La Chronique Agora

Le dragon de Komodo de Washington D.C.

Départ de Victoria Nuland : au revoir et bon débarras !

Au plaisir Victoria ! Et bon débarras.

Nous avons regardé une partie du discours sur l’état de l’Union, jeudi soir. M. Biden est un homme politique professionnel, avec plus de 50 ans d’expérience de campagnes. Jeudi soir, il avait l’air d’être ce qu’il est : un pro, qui a pris de l’âge.

Même avec le téléprompteur sous les yeux, certaines choses qu’il a dites n’avaient pas de sens. Il a décrit le succès de son plan de sauvetage des Etats-Unis, pour ensuite dire que « tous les Américains avaient voté contre ». Et certaines choses étaient simplement malhonnêtes. Son gouvernement a fourni les armes et a approuvé les massacres à Gaza. A présent, lui et la vice-présidente Kamala Harris tentent de se placer du côté des anges, en tant que défenseurs des vies palestiniennes.

Biden a entamé son discours, donné à une foule de « crétins » qui l’acclamaient lors d’une session conjointe du Congrès, avec pour phrase d’ouverture : « Si j’étais intelligent, je rentrerais à la maison tout de suite. »

Et il aurait eu raison, mais il n’est pas assez intelligent pour le faire.

Du sang et de la misère

Aujourd’hui, nous parlons de personnes plus intelligentes, plus rusées et plus dangereuses que Biden lui-même… les personnes qui dirigent le gouvernement.

La semaine dernière, c’est Victoria Nuland qui a fait l’actualité. Elle est tombée de la « falaise de verre » au département d’Etat. Elle ira probablement travailler dans une autre branche du Deep State. Un groupe de réflexion, très probablement. Un groupe financé par les « fournisseurs de défense », sans aucun doute.

Mme Nuland est l’épouse de Robert Kagan. Tous deux forment un « couple de pouvoir néoconservateur », un couple de grands patrons qui se mêlent de tout, répandant le trésor, le sang et la misère partout où ils vont. Et ils le font au nom de (quoi d’autre ?) la démocratie.

Mme Nuland était une spécialiste de la politique étrangère, et plus tard conseillère des Clinton, de l’équipe Bush, d’Obama et de Biden. Le seul président récent qu’elle n’a pas conseillé est Trump, en grande partie parce que son mari avait affiché si publiquement son dégoût pour Donald Trump que sa femme était persona non grata.

Le problème pour M. Kagan était que Trump n’était pas assez sanguinaire ; il a apporté son soutien à la belliciste la plus fiable, Hillary Clinton.

Non pas que cela ait une quelconque importance. Républicains, démocrates, etc. Cela ne fait aucune différence pour Kagan ou sa femme.

Mme Nuland, elle aussi, est une pro. Quel que soit l’élu du peuple, c’est elle qui était la plus importante et la plus responsable. Les « Swamp Critters » [NDLR : émission télévisée musicale pour enfant, mettant en scène des animaux) régnaient, et elle était le dragon de komodo de Foggy Bottom, plus ancien quartier de Washington D.C. En outre, le nouveau président confondrait la région du Donetsk avec les Donuts. Mme Nuland le guiderait.

Tout comme Hunter Biden, Victoria avait une estime particulière pour l’Ukraine. Sa famille est originaire de ce pays. Elle parle russe et a étudié Tolstoi, Pouchkine et Dostoïevski à l’université. Elle a surtout une affinité particulière – comme Madeleine Albright, dont elle a suivi les terribles traces – pour l’industrie de l’armement, qu’elle et son mari considèrent comme la source de leur richesse, de leur pouvoir, de leur statut… et d’un monde meilleur pour tous.

Les bellicistes professionnels

Certaines personnes aiment la guerre. En tant que reliques de l’Ancien Testament, Dieu doit leur parler directement. Il leur dit qu’ils peuvent s’en sortir en commettant des meurtres en son nom. Robert Kagan soutenait, juste avant l’invasion de l’Irak, que la guerre faisait partie du caractère et de la tradition des Etats-Unis. Contrairement aux Français et aux Allemands, dont il méprisait les solutions diplomatiques : « les Américains viennent de Mars, les Européens de Vénus », écrivait-il.

Toute société doit avoir ses incompétents et ses psychopathes. Le véritable objectif d’un gouvernement digne de ce nom est de les tenir à l’écart du pouvoir. Au lieu de cela, dans les Etats-Unis d’aujourd’hui, ils sont invités à entrer. Puis, comme un joueur chargé de la trésorerie de l’église, ce n’est qu’une question de temps avant que l’argent ne disparaisse.

Mme Nuland a mené une vie privilégiée. Elle a fréquenté l’école très privée Choate, dont les frais de scolarité s’élèvent actuellement à 67 000 dollars, y compris le gîte et le couvert, nous supposons. De là, elle est entrée à l’université Brown et s’est ensuite glissée facilement dans le milieu de la politique étrangère américaine.

Sa carrière de porte-parole de l’industrie de l’armement a probablement commencé dans les années 1990, lorsqu’elle a travaillé avec Strobe Talbot au sein de l’administration Clinton. Strobe, comme Nuland, est allé dans une école privée du Connecticut, puis à Yale et est devenu un « expert de la Russie » (par coïncidence, il était à Oxford – avec Robert Reich, Bill Clinton et notre vieil ami, Jim Davidson… dont nous avons tiré de nombreuses informations utiles).

En 1999, les électeurs ont demandé un changement, quelque chose de nouveau. Ils ont choisi George W. Bush plutôt que le vice-président de Clinton, Al Gore. Bush avait promis une politique étrangère plus « modeste ». Mais ce que les électeurs ont obtenu, c’est davantage de Mme Nuland.

Il n’y a que deux questions clés dans un gouvernement : comment il collecte et dépense son argent… et contre qui il part en guerre. Tout le reste n’est qu’une note de bas de page. Mais sur ces deux questions importantes, les électeurs américains n’ont pratiquement pas leur mot à dire.

La politique étrangère est déterminée par l’establishment de la politique étrangère, qui travaille main dans la main avec le reste des laquais de l’industrie de la puissance de feu – la presse, les universités, le Congrès et la bureaucratie.

L’agenda de Victoria

Mme Nuland était en poste dans l’équipe Bush depuis quelques mois seulement lorsque les tours jumelles se sont effondrées, le 11 septembre. Quelle chance ! C’était l’occasion rêvée pour les bellicistes de se mettre en valeur. L’industrie de l’armement avait des armes à profusion. Et comme l’a dit Mme Albright, à quoi serviraient-elles si nous ne pouvions pas les utiliser ?

Mais contre qui ? Les auteurs des attentats du 11 septembre étaient tous morts. Leurs complices présumés étaient rassemblés… pour des séances de torture. Où était l’ennemi digne de ce nom ? Mme Nuland était sur le coup. Elle, son mari et son beau-frère ont aidé l’équipe Bush à se lancer dans le premier et le plus grand fiasco du XXIe siècle : l’attaque de l’Irak.

Tout le monde sait aujourd’hui que cette guerre était basée sur un mensonge et qu’elle a été un véritable désastre. On pourrait donc penser qu’une telle erreur – 2 500 milliards de dollars jetés par les fenêtres… 1 million de morts – mettrait un frein à votre carrière. Dans la Grèce antique, ceux qui proposaient des guerres qui tournaient mal étaient exécutés. Les commandants romains qui n’avaient pas réussi, avec un certain sens de la dignité, « tombaient sur leurs épées ». Plus récemment, des généraux japonais ayant échoué se sont suicidés dans le cadre d’un rituel macabre… en s’emparant de leurs propres intestins jusqu’à ce qu’ils se vident de leur sang et que mort s’en suive.

Mais dans le Deep State américain, un dirigeant qui a échoué peut s’attendre à une promotion. Rapidement, Mme Nuland a conseillé Barack Obama. Ce dernier ne voulait pas que les Etats-Unis s’engagent dans une guerre avec la Russie. Mais c’est exactement ce qui était à l’ordre du jour de Victoria. Elle a participé à la révolution de Maïdan, en remplaçant le dirigeant élu de l’Ukraine par des valets plus favorables aux Etats-Unis. Elle a ensuite bloqué les efforts diplomatiques, mettant Vladimir Poutine au pied du mur. Le résultat a été la guerre.

Mais aujourd’hui, après une offensive estivale malavisée encouragée par les Etats-Unis, « nous » sommes en train de perdre cette guerre également. Et le Deep State de la caste politique étrangère est en train de jeter Nuland du haut de la falaise. Il est fort probable qu’ils veuillent l’écarter afin de pouvoir conclure un accord avec la Russie… et passer à la prochaine débâcle.

Quelle que soit la cause réelle de son départ, c’est un soulagement de ne plus la voir figurer sur la liste des employés fédéraux.

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