La Chronique Agora

Le Dow Jones grimpe… mais où est la croissance du PIB qui le soutient ?

richesse

▪ Le Dow a perdu du terrain en ce début de semaine – 179 points pour être exact. Voyons voir… pour simplifier le calcul, ça fait environ 1% de la valeur boursière totale de l’indice… cette dernière étant d’environ 17 000 milliards de dollars. On a donc vu disparaître 170 milliards de dollars de "richesse".

Il est trop tôt pour annoncer la fin de la hausse… mais nous n’aimerions pas être assis sur la plus haute branche de cet arbre. Plus on grimpe, plus le perchoir est dangereux. De là où nous nous tenons, au sol, ça fait peur. Il y a déjà trop de gens dans l’arbre… tous comptant sur une météo calme et ensoleillée… et une nouvelle saison de croissance pour leur argent.

Ce serait bien dommage si l’arbre venait à tomber !

Tout le monde investit en actions en espérant "battre le marché". Mais tout le monde est le marché. Seules quelques exceptions font mieux — généralement par accident. Bien sûr, l’an dernier, les actionnaires se contentaient de suivre le marché. Il n’était pas nécessaire de faire mieux. Comme nous l’avons dit, les riches ont vu leur fortune augmenter de 3 700 milliards de dollars l’an dernier. Une bonne partie de cette somme provenait du marché boursier, qui a atteint de nouveaux records. Les investisseurs espèrent une redite en 2014. Même si les actions ne font que moitié aussi bien, se disent-ils, ce sera quand même un gain impressionnant.

Nous avons quelques questions : contre qui gagnent-ils du terrain ? A qui prennent-ils le butin ? Ou, pour dire les choses autrement, qui se trouve de l’autre côté de la transaction ?

L’économie américaine dans son ensemble a grimpé au taux de 2%. Il y avait donc un total d’environ 340 milliards de dollars de vraie richesse supplémentaire à se partager. Comment était-il possible que les actionnaires encaissent 10 fois plus que la valeur créée par l’économie ?

▪ Attendez ! Le mystère s’épaissit !
Depuis le plus gros du krach, en 2009, la richesse des ménages américains a grimpé de 21 000 milliards de dollars. En gros, elle est passée de 50 000 milliards à 71 000 milliards de dollars. Sur cette même période, le revenu réel du ménage moyen a chuté. Les salaires ont baissé. Et la valeur nette de la famille moyenne a également baissé. Les taux de croissance ont décliné. Et, comme proportion de la population, le nombre d’Américains ayant un emploi a lui aussi décru.

Regardez un graphique du PIB US réel : vous verrez qu’il n’est que 6% plus élevé qu’en 2007. La richesse des ménages a donc grimpé près de 20 fois plus vite que le PIB depuis 2009. Comment est-ce possible ?

La Bernanke Team essayait de faire grimper les prix. Elle a réussi. L’"effet richesse" a rapporté 21 000 milliards de dollars supplémentaires au bilan des Etats-Unis. C’était censé augmenter la demande… ce qui mènerait à plus de dépenses et d’investissement.

La Loi de Say nous dit qu’il faut produire avant de consommer (plus ou moins). Mais là, nous avons environ 20 000 milliards de dollars de "pouvoir de dépense" supplémentaire semblant venir de nulle part. Comment était-ce possible ?

La richesse est soit physique… comme lorsqu’on possède une grande maison ou un tableau de Modigliani, par exemple… soit papier. Aujourd’hui, il y a de nouveaux titres adossés à 21 000 milliards de dollars de production réelle et de richesse réelle. S’il n’y a pas d’augmentation de la richesse réelle, cet argent ne fait que concourir pour les mêmes biens et services qui étaient déjà valorisés 50 000 milliards de dollars il y a cinq ans. On n’est pas un sou plus riche, en d’autres termes.

Tous les actifs papier sont des titres adossés à de vrais biens et services. On ne peut pas obtenir plus de biens et de services que l’économie ne peut en produire. Dans la mesure où l’économie de 2008-2013 n’a produit qu’une fraction de la richesse réelle sur laquelle sont adossés ces titres, ces derniers vont devoir être appliqués à la production future.

Alors, quand l’économie produira-t-elle 21 000 milliards de dollars de nouvelle richesse pour qu’on puisse solder ces nouveaux titres ? Voyons voir :

"… l’avenir semble paresseux", écrit l’économiste Martin Wolf dans le Financial Times. Il rejoint Larry Summers, qui affirme que la croissance US est enlisée et ne sortira pas de sitôt des sables mouvants.

"Depuis le début de ce siècle", écrit Summers, "la croissance annuelle du PIB a atteint en moyenne moins de 1,8%".

Hmm… cela fait environ 300 milliards de dollars. Combien de temps faut-il attendre — à 300 milliards par an — pour couvrir 21 000 milliards de titres ? Réponse : 70 ans !

Voilà qui n’a pas la moindre chance de se produire, n’est-ce pas ? Ces titres auront été décotés et passés en pertes et profits bien avant que 2084 n’arrive.

En d’autres termes, la richesse additionnelle est en majeure partie un mirage.

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