▪ Distribuer et faire semblant. C’est ainsi que les autorités américaines gèrent la crise. Elles distribuent du crédit et des liquidités à ceux qui ne les méritent pas. Puis elles font semblant que tout va bien.
Mais les problèmes ne disparaissent pas. Ils ne font que se prolonger. Il suffit de voir ce qui se passe sur le marché immobilier US.
Les ventes de juillet ont établi un nouveau plus bas record. Pourquoi ? Parce que les autorités ont encouragé les gens à acheter plus tôt — grâce à des encouragements en espèces par le biais de crédits d’impôts. Pendant un temps, le secteur immobilier a semblé se reprendre. Mais les véritables problèmes ont-ils été résolus ?
Pas du tout.
Près de 15% de tous les prêts hypothécaires américains sont soit en retard de paiement soit en cours de saisie. Et près d’une maison hypothéquée sur quatre est sous l’eau.
Lorsqu’une maison passe "sous l’eau" — c’est-à-dire lorsque sa valeur marchande est inférieure à celle de son prêt — le propriétaire passe par les phases habituelles d’incrédulité, de déni, de défaite et finalement de désespoir. S’il perd son emploi ou s’il divorce, les choses s’accélèrent. Quoi qu’il arrive, ça se termine toujours de la même manière : il veut désespérément remonter à la surface pour pouvoir respirer. Cela prend du temps. C’est douloureux. Mais plus le marché de l’immobilier met du temps à se remettre, plus ces gens sont nombreux à abandonner et faire défaut sur le paiement de leurs prêts.
Le système financier américain détient encore des centaines de milliards de dollars de dette hypothécaire qui ne sera pas remboursée. Qui absorbera ces pertes ?
Les autorités ont déjà été claires : ce ne sera pas les grandes banques. Elles ont donné du cash et du crédit à ces banques en faisant semblant que tout allait bien. La Fed elle-même a déjà acheté une bonne partie des créances hypothécaires pourries des grandes banques ; elle les détient dans ses coffres et les appelle des "actifs". Le gouvernement américain a quant à lui nationalisé les prêteurs les plus gros, les plus imprudents et les plus irresponsables — Fannie Mae et Freddie Mac. Le contribuable encaisse donc désormais les pertes — même s’il n’a jamais acheté de maison… et n’a jamais investi un centime dans le secteur immobilier.
Et on ne parle là que du secteur de l’immobilier résidentiel — pas des prêts commerciaux. Dans l’ensemble, le problème est toujours gigantesque… et toujours là…
… et si les prix de l’immobilier chutent — ce qui ne manquera sans doute pas de se produire lorsque ces "stocks fantômes" arriveront sur le marché — une maison hypothéquée sur trois se retrouvera probablement sous l’eau, avec des millions de nouvelles faillites, saisies et ventes de détresse.
▪ Distribuer… faire semblant… et peut-être que le problème disparaîtra. Ou peut-être que la situation se fera si confuse que personne ne saura qui accuser ou quoi penser !
Ben Bernanke espère le premier et compte sur le deuxième. Il a répondu à des questions du Congrès US la semaine dernière. Au moins un politicien voulait savoir : "si vous êtes si intelligent, pourquoi nous avez-vous dit que la crise des subprime serait ‘contenue’ ? Comment se fait-il que vous ne sembliez pas avoir la moindre idée de ce qui se passait et de ce qu’il fallait faire ?"
"D’accord… eh bien… nous avions tort au sujet des subprime… et nous avons manqué des signaux", a répondu — ou à peu près — l’ancien professeur de finance de Princeton, "mais vous pouvez compter sur la Fed pour réguler le secteur financier à partir de maintenant. Pas de problème".
Bernanke a continué en décrivant comment, selon lui, les problèmes financiers s’étaient introduits dans le système et comment ils étaient devenus difficiles à contrôler.
Ils sont comme des bactéries… comme l’e-coli… a-t-il dit (en le formulant différemment… nous n’avons pas la transcription sous les yeux, simplement le communiqué de presse). "C’est toujours dangereux. Mais on peut les contrôler si l’on utilise les bonnes procédures. Une fois qu’ils sont dans le sang, on ne peut pas faire grand-chose. Cela peut être fatal".
Une fois encore, nous voyons les mêmes illusions… selon lesquelles les corrections sont des envahisseurs extra-terrestres contre lesquels on peut lutter et qu’on peut défaire… des maladies qui peuvent être contrôlées et guéries… des problèmes qui peuvent être corrigés.
Bernanke comprend mal la nature la plus basique et la plus simple d’une économie. Avec ses pouvoirs de régulation, il imagine la Fed comme une sorte de Bureau de la santé financière publique, inspectant la viande et s’assurant que les cuisines sont propres. S’il fait bien son travail, implique-t-il, nous n’aurons plus jamais à nous inquiéter de crises financières. Tout ce qu’il faut faire, c’est contraindre les banquiers à se laver les mains après avoir accordé un prêt !
Non. Ce n’est pas ainsi que ça fonctionne. Le problème, c’était l’économie de bulle. Elle a été causée par de mauvaises interprétations et des signaux factices provenant de la Fed (ainsi que d’autres circonstances sur lesquelles la Fed n’avait aucun contrôle).
La solution est la correction… En d’autres termes, la correction est la bonne partie du cycle. La mauvaise partie du cycle, c’est celle qui a créé le besoin d’une correction.
Une fois que les erreurs ont été commises, elles doivent être corrigées. Une correction n’est pas une maladie — c’est le traitement. Les erreurs sont inévitables… surtout quand on a Greenspan, Bernanke et al. induisant les investisseurs et les entreprises en erreur avec leur argent bidon, leurs taux de prêt artificiels et leurs théories insensées.
Dieu merci, il y a des corrections pour les réparer.