La Chronique Agora

Donald Trump et les illusions

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« L’Allemagne, c’est un désastre, actuellement », a dit Donald Trump.

Beaucoup d’Européens seraient d’accord avec lui. La politique de « portes ouvertes » de la chancelière Angela Merkel vis-à-vis des réfugiés engendre un mécontentement généralisé.

Sa position politique « s’affaiblit », dit le Financial Times.

Pourquoi ?

Parce qu’elle représente un autre âge. Autrefois la dirigeante la plus populaire d’Europe, voire du monde, Mme Merkel est désormais la Dame pour qui le Temps s’est Arrêté. Un anachronisme d’une époque plus optimiste, quand les gens croyaient au libre-échange, à la démocratie et à la prospérité toujours croissante.

L’esprit des temps a changé. Mme Merkel est démodée et en porte-à-faux. En Grande-Bretagne, en France, aux Pays-Bas, en Slovaquie, en Hongrie et aux Etats-Unis, les candidats obtenant le plus de soutien sont ceux qui poussent à la fermeture des frontières, à la restriction du commerce et qui cherchent à se protéger de tout ce qui est menaçant, différent ou nouveau.

Oublié, le libre-échange ! Oubliée, la liberté de voyager ! Il faut mettre fin à l’immigration… surtout des musulmans ! Construisez un mur ! Torturez vos ennemis !

Le destin des empires

Terminé, le courageux optimisme des années 80… et la corruption arrogante des années 90.

Aujourd’hui, nous sommes tous vieux, fatigués, craintifs, couards et grognons

Aujourd’hui, nous sommes tous vieux, fatigués, craintifs, couards et grognons. Nous voulons un « homme fort » pour nous protéger — quelqu’un qui promette de nous reprendre… de nous rendre à nouveau forts… de nous rendre à nouveau jeunes.

En ce qui nous concerne, à la Chronique, nous ne croyons pas à la théorie du « Grand Homme ».

Regardez de plus près les grands hommes de l’histoire… et ils ne semblent plus si grands. Ils ont autant de défauts que le reste d’entre nous — trébuchant d’une victoire à un désastre, avec une idée très limitée de ce qu’ils sont vraiment en train de faire ou du rôle qu’ils jouent dans l’histoire.

Mais la démocratie doit trouver un dirigeant pour exprimer son âme. A son propre insu, il guide la nation dans la direction qu’elle prenait quoi qu’il arrive. Puis, ignorant ses propres limites, il va trop loin.

Marcus Licinius Crassus (l’homme le plus riche de l’histoire romaine) attaqua les Parthes… et périt à Carrhes. Napoléon avait l’Europe à ses pieds… et envahit la Russie. Le Japon prit l’Asie du sud-est… et bombarda Pearl Harbour.

Tous, nous inspirons et expirons. Les économies. Les marchés. Les sociétés et les êtres humains. A présent, après au moins une génération de mondialisation, d’expansion impériale et d’argent facile, le monde est prêt à exhaler.

Peut-être que Trump est en train d’accomplir le destin de l’empire américain, l’aidant à se débarrasser de promesses qui ne peuvent être tenues, de folies qui ne peuvent être financées et d’engagements qui n’auraient jamais dû être pris.

Un papillon sur le mur

Nous avons mis du temps à comprendre « The Donald ». Nous l’avons étudié, nous avons lu ses livres, nous l’avons écouté parler.

Il n’est pas conservateur… mais il est le choix des conservateurs.

Il n’est pas religieux… mais il obtient les voix des chrétiens « régénérés » (born-again Christians).

Il n’a de républicain que le nom… mais les républicains ont fait de lui leur porte-drapeau.

Allez comprendre.

Nous pensons l’avoir compris… et nous l’avons désormais sous les yeux — comme un papillon épinglé sur un mur.

En France, en Grande-Bretagne, au Japon… et dans une moindre mesure aux Etats-Unis… les populations vieillissent

En France, en Grande-Bretagne, au Japon… et dans une moindre mesure aux Etats-Unis… les populations vieillissent. Elles ne veulent pas plus ; elles veulent seulement garder les privilèges et les avantages qu’elles pensent avoir gagnés.

Certains de ces avantages sont purement monétaires, d’autres non. Les retraites doivent être protégées. Les médicaments doivent être abordables. Les frontières doivent être renforcées. Demain doit être maintenu à sa place — c’est-à-dire dans le futur.

Qui peut être acheté ?

On a appris mardi que « les prix des médicaments ont doublé en cinq ans aux Etats-Unis ».

Comment est-ce que ça a pu se produire ?

Aucun électeur n’y réfléchira trop longtemps… pas plus qu’il ne fera le lien avec la cause réelle : le contrôle des secteurs de la pharmacie et des services médicaux par les initiés.

Il préférera chercher quelqu’un à blâmer… et quelqu’un d’assez fort pour réparer la situation.

Mme Clinton a rapidement réagi. Qualifiant les prix agressifs pratiqués par le fabricant Valeant de « prédateurs », elle a ajouté : « je vais m’occuper d’eux ».

Sauf que les électeurs savent qu’Hillary fait des arrangements avec tout le monde : la finance, les renseignements, l’armée, les Big Pharma — si ça lui fait gagner de l’argent ou du pouvoir. Ils savent qu’elle se laissera acheter.

Des gens comme Donald Trump, en revanche, semble être incorruptibles. Il a déjà assez d’argent. Et son style de discours « franc et sans détours » laisse entendre qu’il sera tout aussi droit dans ses actions.

Lorsqu’il s’exprime, les électeurs croient qu’il est sérieux.

L’électeur moyen n’a aucun moyen de savoir ce qui se passe. Il est comme une bille ricochant dans un flipper

La fin de la croissance

L’électeur moyen n’a aucun moyen de savoir ce qui se passe. Il est comme une bille ricochant dans un flipper.

Lorsqu’il est heurté par une contraction économique… il se réduit lui aussi. Nous en venons tous à penser ce que nous devons penser quand nous devons le penser. Et lorsqu’il est temps de couler, nous sommes prêts à nous noyer.

Aux Etats-Unis, les revenus médians sont plus bas aujourd’hui qu’il y a 10 ans.

Dans son livre The Rise and Fall of American Growth [« Grandeur et déclin de la croissance américaine », ndlr.], l’économiste Robert Gordon affirme que c’est terminé. La poussée de croissance entamée en 1870 a pris fin. Elle ne peut être répétée.

Ce n’est pas uniquement une question d’argent. L’humeur a changé. Le système du crédit n’en est qu’une partie.

Partout, les gens veulent ce qu’ils ont perdu : une économie en développement, des salaires en augmentation… des cheveux qui repoussent !

Abandonner leur liberté… et leur dignité… pour l’obtenir ?

Cela leur semble un prix bien bas à payer !

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