La Chronique Agora

La Deutsche Bank, maître ès produits dérivés

▪ Personne ne sait au juste pourquoi le Dow Jones a perdu jusqu’à 140 points vendredi entre 16h et 17h (ou le S&P 500 -0,75%). Personne ne sait non plus pourquoi toutes les pertes ont été effacées comme par miracle à la dernière minute — le Dow a grappillé +0,02%, le S&P +0,09% au final.

Cependant, tout le monde a déjà observé ce scénario des dizaines de fois, voire des centaines de fois pour le coup de pouce de 21h59 qui remet tous les indices américains dans le vert… Et tout le monde lit comme une évidence la mise en oeuvre d’un algorithme haussier à partir de 17h — dont on comprend parfaitement qu’il est conçu pour ramener Wall Street en territoire positif quel que soit le fil de l’actualité et l’environnement conjoncturel (le FMI a publié un communiqué prévoyant un ralentissement de la croissance américaine… ça se fête !).

La stratégie du contrepied est tellement systématisée que le scénario en devient presque limpide dans sa perversité. Les futures avaient été tirés à la hausse quatre heures avant l’ouverture… avant de rechuter étrangement jusqu’à afficher -0,5%.

Une majorité d’opérateurs ne savait trop sur quel pied danser au cours des premiers échanges. Ceux qui n’avaient pas « payé » à l’ouverture se sont empressés de le faire avec la publication de la hausse surprise de l’indice de confiance l’Université du Michigan à 15h55 (qui grimpe vers 85 au lieu de 84 anticipé).

A peine cinq minutes plus tard, les indices ont décroché. Le consensus, redevenu haussier, a été complètement pris à revers. Les stops de protection se sont déclenchés en cascade, d’où une chute d’une centaine de points du Dow Jones en une demi-heure.

Une fois que les acheteurs sont devenus vendeurs (et qu’ils ont pris leurs pertes, on les remercie d’être venus), les algorithmes haussiers sont activés. Les indices remontent ensuite inexorablement la pente car il n’y a plus personne pour s’opposer au mouvement, même s’il n’a aucun fondement identifiable.

▪ Le marché retrouve son optimisme
On peut toujours faire comme si on ne voyait pas comment ça fonctionne… et prétendre que le marché a retrouvé ce vendredi son optimisme au fil des heures (on se demande bien pourquoi). Cependant, chacun constate la multiplication et la systématisation des « scénarios tordus ».

Les vendeurs d’actions se perdent dans des explications qui ne convaincraient pas un investisseur en culotte courte, alors que la manipulation des indices crève les yeux.

Pourquoi recourir à de tels faux semblants ? La Fed ne cache plus depuis des mois qu’elle veut voir coûte que coûte Wall Street grimper toujours plus haut… car c’est bon pour la confiance des ménages.

A force de prendre les épargnants pour des idiots (les taux se tendent, les résultats régressent mais il est normal de payer les actions plus cher et même au plus haut absolu), Wall Street les a fait fuir par millions.

Ne restent que des robots programmés pour singer le comportement d’investisseurs qui n’existent plus. Ils orchestrent de pseudo-tendances haussières auxquelles plus personne ne participe ; l’effondrement des volumes depuis 2010 nous en administre une preuve accablante.

C’est une guerre de machines algorithmiques qui cherchent à se feinter entre elles dans le cadre d’un jeu à somme nulle de la dernière absurdité.

▪ Banques : un jeu à plusieurs milliards d’euros
Les grandes banques participent également à des jeux — prétendument à somme nulle — beaucoup plus dangereux. Il s’agit des dérivés de devises, de volatilité et de produits de taux (dettes souveraines, T-Bonds, Libor, Euribor, etc.).

Nous pensions jusqu’à la semaine dernière que la banque qui détient la plus forte exposition aux produits dérivés dans le monde était JP Morgan (qui tente soudain, allez savoir pourquoi, de céder sa division options sur matières premières), ou des mastodontes du trading pour compte propre comme Goldman Sachs ou Morgan Stanley.

Mais avons découvert grâce au rapport demandé par la Bafin (organisme de régulation bancaire germanique) que le numéro un mondial toutes catégories des encours sur les marchés dérivés est allemand. Il s’agit de la Deutsche Bank.

Cette banque se trouvait exposée fin 2012 à hauteur de 55,6 mille milliards d’euros. Cela représente 55,6 trillions d’euros ou 73 trillions de dollars, soit près de 4,5 fois le PIB américain, 21 fois le PIB allemand et pratiquement une fois le PIB… mondial.

Il ne faut pas se laisser impressionner par les nombres et les comparaisons qui enflamment les imaginations. Tout ceci n’est que virtuel et les risques encourus sont en réalité minuscules : une vingtaine de milliards d’euros tout plus, à peine un demi-Dexia, tout juste une faillite de Chypre… une bagatelle !

Tout est parfaitement sous contrôle : les engagements à terme sont soigneusement compensés par des couvertures d’un montant équivalent conclues auprès de différents acteurs de premier plan du grand casino planétaire (tout le monde étant certain de voir son risque dilué et garanti par tout le monde) !

La question que nous nous posons néanmoins est la suivante : que se passe-t-il le jour où l’un des « assureurs » de la Deutsche Bank fait défaut ou tente en vain de refourguer le risque à un autre intermédiaire ?

Cela équivaudrait juste à s’entailler la main au milieu d’un banc de requins affamés !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile