de TVA manquent à l’appel. Se fiant à des théories économiques postulant la relative incompressibilité de la demande qui semblaient avoir fait leur preuve, Shinzo Abe a rajouté 2% — en principe quasi-indolores — début avril 2014, portant le taux de 5% à 8% (lequel devait être augmenté à 10% dans un an, soit un doublement en 18 mois).

Mais combiné à la hausse des carburants et des denrées alimentaires (le Japon subit sa première pénurie de beurre depuis 50 ans et doit importer massivement), la hausse de la TVA a des effets dévastateurs imprévus.

Les ruraux sont même carrément contraints de se priver et de se tourner vers des activités vivrières

Les consommateurs nippons, sauf la frange la plus aisée, se restreignent sur tout. Les ruraux sont même carrément contraints de se priver et de se tourner vers des activités vivrières, retrouvant un mode de vie comparable à l’avant-Seconde Guerre mondiale ; la seule différence réside dans l’âge moyen, qui a beaucoup augmenté… et cela ne va pas s’arranger.

Face à la multiplication des signaux récessionnistes et même déflationnistes — en dépit de la flambée de la bourse de Tokyo qui engendre un effet richesse nul –, Shinzo Abe pourrait décider de repousser la prochaine hausse de TVA programmée pour octobre 2015 à la mi-2017.

Une anticipation qui a déclenché un nouveau vent d’euphorie à Tokyo mardi, propulsant le Nikkei au-delà des 17 400 points (ce mercredi dès l’ouverture) pour la première fois depuis juillet 2007.

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