La Chronique Agora

Deux conseils de Jim Rogers pour des marchés agités

▪ Nous posons parfois des questions faussement naïves concernant la conjoncture et l’humeur des marchés… mais il est rare que nous obtenions une réponse sans équivoque avant plusieurs semaines. Ce n’est assurément pas le cas cette fois-ci car nous avions conclu la Chronique du 21 juin par cette interrogation : « les indices boursiers n’ont-ils pas été cyniquement tirés à la hausse pour mieux pouvoir rebaisser ? »

Nous n’osions espérer une démonstration aussi éclatante en moins de 10 jours !

En ce qui concerne le second semestre 2010, le ton est donné. Les fausses illusions cèdent la place à un véritable sentiment de punition. Le mode d’ordre devient « comment se tirer de ce guêpier en limitant la casse » ?

Tous ceux qui ont toujours considéré — et nous sommes du nombre — que les banques centrales avaient largement collaboré au gonflement de la bulle du second semestre 2009 parient que la rechute des indices ne s’arrêtera pas là. Tout cet argent sorti de nulle part, sinon des presses rotatives de la Fed,  n’a servi qu’à spéculer, non pas à soutenir l’économie réelle. Un jour ou l’autre, il doit retourner d’où il vient, c’est-à-dire au néant.

▪ Regardez le graphique du CAC 40 (même si vous n’avez aucune inclination envers l’analyse technique) : la succession de vagues de hausse puis de correction des six derniers mois peut s’interpréter comme un plongeur qui bondit puis rebondit sur la planche en fibre de verre du tremplin de trois mètres. Il lui faut rarement plus de trois « appels » avant d’effectuer sa figure.

Le troisième appel du deuxième trimestre 2010 devrait être le bon. La tête du plongeur vient de passer sous le plancher de la plate-forme ; seule une rapide rotation du haut du corps pourrait entretenir l’impression qu’il a momentanément interrompu sa chute.

Victime d’un nouveau trou d’air de -3%, le CAC 40 a effectué  le retracement de sa plus basse clôture annuelle du 25 mai (inscrite à 3 330 points) avant d’en terminer sur le seuil des 3 340 points. L’indice vient de reperdre 11% en huit séances après avoir gagné 12% en neuf séances de hausse consécutive, depuis un plancher de 3 343 points.

Quelle versatilité ! Mais à quoi tenait donc cette hausse de 400 points entre le 9 et le 18 juin… si ce n’est à une volonté farouche de tirer les cours avant la journée des « Quatre sorcières » ?

Pouvons-nous concevoir que le marché se soit trompé aussi lamentablement avant de changer radicalement d’avis ? La façon dont le CAC 40 avait rebondi à partir du 9 juin était assez singulière : pas de volumes, aucun mouvement de repli intermédiaire. Cela semble trahir une vaste entreprise de manipulation des cours à la hausse, dans le but d’obtenir le score indiciel le plus élevé pour la séance des « Quatre sorcières » du 18 juin.

A peine le CAC 40 avait-il atteint les 3 750 points qu’un déluge de mauvais chiffres s’est abattu sur Wall Street puis plus récemment sur Shanghai. De surprenantes révisions d’estimations de croissance sont venues bouleverser les anticipations de croissance « solide » en Asie et aux Etats-Unis ; les valorisations sont soudain apparues excessives.

Le scénario d’un fléchissement de l’activité économique au cours des six ou 18 prochains mois (admirez la précision du timing) ne semble plus faire de doute pour personne.

Des experts de la BRI estiment qu’il va falloir encore trois ou quatre ans avant de pouvoir commencer à redresser la barre. Privés de leurs béquilles budgétaires (les plans de relance sont au bout du rouleau) et sommés de pratiquer une cure d’amaigrissement, les pays occidentaux voient se profiler des temps difficiles qui seront placés sous le double signe de l’austérité et de la récession… et au bout de pas très longtemps de ce régime indigeste, sous celui de l’inflation.

▪ Nous ne manquons jamais de monter le son dès que la chaîne CNBC pointe ses caméras sur la mine réjouie de Jim Rogers, un pessimiste combatif monté sur noeud papillon. Pour la première fois depuis bien longtemps, nous l’avons entendu donner en direct un conseil qui risque d’avoir coûté très cher à ceux qui l’ont suivi jeudi matin.

Il a tout simplement recommandé de continuer de privilégier le dollar de préférence à l’euro (et la monnaie unique a bondi de 2% quelques heures après son interview) — alors que la question des dettes souveraines demeure ce baril de poudre qui n’attend plus qu’une étincelle. Il a donné dans la foulée un autre conseil qui sera à ne pas en douter beaucoup plus profitable que le premier : vendez les bons du Trésor, qu’ils aient été émis par la Fed, la Bank of England ou la BCE… car ce gigantesque soufflé de papier monnaie va retomber et engendrer une des plus phénoménales pertes de richesse des dernières décennies.

Autrement dit, les contrats d’assurance-vie, l’épargne de précaution sagement investie dans des emprunts d’Etat sont en fait des placements à risque, ou vont le devenir d’ici peu de temps.

Face à une nouvelle forme d’aversion au risque, et alors que trop d’argent s’est déplacé des Etats-Unis vers l’Asie — et une Chine au bord d’un krach immobilier et boursier à la japonaise –, il est effectivement logique de parier sur une hausse mécanique du dollar. Un rapatriement massif des capitaux sera le dernier chapitre clôturant l’ère des méga-bulles.

La rechute du dollar survenue jeudi ne serait alors qu’un épiphénomène, un geste réflexe, une convulsion passagère.

▪ Mais cela ne nous dispense pas d’analyser en détail les causes de l’un des plus rapides rebonds de l’euro de la décennie, entre 1,22 $ jeudi matin et 1,2460 $ en fin d’après-midi.

La principale raison réside dans une nouvelle salve de très mauvais chiffres économique aux Etats-Unis. La série noire continue avec la chute inattendue de l’activité dans le secteur manufacturier américain au mois de juin.

Le baromètre mensuel de l’Institute for Supply Management réalisé auprès des directeurs d’achat industriels plonge de 3,5 points d’un coup (de 59,7 vers 56,2) alors que les analystes anticipaient un score pratiquement inchangé de 59.

Du côté des promesses de vente dans l’immobilier en mai, c’est encore pire. Selon des chiffres dévoilés jeudi par l’Association nationale des agents immobiliers (NAR), les promesses de ventes signées en mai se sont effondrées de 30%, à 77,6, alors que les économistes s’attendaient à un repli sévère… de l’ordre de 15% — suite à l’arrêt de la prime fiscale de 8 000 $ offerte aux primo-accédants.

Et comme pour confirmer l’enquête si décevante d’ADP sur les créations d’emploi dans le secteur privé publiée la veille, les demandes d’allocations chômage ont rebondi de 13 000 (à 472 000) pour la dernière semaine du mois de juin (la moyenne mensuelle grimpe également de 3 500), alors que les experts espéraient un léger recul.

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