La Chronique Agora

Sommes-nous en train de devenir parano ?

▪ Qu’est-ce que c’est malcommode, les espèces !

Ces pièces qui alourdissent le portefeuille, vont se perdre derrière les coussins du canapé, cette ferraille qu’on fouille à la recherche des trois centimes qui manquent à la caisse, ce billet que le distributeur de tickets de métro refuse une xième fois parce que trop chiffonné…

… Sérieusement, ne serait-on pas mieux dans un monde où toutes les transactions se feraient sur fond de "bips" mélodieux du terminal CB, où vous régleriez toutes vos factures d’un seul clic de souris, où un léger effleurement sur votre smartphone suffirait à payer vos impôts… un monde propre, lisse, efficace…

Ou pas.

Parce que tout ça signifie aussi une privation graduelle, discrète et "indolore" d’une liberté essentielle, pour reprendre les propos de Simone Wapler dans sa Stratégie :

▪ "Petit à petit, sournoisement, insidieusement, la cashless society (la société sans cash) se met en place. Une société totalitaire dont même Orwell n’avait pas rêvé", explique Simone.

"Une société sans cash, cela veut dire qu’une de vos libertés essentielles, le droit de propriété de ce que vous avez légitimement acquis, peut vous êtes retiré à tout instant. Vous êtes entièrement dépendant de réseaux informatiques et bancaires et d’un clic, un ‘fonctionnaire habilité’ peut vous priver de votre argent, de votre épargne.

Bien sûr, aujourd’hui, vous n’êtes pas obligé d’utiliser le cash et le petit bout de plastique de votre carte de débit est bien commode. Mais vous pouvez toujours en cas de besoin, de nécessité, y recourir. Bientôt cela ne sera plus vrai.

Cette société sans cash se met en place insidieusement sous prétexte de bons sentiments : lutter contre le blanchiment, la fraude fiscale, le terrorisme, balablabla. Si aujourd’hui vous sortez un billet de 100 euros ou 200 euros vous êtes soupçonné de vous livrer à des trafics illégaux ou à la prostitution. Ne parlons même pas des billets de 500 euros.

La sécurité et la lutte contre le terrorisme l’exigent ? Quelle blague !
Les terroristes empruntent des routes et l’Etat ne supprime pas les routes.
Les terroristes profitent de l’éclairage public et l’Etat ne supprime pas l’éclairage public.
Pire. Un terroriste geek peut paralyser ou prendre très facilement le contrôle d’une économie sans cash.

Ces arguments ne tiennent donc pas la route une minute. En revanche, l’établissement d’une société totalitaire est un argument tout à fait probable pour justifier ces mesures. Et qui seront les maîtres de cette société totalitaire, à votre avis ? A qui profite une société sans cash ?

– Aux banques. Quand vous retirez 100 euros d’une banque vous lui retirez 3 000 euros de capacité de crédit (oui, levier de 30, je vous le rappelle). De plus le système actuel de réserve fractionnaire ne tient que par un mensonge : ‘votre argent est à tout instant disponible’. C’est absolument faux. Si tout le monde retire son argent en même temps, la banque fait faillite. En mode cashless, cette menace n’existe plus.

– Aux Etats surendettés. La dette publique c’est de l’impôt en devenir. Ce crédit sans limite correspond à de l’impôt infini. La situation n’est pas tenable. Le principal de la dette ne sera jamais remboursé intégralement. Tout le monde le sait mais il faut que les intérêts courent éternellement pour qu’il n’y ait pas de panique. Tant que le débiteur paie des intérêts on fait semblant d’oublier qu’il est incapable de rembourser le principal (dont les autorités espèrent bien qu’il sera rongé par l’inflation). Mais voilà, aujourd’hui les taux sont au plus bas et dès qu’ils vont remonter, il faudra saigner les contribuables pour payer les intérêts et seulement les intérêts. Vous vous souvenez de la ‘taxe Lagarde’ évoquée par le Fonds monétaire international : Christine Lagarde disait qu’il suffirait de ponctionner 10% des dépôts liquides pour résoudre le problème de la dette. Impossible à faire dans une société où le cash existe encore, mais si facile avec une cashless society

– Les banques et les Etats marchent la main dans la main. Ce sont les mêmes énarques, hauts fonctionnaires, qui passent de l’un à l’autre. Du Trésor à la banque et vice versa. Dans tous les pays. Les banques seront des collecteurs d’impôts efficaces, soyez-en sûrs. Des impôts qui ne seront jamais ni débattus, ni votés car il faudra les lever dans l’urgence".

▪ Nous réfléchissons avec attention à ce thème de la "société sans cash", avec Simone mais aussi avec Bill, qui en parlait d’ailleurs mercredi dernier.

Qu’en pensez-vous, cher lecteur, en ce qui vous concerne ? Sommes-nous en train de sombrer dans le délire paranoïaque… ou bien avons-nous raison de nous inquiéter ? Quelle proportion de vos achats se fait par CB ou autre moyen dématérialisé ? Trouvez-vous que l’argent liquide est à son tour en train de devenir une "relique barbare"… ou bien qu’au contraire il faut à tout prix préserver ce bastion de liberté ?

Et… c’est mineur, bien entendu, mais je viens de penser à quelque chose : dans une société sans cash, que devient la pièce donnée au SDF que l’on croise tous les matins sur le chemin du bureau ? Que répondre au gamin qui vient vous proposer des billets de tombola pour financer son voyage de classe ?

Ce sont deux cas de figure que j’ai rencontrés ces derniers jours — et personnellement, je ne me sens pas très en accord avec une société qui entrave la compassion et l’entraide.

Mais, n’est-ce pas, je ne suis qu’une naïve citoyenne ; je n’ai pas fait l’ENA et ces grandes questions d’Etat me dépassent…

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser
La Chronique Agora

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